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L'Allemagne change de cap : que signifient les résultats des législatives ?

Les élections fédérales anticipées en Allemagne, tenues ce dimanche 23 février 2025, viennent de marquer un tournant décisif dans la politique allemande et européenne. Friedrich Merz, leader de l'Union chrétienne-démocrate (CDU), est en passe de devenir le prochain chancelier, signant ainsi la fin de l’ère Scholz, marquée par une popularité en berne. Cette victoire soulève d’emblée des questions quant aux implications pour la communauté internationale résidant en Allemagne et pour l'avenir de l’Europe. Une nouvelle page s’ouvre outre-Rhin, porteuse d’incertitudes et d’attentes.

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Bundestagswahl – Wahlabend CDU © Sandro Halank - CC Wikimedia
Écrit par Eva Cahanin
Publié le 24 février 2025, mis à jour le 26 février 2025

Friedrich Merz : l’héritage de la CDU

À 69 ans, Friedrich Merz prouve que dans le monde de la politique, la retraite n’est qu’un concept théorique. Après avoir marqué les années 1990 et 2000 au sein de la CDU, il avait été contraint de mettre entre parenthèses sa carrière, exclu par sa rivale Angela Merkel. Il quitte alors les affaires publiques pour se lancer dans le secteur privé, notamment chez BlackRock Allemagne, un gestionnaire d’actifs.

Mais le pouvoir ayant cette étrange faculté d’attirer ceux qui l’ont déjà goûté : en 2022, Friedrich Merz fait son grand retour. Il reprend les rênes du parti avec une ligne bien plus conservatrice. Il défend un libéralisme économique assumé, des baisses d’impôts sur les entreprises, une réduction de la bureaucratie et un climat plus favorable à l’investissement privé. Peu convaincu par les politiques climatiques ambitieuses et intransigeantes sur l’immigration, il prône aussi un rôle plus musclé de l’Allemagne sur la scène internationale, notamment par un soutien militaire renforcé à l’Ukraine.

Longtemps colonne vertébrale de la politique allemande, l’Union chrétienne-démocrate (CDU) a déjà façonné le paysage du pays, notamment sous l’ère d’Angela Merkel. De 2005 à 2021, l’ex-chancelière a imposé son style : un centrisme pragmatique, une aptitude à bâtir des coalitions et une gestion des crises qui a marqué son époque et l’Europe. Avec Friedrich Merz, le vent tourne drastiquement. Il y a quelques jours à peine, ce milliardaire affirmait son engagement en faveur d’une ligne dure sur l’immigration, une stratégie censée freiner la montée en puissance de l’Alternative für Deutschland (AfD). Pourtant, paradoxe révélateur, il dépose, fin janvier dernier, une motion pour durcir la politique migratoire du pays qui passera grâce aux votes du parti d’extrême droite. En somme, la CDU de Merz ne cherche plus tant à rassembler au centre qu’à reconquérir un électorat conservateur de plus en plus tenté par des options radicales.

 

Quelles conséquences à l'échelle européenne ? 

L’arrivée de Friedrich Merz au pouvoir devrait entraîner un durcissement des règles migratoires en Allemagne. Parmi les mesures envisagées, l’installation de contrôles permanents aux frontières pour limiter l’immigration irrégulière. Si cette politique vise avant tout à mieux encadrer les flux migratoires, elle risque d’impacter aussi les expatriés et les travailleurs transfrontaliers en allongeant les formalités d’entrée sur le territoire. 

L’élection de Friedrich Merz au poste de chancelier pourrait bien rebattre les cartes en Europe. Avec sa ligne économique conservatrice et résolument pro-entreprise, il entend remettre la discipline budgétaire au cœur des politiques européennes et renforcer la compétitivité du continent. Son arrivée à la tête de l’Allemagne marquerait un retour à une orthodoxie économique stricte, dans la lignée de la tradition allemande du rigorisme budgétaire.

Sur la scène internationale, Merz souhaite une Europe plus affirmée face aux grandes puissances. Il plaide pour une coopération renforcée entre les États-membres en matière de défense, convaincu que l’Europe doit être capable de tenir tête à la Russie ou même aux États-Unis. Une vision ambitieuse, qui pourrait rapprocher certains pays, mais aussi en froisser d’autres, plus attachés à une approche diplomatique et multilatérale.


Tout cela est de bon présage pour l’amitié franco-allemande qui devrait se renforcer. Ancien député au Parlement européen, il se revendique comme un Européen convaincu et considère cette amitié de longue date comme une affaire de cœur, selon Andreas Jung, figure influente de la CDU. Conscient des tensions qui traversent l’Union, il appelle à une nouvelle dynamique de confiance entre Berlin, Paris et Varsovie, estimant que cette coopération est essentielle pour faire face à la crise internationale qui se joue sous nos yeux et à la crainte collective. À Bruxelles, les parlementaires attendent un leadership plus stable de la part de la capitale allemande et s’impatientent du départ d’Olaf Scholz.

Mais un autre facteur pourrait peser lourdement sur la politique de Merz : la montée de l’AfD. Avec 20 % des voix, le parti d’extrême droite réalise un score inédit depuis des décennies, une progression spectaculaire qui témoigne du basculement profond du paysage politique allemand. Jadis cantonné à un rôle marginal, l’AfD s’impose désormais comme une alternative crédible pour une partie croissante de l’électorat. Ce score, impensable il y a encore quelques années dans un pays marqué par son passé, illustre bien la montée des idées nationalistes et identitaires en Europe.

Durant les prochaines semaines, tous les regards seront tournés vers Berlin, où conformément à la Loi fondamentale, le nouveau Bundestag devra se réunir dans un délai de 30 jours après les élections pour ouvrir officiellement cette nouvelle ère politique. Reste à voir si Merz parviendra à imposer sa vision dans une Europe de plus en plus fracturée ou si ses ambitions seront rapidement freinées.

Quoi qu’il en soit, si l’Europe s’interroge sur les conséquences de cette élection pour son avenir politique, outre-Atlantique, Donald Trump se réjouit de la victoire de Merz. Le président américain salue un grand jour pour l’Allemagne.




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