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Les fêtes autrement : objectif zéro gaspillage alimentaire avec Virginie Little 3/3

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Écrit par Bénédicte Mezeix-Rytwiński
Publié le 19 décembre 2022, mis à jour le 4 octobre 2024

Tout au long de ce mois de décembre, lepetitjournal.com/varsovie vous invite à vivre les fêtes autrement en habillant le père Noël de vert. Dans la troisième et dernière partie de ce dossier, Virginie Little, fondatrice de la société de conseil en développement durable Little Greenfinity, nous parle de l’épineux problème du gaspillage alimentaire qui s’élève à 1,3 milliard de tonnes de nourriture – dont 88 millions dans l’Union européenne et 5 millions de tonnes (sans inclure les boissons) en Pologne… Des chiffres qui font réfléchir et interrogent : avons-nous sincèrement besoin d’acheter, cuisiner, consommer, autant de nourriture (très souvent transformée) au moment des fêtes, ainsi que le reste de l’année ? Au-delà du désastre écologique, vous allez voir que ce gaspillage touche directement à notre porte-monnaie… Des solutions simples et savoureuses peuvent être mises en place pour y remédier ! Dates de péremption, organisation des achats, élaboration de menus… Virginie nous livre ses astuces, et en bonus une recette, pour que repas ne rime plus avec gaspillage. Et comme le dit si bien ce proverbe polonais plein de bon sens : Dobrze się gotuje, jak nic nie kosztuje ! (c'est bien de cuisiner quand ça ne coûte rien). Votre porte-monnaie vous dira merci… Et fort à parier, que votre balance en janvier, aussi !

 

Lepetitjournal.com/varsovie : Ravie de vous retrouver Virginie pour la troisième et dernière partie de ce dossier consacré au Zéro déchet, pour vivre les fêtes autrement. Parler de zéro gaspillage alimentaire, au moment des fêtes de fin d’année, où nous assistons à de vraies exagérations dans ce domaine, est-ce rabat-joie ou nécessaire ?

Virginie Little : Oui, c’est vrai, il peut paraître rabat-joie de parler de gaspillage alimentaire au moment où nous nous préparons à festoyer généreusement entourés de ceux que nous aimons. Pourtant il faut bien garder en tête qu’à l’échelle mondiale 30% de la production agricole est gaspillée. Cela représente 1,3 milliard de tonnes de nourriture – dont 88 millions dans l’UE et 5 millions de tonnes (hors boissons) en Pologne. Et nous, les consommateurs en Pologne, sommes responsables de 60% du gaspillage alimentaire (source : Site des Banques Alimentaires en Pologne, Banki Żywności - qui réalisent des études et luttent contre le gaspillage alimentaire). Avouez que ça mérite bien que l’on en discute un peu...

 

« Tu sortiras de table que lorsque tu auras fini ton assiette ! » nous avons tous entendu et prononcé cette phrase au moins une fois dans notre vie… Il nous est tous arrivé de nous forcer à finir un plat, « pour ne pas gâcher »… Qu’en dites-vous ? Comment définissez-vous le gaspillage alimentaire ?

Le gaspillage concerne tous les aliments, du champ à l’assiette, destinés à la consommation humaine et qui finissent à la poubelle. Et en réalité, finir un plat alors que l’on n’a déjà plus faim, c’est déjà du gaspillage. C’est une forme de surconsommation.

Depuis toujours, je suis obsédée non seulement par le fait de ne pas jeter de nourriture, mais aussi par le fait de profiter au maximum de ce que la nature nous donne. La cuisine zéro-déchet c’est bien sûr d’éviter le gaspillage, mais c’est aussi de profiter à 100% des produits : les fanes, les feuilles, les tiges, la pulpe de fruits après avoir fait des jus frais, l’aquafaba (NDLR retrouver notre recette de l'aquafaba à la fin de cet article), etc.

C’est une satisfaction immense de ne pas jeter et aujourd’hui c’est une façon d’amortir au maximum ses dépenses.

Avant de parler des solutions pour éviter le gaspillage, quelles sont les conséquences en général, et sur notre budget « alimentation » en particulier ?

Il faut bien se rendre compte que le fait de jeter des aliments qui ont été produits et parfois transformés est une aberration économique et écologique. Et même si ce n’est pas à cause du gaspillage que près de 800 millions de personnes souffrent de la faim dans le monde, on ne peut s’empêcher de penser que ces 2 phénomènes sont choquants.

L’agriculture concentre 75% de nos besoins en eau douce. Lorsque 30% de la production agricole finit à la poubelle, ce n’est pas moins de 25% de notre consommation totale d’eau qui est gaspillée – à l’instar de toutes les ressources utilisées du champ à l’assiette pour produire ces denrées.

