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AMOUREUX DE LA ROUMANIE - Arnaud Le Vac

Arnaud Le VacArnaud Le Vac
Écrit par Grégory Rateau
Publié le 8 mai 2023, mis à jour le 8 mai 2023

Cette semaine notre rédaction est allée à la rencontre d'Arnaud Le Vac, auteur et éditeur français mais surtout grand amoureux de la Roumanie. Il nous raconte comment il a découvert ce pays et ce qu'il en garde en mémoire ou au travers de ses écrits.

 

Je suis allé en Roumanie avec le sentiment de recouvrir une partie inconnue de moi, de mon histoire sans laquelle je ne pourrais pas me dire et me sentir européen.   

 

Grégory Rateau: Pouvez-vous vous présenter à nos lecteurs ? 

Je mène plusieurs activités en France où je vis et travaille, comme poète, essayiste, revuiste, directeur de collection, mais pas seulement, car j’occupe aussi un poste dans un musée d’art contemporain à Paris. Je passe conjointement d’une activité à l’autre et d’un univers à l’autre. Je suis aussi quelqu’un qui a fait de nombreux voyages en Europe ces quinze dernières années. 

 

Aviez-vous des a priori avant de découvrir la Roumanie pour la première fois ? 

Pas d’a priori personnel ni collectif. Des questions bien sûres, toutes relatives à mon expérience et à ma vie. L’ouest de l’Europe connait assez mal, le plus souvent pour des raisons historiques, l’est de l’Europe. L’Europe séparée par un mur, coupée pour ainsi dire en deux a laissé des traces visibles après ce que l’on a appelé la chute du mur de Berlin et dont ma mémoire d’enfant me rappelle régulièrement ces images des journaux télévisés qui ont fait le tour du monde. Je suis allé en Roumanie avec le sentiment de recouvrir une partie inconnue de moi, de mon histoire sans laquelle je ne pourrais pas me dire et me sentir européen en ce monde.

 

Comment a eu lieu votre découverte de ce pays ? 

Par la rencontre d’une Roumaine de passage à Paris, que je suis allé retrouver ensuite à Bucarest. Avec elle j’ai pu parcourir un peu la Roumanie par de brefs séjours en voiture nous amenant par exemple de Brasov au delta du Danube et sur la côte de la mer noire. Grâce à elle j'ai été immédiatement en contact avec des Roumaines et des Roumains qui savaient très bien parler en français quand je ne savais pas parler leur langue. Je garde un souvenir chaleureux et ému de leur hospitalité, de leur écoute, de leur accueil, de leur amitié soucieuse du bien-être de l’autre. 

 

Quelles ont été vos premières perceptions? 

De me sentir vraiment européen à Bucarest. Cela a été pour moi une libération salutaire de marcher dans cette capitale européenne. De découvrir le vrai visage de cette ville. De l’Europe. De la culture roumaine dont de nombreux noms sont devenus illustres à Paris au vingtième siècle. Les liens d’attachement sont nombreux entre Paris et Bucarest. J’ai eu la chance de voir et d’apprécier la campagne roumaine dont une certaine pratique de l’autonomie locale par les habitants m’a beaucoup intéressé. La campagne a encore vraiment son sens en Roumanie, espérons que l’agriculture industrielle ne vient pas rompre cette autonomie.    

 

Une rencontre, un lieu qui vous aurait particulièrement marqué?

Le parc Cișmigiu en songeant par exemple à Mihail Sebastian pour évoquer la présence de la communauté juive. Le café Hanul lui Manuc pour évoquer la présence de la communauté arménienne. J’ai aimé énormément ces deux lieux à Bucarest qui mérite qu’on fasse son éloge en l’appelant la capitale des Balkans. Sinon les cafés et les restaurants où on peut encore être au calme. Ses très belles librairies où c’est toujours un plaisir de venir flâner. Quelques poèmes de mon recueil Reprenons les chemins d’ici (éd. du Cygne) tentent à leur manière de faire passer ce que j’ai vécu en venant à Bucarest la première fois lors de mon voyage en 2008. C’est donc pour moi plus qu’une rencontre ou un lieu, mais une façon de vivre qui m’a marqué.  

 

Comment les gens en France perçoivent-ils la Roumanie et les Roumains?  

Je me souviens que l’on parlait enfant de ce pays comme une enclave latine à l’Est. Ce qui a créé et continue de créer un lien culturel fort avec la France. Que le roumain se soit enrichi de la langue française montre très bien l’importance de notre relation privilégiée et de nos échanges. Nombre de célébrités de renommée internationale se sont faites les passeurs de nos deux cultures. Ce que je souhaite aux Roumaines et aux Roumains est de pouvoir construire aujourd’hui la société qu’ils méritent, notamment sur le plan du développement du secteur de la santé.      

 

Vous êtes poète et directeur de collection aux Éditions du Cygne. Comment habite-t-on "poétiquement" le monde selon vous? 

En vivant sa vie et en assumant son histoire tant sur le plan culturel que social. Du point de vue de sa région, de son ou ses pays, de son ou ses continents, du monde qui nous entoure. Je suis sensible à Bucarest à la latinité de ce pays, à l’influence notamment française et allemande, mais aussi slave, car l’Europe partage le continent avec la Russie. L’apport culturel est immense à Bucarest. Il y a aussi, je pense, un décentrement des questions de la culture européenne. 

 

Pourriez-vous définir en quelques mots votre rapport à la poésie? 

C’est accorder toute son importance au langage et à la vie. Comme l’activité la plus nécessaire à l’être humain. C’est chercher à reconnaitre le sujet humain que nous sommes chacun à travers nos vies et nos histoires. Pour le poète que je suis, c’est l’écoute et l’écriture du poème. Le travail du rythme, de la prosodie et des images à tous les éléments du langage. C’est aussi et encore, toujours la lecture du poème qui passe par le corps et la voix dans le langage.    

 

Quelle serait la place du poète aujourd'hui dans nos sociétés? La réception du public a-t-elle changé? 

Immense d’autant plus que le langage et la vie sont niés dans les activités humaines. On le voit très bien à travers l’économie, l’industrie, la communication, qui exploitent sans répit le monde et l’humain. Ce n’est pas de cette mondialisation qui exclut l’humain du monde que nous pouvons vivre. Rien n’empêche l’homme aussi bien que la femme, l’enfant de renverser et de transformer toutes ces représentations. Il y aura toujours quelqu’un en ce monde pour écouter dire le poète. 

 

xxx

 

Je vous laisse présenter brièvement votre dernier recueil à nos lecteurs. 

Il s’agit de Tenir le pas gagné qui paraît aux éditions du Cygne, recueil dans lequel je reviens sur les expériences de mes dernières années. En tant que poète, revuiste, directeur d’une collection de poésie et d’essai, j’essaie de rester fidèle à ce que je vis, de penser ensemble toutes ces activités. L’intérêt que je porte à la « poétique » et à la « modernité » depuis que j’ai écrit le Manifeste pour une poétique de la modernité, en questionnant notamment Breton et Tzara, m’incite à penser ce qui fait langage et l’histoire dans l’écriture poétique. C’est un questionnement, une recherche qui trouve aussi son prolongement dans la revue L’Oreille voit.

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