L’après COVID-19, l’inflation, l’augmentation du prix de l’énergie, une prise de conscience écologique… voilà autant de raisons qui nous font appréhender les fêtes autrement. Et s’il était enfin temps de passer à un autre mode de consommation, plus éthique, respectueux de notre environnement et responsable ? Noël est souvent synonyme d’opulence, voire de gaspillage : trop de nourriture, achat de cadeaux-gadgets, bien souvent inutiles... Certes, certains s’empresseront de les revendre sur des sites en ligne - les cadeaux ratés des uns, pouvant faire le bonheur des autres, mais à quoi bon continuer ainsi ? Et s’il était temps d’habiller le père Noël de vert ? Grâce à l’expertise de Virginie Little, fondatrice de la société de conseil en développement durable Little Greenfinity, nous vous proposons une série de 3 articles pour vivre Noël autrement. Dans ce 1er opus, en ce jour de Saint-Nicolas si important en Pologne, Virginie Little revient sur le zéro déchet et vous explique comment organiser un Noël économique, écologique, responsable tout en restant festif !
Lepetitjournal.com/varsovie : Virginie, pourriez-vous nous présenter votre entreprise, Little Greenfinity, cabinet de conseil dédié au développement durable, au changement climatique, au zéro déchet et à la RSE ?
J’ai créé Little Greenfinity il y a 6 ans avec la volonté de contribuer à la transition écologique avec toute mon énergie et tout mon temps disponible. Ma famille et moi avions déjà adopté depuis un certain temps un mode de vie zéro déchet. J’étais consciente que l’environnement était largement menacé et détruit par les activités humaines, mais aussi qu’il y avait beaucoup trop d’inégalités entre les personnes. Je cherchais un moyen d’avoir la contribution la plus grande possible pour créer un monde plus respectueux de l’environnement et permettant de réduire les inégalités. Je me suis dit que, si mon travail me permettait de travailler à 100% – voire 200% – à la transition et d’encourager les gens, les municipalités et les entreprises à s’adapter pour avoir des activités plus respectueuses de l’environnement, alors je serais pleinement efficace.
Little Greenfinity est ce que nous appelons une entreprise à mission ou encore à impact positif. Tout d’abord bien sûr déjà en raison de nos activités : nous accompagnons les entreprises dans leur stratégie de réduction de leur impact sur l’environnement, et de réduction de leurs émissions de gaz à effet de serre. Nous accompagnons aussi les municipalités dans l’éducation des habitants au zéro déchet et la mise en place d’éléments de la ville durable. Mais nous avons aussi une forte mission d’éducation. Nous sommes une entreprise, nous vendons nos prestations aux entreprises et aux municipalités, et grâce à la rémunération que nous percevons de nos clients, nous pouvons mener de nombreuses activités éducatives de façon bénévole. Nous offrons des ateliers, des formations, des évènements éducatifs à des organisations qui n’ont pas de budget pour cela. Ce sont souvent des écoles, des maisons de la culture, des associations… Nous organisons également des conférences, nous avons co-créé et co-organisé le premier salon zéro déchet en Pologne (Targi Zero Waste) dès 2016 dont la 9e édition s’est tenue fin novembre à Varsovie.
Un Noël zéro déchet, en quoi cela consiste exactement et surtout comment s'y prendre ?
D’abord pour les lecteurs qui ne savent peut-être pas encore ce qu’est le zéro déchet, il faut expliquer que c’est un mode de production et de consommation qui réduit au maximum les déchets générés. Ce n’est pas une mode, c’est très important pour alléger la pression sur l’environnement que nous, les pays développés, avons.
Deux données permettent de tout de suite de comprendre l’enjeu. D’abord, les 8 milliards de Terriens consomment déjà pratiquement l’équivalent de 2 planètes – si tout le monde vivait comme un Français il faudrait 2,7 planètes pour subvenir à notre niveau de vie. On comprend bien que nous vivons au-dessus des moyens de la Terre. L’autre donnée que je trouve très parlante c’est que les seules étapes de l’extraction des matières premières et leur transformation pour produire un bien sont responsables de 50% à 80% (selon les produits) de l’impact d’un produit sur l’environnement pendant toute sa durée de vie. Autrement dit, c’est véritablement la demande pour de nouveaux produits qui exerce le plus de pression sur l’environnement et émet le plus de gaz à effet de serre.
