La fête de Noël revêt en Pologne une importance toute particulière. Katarzyna Kacprzak décrypte pour nous ces traditions profondément ancrées en Pologne et qui rythment le quotidien des quatre semaines qui précèdent Noël jusqu’au 6 janvier.
La période de l’avent
Quatre semaines avant Noël, s’ouvre la période de l’avent (« adventus » signifiant arrivée) qui débute par une messe matinale (« rorate ») à la lueur des bougies (entre 6h et 7h). Cette messe est célébrée en l’honneur de la Vierge Marie. Les « rorate » ont lieu tous les jours durant cette période qui est empreinte pour les Polonais d’une certaine magie. Le soleil se couchant très tôt, il semble que tout ce qui a trait à l’au-delà soit davantage présent sous la lune…
Les semaines avant Noël sont ponctuées de rencontres et de partages avec des amis et des collègues. Lors de l’ « opłatek », les gens partagent le pain azyme en s’adressant leurs vœux pour la Noël et la nouvelle année. Ceux qui trouvent cette formule trop « maigre » partagent le « sledzik », composé notamment de hareng et d’un petit verre de vodka. Cette tradition remonte à l’époque communiste, période durant laquelle les traditions catholiques n’étaient officiellement pas les bienvenues. Les communistes, qui accordaient beaucoup plus d’importance au réveillon du 31, ont donc instauré le szledzik qui n’avait aucune connotation religieuse. Cette tradition est restée et coexiste maintenant avec l’opłatek.
On voit également apparaître dans les marchés des bacs grouillant de carpes. La tradition veut qu’on l’achète encore vivante, qu’on la mette dans la baignoire jusqu’au jour de Noël ou elle est tuée et mangée.
Le sapin est décoré quelques jours avant le réveillon, parfois le jour-même et on dispose du gui comme porte-bonheur.
Enfin, la crèche de Noël est installée mais sans Jésus qu’on place après la messe de minuit. Ne manquez pas d’aller admirer les très belles crèches des différentes églises, notamment celle, mobile, de l’église rue Miodowa à Varsovie.
Le 24 décembre
Le réveillon de Noël (Wigilia) est le point culminant de cette période. Les festivités commencent par la préparation de la table. Une nappe blanche est dressée et de la paille est glissée en-dessous. Cette paille symbolise à la fois l’étable où Jésus est né ainsi que la fragilité de la vie humaine. On rajoute une place supplémentaire par rapport au nombre de convives pour un invité de dernière minute mais pas seulement. Cette pratique, marquée par l’espoir et l’espérance, remonte aux temps des partages et insurrections de la Pologne quand les familles espéraient le retour d’un proche, de prison ou de Sibérie.
Ce jour-là, on prend son petit déjeuner de bonne heure, le prochain repas étant celui de Noël qui est très ritualisé. On passe à table vers 17h lorsqu’on aperçoit la première étoile dans le ciel. Avant de s’asseoir, on procède à la lecture d’un passage du Nouveau Testament qui annonce l’arrivée de Jésus. La personne la plus âgée adresse ses vœux à toute la famille et on termine enfin par une coutume très importante, le partage de l’opłatek avec chaque convive en lui adressant des vœux personnalisés.
Le dîner de Noël, qui est servi sans viande et sans alcool, se compose de 12 plats, en référence aux 12 apôtres. Barszcz, zurek, pierogi ruskie, hareng, carpe, choucroute… leur choix ainsi que celui des ingrédients ne sont pas laissés au hasard et ont une signification particulière. Les champignons font référence au monde mystérieux de la forêt. Cet ingrédient qui a un aspect spirituel apporte un peu du monde de l’au-delà, une façon d’inviter également les défunts. Toute la nature est représentée dans le barszcz: les betteraves, l’ail et les herbes symbolisent respectivement la terre, le soleil et le vent. Le poisson tient une place primordiale, il symbolise Jésus Christ et représente l’eau, ce monde qui nous est inaccessible. Le choix de la carpe, qui n’est pas suivi par toutes les familles, s’explique par sa longévité, c’est le symbole de la prospérité qu’on veut ramener chez soi. Des mets représentant la prospérité sont également servis: les gâteaux au miel et aux noix ainsi que le pain d’épices remplissent ce rôle, ces ingrédients étant autrefois très chers. Le gâteau au pavot (Makowiec) symbolise le sommeil, la mort dont on va se réveiller. C’est la future mort de Jésus-Christ et sa résurrection qui se retrouve dans ce gâteau.
Après le repas, on ouvre les cadeaux (si on a goûté à tous les plats) et ensuite on entonne les cantiques (les « Kolędy »). Mélange de folklore et de religion, ils célèbrent la naissance et la vie de l’enfant Jésus. Certains rappellent aussi les temps difficiles de la Pologne. Les premières notes du premier scherzo, opus 20 de Chopin, composé au cours du 1er Noël qu’il a passé loin de la Pologne, proviennent du chant de Noël Lulajze Jezuniu. Kolęda Warszawska est un autre cantique poignant crée par les Varsoviens en décembre 1939, un Noël marqué par l’inquiétude du début de l’occupation allemande. Avec ce chant, tous les Varsoviens s’adressent à la Vierge Marie en lui demandant de se souvenir de la beauté passée de Varsovie, de ne pas mettre son enfant au monde afin qu’il ne soit pas le témoin du sort qui s’acharne sur les habitants de Varsovie.
Après les cantiques, tout le monde se rend à la messe de minuit (« pasterka », messe des bergers)
Le 25 et 26 sont des jours fériés et tandis que le 25 se passe en famille, les gens se rendent le 26 chez des amis afin de présenter leurs vœux… autour d’un petit verre de vodka et d’un plateau de charcuterie !
La période de Noël se clôt le 6 janvier par la procession des Trois mages.
Joyeux Noël! Wesołych Świąt!
Merci à Varsovie Accueil et à Katarzyna pour ses explications captivantes (kkacprzak.pm@gmail.com).
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