30% des surfaces agricoles servent annuellement à produire de la nourriture qui sera gaspillée. Si le gaspillage était un pays, il serait le 3e plus gros émetteur de gaz à effet de serre derrière la Chine et les États-Unis.

D’après les Banques Alimentaires en Pologne, une famille de 4 personnes jette l’équivalent de 2000 zlotys par an. Et avec l’inflation que nous connaissons partout, cette valeur va certainement augmenter.

Comment perdre la très mauvaise habitude de jeter de la nourriture parce qu’on pense à tort, par exemple, que la crème et les yaourts sont périmés ou qu’on ne peut rien faire de restes encore mangeables (et accommodables) oubliés dans le frigo ? Quelles sont les erreurs à éviter ?

Les causes du gaspillage sont multiples, et existent tout au long de la chaîne de valeur, mais on peut identifier les principales.

D’abord à l’étape de la distribution : l’emballage inutile peut amener des magasins à jeter des produits. L’exemple classique est celui du filet de mandarines ou de la barquette de pommes : lorsqu’un fruit est pourri, c’est tout le filet ou la barquette qui est jeté. Et là, c’est la double peine, car l’emballage qui a consommé beaucoup de ressources également pour être produit est également jeté.

Ensuite du côté du consommateur, les raisons principales du gaspillage sont :

  • un manque de planification des repas et donc des courses ;
  • des achats trop importants et un manque d’anticipation pour utiliser les produits avant qu’ils ne se gâchent ;
  • une mauvaise conservation des produits – pas tous les fruits et légumes se conservent le mieux au réfrigérateur ;
  • un manque de connaissance des formulations des dates de péremption : il y a une différence cruciale entre la mention « à consommer de préférence avant le » (en polonais « najlepiej spożyć przed ») et « à consommer jusqu’au » (PL: « należy spożyć do »), on y reviendra un peu plus tard ;
  • des portions servies trop grandes et un manque d’enthousiasme pour les restes – voire un manque d’idée pour les « re-cuisiner ».

Que nous proposez-vous Virginie, pour éviter de jeter, voire pour sauver de la nourriture ? 

Concentrons-nous sur ce que nous pouvons faire à notre échelle en tant que consommateurs. D’abord, pla-ni-fier ! Planifier ses repas avant d’aller faire ses courses.

Une fois que je sais ce que je veux cuisiner, je regarde ce que j’ai déjà dans mon réfrigérateur et dans mes placards pour n’acheter que ce dont j’ai besoin.

J’évite de faire les courses lorsque je suis moi-même affamée et si j’ai faim, je mange un fruit, par exemple, puis je vais faire les courses.

Au magasin, je préfère les fruits et légumes non emballés – zéro déchet – et si j’ai prévu d’utiliser un produit rapidement je peux acheter un article avec une date de péremption très courte – voire un produit soldé pour le sauver de la poubelle – dans le cas contraire, je prends soin de vérifier que la date de validité ira assez loin.

À la maison, je garde un œil sur les produits frais que j’ai afin d’éviter qu’ils ne se gâchent. Si je n’ai pas le temps de les consommer, j’anticipe. Je les cuisine en priorité ; je congèle ; je fais des compotes, des confitures, bref je cuisine ; je fais des conserves de légumes cuits, au vinaigre ; je donne à mes voisins, à des collègues, dans un réfrigérateur solidaire, etc.

Bref, il y a 1001 solutions simples pour sauver des produits de la poubelle. On ne devrait jamais, jamais jeter de la nourriture.

 

Quid des fameuses dates limites de consommation figurant sur les emballages ? Jusqu’à quand peut-on consommer les produits laitiers, par exemple ? La peur de l’intoxication alimentaire et un manque d’informations claires poussent de nombreux consommateurs à jeter  de la nourriture, lorsque la date de péremption est atteinte...

C’est en effet un point très important. 40% des Polonais jettent des produits, car ils ne connaissent pas la différence – et elle est cruciale.

La mention « à consommer jusqu’au » (en polonais « najlepiej spożyć przed ») s’applique aux produits dits non-sensibles : les produits secs (farine, biscuits, huiles, riz, pâtes, etc.). Elle signifie que le produit présente les meilleures caractéristiques gustatives et visuelles avant la date indiquée. Après cette date on peut toujours consommer ce produit sans danger pour la santé, mais il peut avoir une couleur, une texture légèrement différente.

La mention « à consommer de préférence avant le » (PL: « należy spożyć do ») s’applique plutôt à des produits dits sensibles : les produits laitiers, les produits à base de viande ou de poisson, etc. Dans ce cas, la date est une date de sécurité et il vaut mieux ne pas les consommer après la date indiquée.