Une fois que l’on a dit cela, on comprend bien que le meilleur déchet est celui qui n’a pas été produit. Et on peut s’appliquer les 5 principes du style de vie zéro déchet – les fameux 5R pour les initiés :
1) je refuse ce qui ne m’est pas utile, voire indispensable,
2) je réduis ma consommation,
3) je réutilise : je donne ou vends ce dont je n’ai plus besoin, j’achète d’occasion, je répare, je loue / emprunte / partage plutôt que de posséder, etc.
4) je recycle mes déchets en veillant à consommer des matériaux recyclables et dont on sait qu’ils seront effectivement recyclés là où nous vivons – cela exclut le plastique dans sa très grande majorité,
5) et enfin je redonne à la terre, autrement dit je composte mes déchets organiques.
Pardon pour cette longue introduction, mais je pense qu’il reste crucial d’expliquer pourquoi il est essentiel de prévenir la production de déchets plutôt que d’être un champion du tri sélectif.
Donc pour revenir à votre question du Noël zéro déchet, c’est une fête pendant laquelle on consomme de façon responsable, on évite le gaspillage de toute nature (gaspillage d’énergie, des ressources, gaspillage alimentaire, etc.) et on utilise le plus possible des services dématérialisés et des biens déjà en circulation.
Je sais que la consommation responsable peut-être une expression galvaudée, parce que trop utilisée depuis quelque temps, voire qui ne fait pas du tout envie à beaucoup de gens qui ne se voient pas consommer différemment. Il faut donc tout de suite préciser qu’un Noël zéro déchet reste un Noël festif et n’est pas synonyme de prise de tête ou de charge mentale supplémentaire. Mais c’est certainement l’occasion de revoir sa façon de consommer et les cadeaux que l’on peut faire.
Quelles décorations de Noël, par exemple, envisager pour un Noël plus responsable ? Vous y reviendrez la semaine prochaine dans la suite de cette interview de manière plus détaillée, mais peut-on avoir un avant-goût ?
D’abord la plus grosse décoration de Noël : le sapin. A-t-on besoin de couper un arbre qui a mis des années à pousser, qui capture du carbone, pour l’avoir dans son salon pendant 15 jours et devoir le jeter après ? Rationnellement ça ne fait aucun sens. Et en plus c’est une dépense importante. Ça inclut les sapins en pot qui en général ne survivent pas aux fêtes non plus. Si on a la chance d’avoir un jardin, décorons un arbre du jardin. Si non, soyons créatifs et non-conventionnels, c’est comme ça que l’on s’amuse !
Décorons une plante que nous avons déjà, fabriquons un arbre de Noël « conceptuel » avec des branches, des feuilles, des livres, du carton, etc. Les possibilités sont immenses, ouvrent la porte à une fantastique créativité, et seront l’occasion de bon moment passer en famille. Et si on n’est pas « manuel » il existe des tutoriels pour fabriquer un sapin très réussi avec 4-5 branches et 2 guirlandes lumineuses.
Pour ce qui est des autres décorations, plus petites, selon les principes du zéro déchet, la meilleure décoration, c’est celle que l’on a déjà ! Avons-nous vraiment besoin de nouvelles décorations ? Si oui, alors on peut sans doute les faire à partir de matériaux naturels : des pommes de pin, des branches, du papier, du carton, en pâte à sel. Cela peut être une magnifique activité pour les petits et pour les grands, de beaux moments partagés, en famille ou entre amis, et la satisfaction d’avoir fait des choses de ses propres mains. Sans parler des économies que l’on réalise.
Si on n’aime pas les travaux manuels, on peut acheter, là encore, des articles d’occasion, dans des brocantes, des vide-greniers, des magasins de charité, des ressourceries, etc., ou des décorations artisanales faites localement. Mais il faut vraiment vérifier l’origine, car les décorations de Noël sont en grande majorité des articles produits massivement de façon industrielle en Asie ou dans des pays lointains.
NDLR : Grande braderie de jouets, dimanche 11 décembre, à Varsovie
Noël c'est aussi bien souvent une profusion de cadeaux...
D’abord on peut se demander si on a vraiment besoin de se faire des cadeaux ou des cadeaux en grande quantité ?
Je pense que l’on peut objectivement dire que Noël est une fête commerciale. Il y a une injonction à faire des cadeaux uniquement parce que c’est le 25 décembre. Avec mon mari, on a décidé il y a plusieurs années de ne plus s’acheter de cadeaux pour Noël juste pour avoir quelque chose à s’offrir. On s’autorise à ne pas se faire de cadeau pour Noël, on préfère garder la spontanéité de cadeaux pendant l’année, sans occasion particulière, ou pour des anniversaires, lorsqu’on a une inspiration pour quelque chose que l’on trouve utile et dont on sait qu’il fera vraiment plaisir.
Pour les enfants, nous pouvons aussi rester raisonnables, sachant que tous les membres d’une famille leur offrent généralement des cadeaux, ils vont en recevoir beaucoup en totalité. Je me souviens d’un Noël dans une famille où la petite fille avait reçu 5 poupées Barbie, plus de nombreux accessoires et autres présents. Et elle avait déjà 5 autres poupées Barbie.
Ensuite on peut penser à ce qui fait généralement le plus plaisir à nos proches. Je pense qu’encore plus depuis la pandémie, ce dont les gens ont le plus besoin c’est du temps de qualité pour soi et avec les gens qu’ils aiment, de partager des expériences ensemble. On peut donc offrir tout un tas de cadeaux dématérialisés du type « expérience » et pourquoi pas, créer l’effet « wahoo » avec des premières fois. Une séance d'escape game en famille, une session photo avec un photographe dédié, un cours de cuisine, des billets pour un spectacle, une initiation à un cours de dessin, de danse, de travaux pratiques ou je ne sais quoi, une dégustation de vin, une séance de massage, une visite guidée dans sa propre ville ou un weekend dans une localité à proximité, un dîner dans un restaurant concept (restaurant dans le noir par exemple), un restaurant étoilé, etc. Bref les possibilités sont immenses. Il suffit d’ouvrir son esprit à ce type de cadeaux et les inspirations vont venir toutes seules. Et si on voyage pour les fêtent, ces cadeaux ne prennent pas de place dans les bagages. C’est un avantage non négligeable !
Enfin si on tient absolument à offrir quelque chose de matériel, peut-être dans un premier temps par peur de décevoir le destinataire, on peut fabriquer soi-même – ce sont les plus beaux cadeaux –, acheter des articles d’occasion – non il n’y a vraiment pas de honte, c’est vintage – voire donner des choses que l’on a et que l’on n’utilise pas. Si ce sont des choses qui peuvent être utiles ou faire plaisir à nos proches, pourquoi pas ! Évidemment on favorise les productions locales et artisanales, cela soutient l’économie locale. Et dernier conseil on bannit absolument les cadeaux gadgets inutiles, de mauvaise qualité qui vont se casser sous peu. On évite le plastique, notre planète étouffe littéralement sous le plastique qui n’est pas un matériau circulaire. On renonce aussi aux appareils électroniques très polluants et dont l’empreinte carbone est catastrophique : le dernier téléphone de telle marque, une nouvelle tablette, etc. à moins d’en avoir absolument besoin.
Il faut que j’ajoute une bonne nouvelle dans ces temps difficiles : un Noël zéro déchet c’est écologique et ça s’adapte à tous les budgets, des plus modestes – sans passer pour un radin –, aux plus confortables, comme je l’ai montré avec les exemples que je viens de donner.
Bref cela vaut vraiment la peine d’oser consommer différemment pour Noël cette année.
Retrouvez Virginie Little la semaine prochaine pour le second opus de cette interview qui sera consacré à des astuces déco zéro déchet.
Little Greenfinity sur les réseaux sociaux : sur facebook ici et sur LinkedIn ici.