Je dis « il vaut mieux », car il faut tout de même que je mentionne le cas typique des yaourts. Les yaourts sont en fait tout à fait consommables jusqu’à 3 semaines après la date indiquée par le producteur sur l’emballage. Ma famille consomme régulièrement des yaourts achetés pour les sauver de la poubelle au magasin et on les conserve dans notre réfrigérateur plusieurs semaines.

D’une façon générale, avant de jeter, il faut toujours vérifier le produit et faire confiance à ses sens. D’abord je regarde le produit. Si sa texture n’a pas drastiquement changé, je le sens. Si le produit ne sent pas mauvais, ou pas une odeur suspecte (un yaourt peut avoir une odeur légèrement acide ou aigre, mais être encore bon), alors je peux goûter une petite quantité. Il faut bien rappeler que les dates de préemption sont indiquées par les producteurs, qui ont intérêt à ce qu’il y ait une date – même pour des pâtes ou du riz.

Du miel vieux de 2000 ans retrouvé dans les pyramides en Égypte était toujours propre à la consommation.

gateau cuisine maman enfant oeufs
"En remplaçant œufs et huile par l’aquafaba, non seulement on allège la recette, mais on économise des ressources", nous explique Virginie Little.

 

 

Passons aux travaux pratiques, Virginie ! Noël approche à grands pas et vous avez accepté de proposer une recette zéro-déchet de fêtes avec nos lecteurs. Laquelle avez-vous choisie ?

Je voudrais partager une recette que je fais régulièrement lorsque j’anime des ateliers sur le gaspillage alimentaire ou une démonstration de cuisine zéro déchet. Il s’agit de muffins de carotte aux épices. C’est une recette idéale pour les fêtes de fin d’année. D’abord, car elle est basée sur la réutilisation de la pulpe de carottes après avoir fait des jus frais – et la carotte est un légume de saison, économique, et que l’on peut mélanger à d’autres fruits de saison pour faire de succulents jus (par exemple : carottes, pommes/poires, et gingembre).

Ensuite après avoir découvert le magique aquafaba (eau de cuisson des pois chiches ou de haricots), j’ai eu l’idée de remplacer les œufs et l’huile de ma recette d’origine par l’aquafaba, ce qui fait de ces muffins une gourmandise végétalienne. Enfin en remplaçant œufs et huile par l’aquafaba, non seulement on allège la recette, mais on économise des ressources. Pour leur donner un air de fêtes, on peut décorer les muffins ou les napper de chocolat.

 

recette zéro déchet virgibie little muffins carottes

Vous pouvez télécharger la recette de Virginie iciVirginie Little muffin carotte aux epices.pdf

 

Le grain de sel de la rédaction

Qu'est que l’aquafaba dont nous a parlé Virginie Little  ?

Ce nom aux allures d’abracadabra désigne tout simplement l’eau de cuisson des légumineuses telles que les pois chiches ou les haricots : l’aquafaba est riche en protéines végétales et permet donc de remplacer le blanc d'oeuf pour les personnes allergiques ou vegan. 

 

Comment fabriquer votre aquafaba ?

1 – Faites tremper vos pois chiches déshydratés dans de l’eau froide pendant au moins 12 heures.

2 – Egouttez les pois-chiches : l’eau de trempage ne sera pas utilisée dans la préparation de l’aquafaba, mais ne la jetez pas, vous pourrez arroser vos plantes avec, par exemple !

3 – Rincez vos pois chiches sous l’eau froide avant de les faire cuire à l’eau bouillante pendant une durée d’1 heure à 1 heure 30. Comptez environ 2,5 volumes d’eau pour 1 volume de pois chiches.

4 – Quand est-ce que c’est cuit ? Le liquide obtenu (l'aquafaba) doit se retrouver au même niveau que les pois chiches et avoir un aspect légèrement trouble et épais en fin de cuisson.

5 - Séparez les pois chiches de l'aquafaba puis laissez refroidir.

6 - L’aquafaba se monte en neige comme des blancs d’œufs, au fouet électrique. Plus elle est froide, plus c’est facile ! Comptez 5 minutes pour obtenir un résultat bien ferme que vous pourrez incorporer dans vos préparations.

 

Pour lire ou relire l'ensemble du dossier consacré aux fêtes autrement : 

L'épisode 1 : Les fêtes autrement : Noël zéro déchet, mode d’emploi avec Virginie Little 1/3 | lepetitjournal.com

L'épisode 2 : Les fêtes autrement : décorations de Noël maison avec Virginie Little 2/3 | lepetitjournal.com

 

 

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