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Être noir ou métis au Royaume-Uni : qu’est-ce que ça implique réellement ?

Ce mois d’octobre est un moment fort pour les communautés noires et métisses au Royaume-Uni : il marque le Black History Month. Entre célébration symbolique, parfois vidée de son sens, et hommage essentiel à l’histoire afro-descendante outre-Manche, nous sommes allés à la rencontre de personnes issues de la double culture dans divers secteurs d’activités à Londres, pour leur poser une question simple : être noir ou métis au Royaume-Uni, qu’est-ce que cela implique réellement ?

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Être noir et métis au Royaume-Uni, ça implique quoi ?
Écrit par Ewan Petris
Publié le 16 octobre 2025, mis à jour le 28 octobre 2025

“Je suis infirmière depuis plus de 5 ans, et voir certains patients qui te disent encore aujourd’hui de “rentrer dans ton pays” quand tu viens les soigner, ça fait toujours aussi mal.” Le bilan que tire Lola est sec, quasi défait. Une situation qu’il est parfois difficile de comprendre et qui requiert, à certains égards, une ouverture d’esprit quand nous n’y sommes pas confrontés chaque jour.

L’infirmière reprend : “Parfois, je me dis que c’est peut-être la douleur ou la maladie qui fait parler certaines personnes, mais quoi qu’il en soit, rien ne peut justifier ce genre de propos. Dans les bureaux, ils nous disent : ‘Essayer de ne pas le prendre personnellement’, mais c’est là, toujours là…”

 

La désillusion du ‘Londres cosmopolite’ 

 

L’une des premières choses que l’on vous dira de Londres est qu’il s’agit d’une ville cosmopolite. Les derniers chiffres recensés, de 2021, montraient que 46,2 % des résidents de la capitale britannique s’identifient comme appartenant à un groupe ethnique “asiatique, noir, mixte ou autre". Parmi ces groupes, 13,5 % sont : “noirs, africains, caribéens”.

Et pourtant. Peter, ouvrier issu d’une double culture, détaille : “Ce n’est pas si facile. Si tu sais pourquoi tu es là et que tu restes concentré, tu peux réussir,” mais il nuance aussitôt : “En revanche, le système et les lois ne sont pas simples, pour les étrangers”. Selon lui, le problème se trouve dans l’appréhension de ces mêmes ‘lois’ : “Beaucoup viennent de pays où tout fonctionne différemment. Ici, les règles sont complexes, les grandes institutions le savent, et parfois il faut quelqu’un pour t'expliquer comment les choses marchent. Sans ça, il est facile de se sentir perdu.”

 

Jacob et son ami, à l'université
Jacob et son ami, à l'université

 

Une conception imprégnée dès l’enfance 

 

Jacob, étudiant ghanéen vivant au Royaume-Uni depuis petit, ne semble pas tout à fait d’accord avec Peter : “À Londres, il y a des choses que chaque personne noire a déjà vécues : des microagressions, des stéréotypes. Tu les retrouves au travail, dans les transports et un peu partout.”

Vindicatif, il donne des exemples, la voix marquée d'amers souvenirs : “Plus jeune, c’était pire. À l’école, nous devions faire un exposé avec un objet personnel. Mes parents construisaient une maison au Ghana, alors j’ai apporté une photo des fondations. Un garçon, dont je me souviens encore du nom, s’est moqué, affirmant que c’était une cabane en bois, puis s’est mis à répéter ‘nigger, nigger…’ J’ai pleuré. C’était horrible et je l’ai toujours en tête.” Aujourd’hui, en grandissant à Londres, Jacob rencontre beaucoup moins de cas isolés, mais les micro-agressions persistent.

 

Un problème isolé outre-Manche ?

 

Le constat est loin d’être aussi négatif pour d’autres. Taiwo, étudiant à Londres, affirme “ne jamais avoir vécu une quelconque forme de racisme”. Lola le rejoint, dans une certaine mesure : “Je dirais que cela dépend beaucoup de l’endroit où tu habites.” Intrigués par ce quadrillage, nous lui demandons d’en dire plus : “Dans le nord de la ville c’est correct. Je connais mes limites et ne laisse pas mes enfants aller dans certains quartiers. Si j’habitais dans l’est, je serais beaucoup plus prudente.”

Peter, l'ouvrier, soutient que si la couleur de peau est moins regardée à Londres, le racisme, lui, ne disparaîtra probablement jamais au Royaume-Uni : “Finalement, c’est partout pareil. Si vous êtes là pour les bonnes raisons, vous n’aurez probablement aucun problème,” tente-t-il de résumer.

 

Le black history month à Londres

 

Une connaissance limitée du Black History Month ?

 

Alors que nous interrogeons les intervenants sur leurs connaissances du Black History Month, certains peinent à répondre. Jacob et son ami nous précisent : “Honnêtement, je ne sais pas vraiment ce qu’il représente. Pour moi, il s’agit juste d’un mois comme un autre. À l’époque du lycée, nous faisions des activités, mais aujourd’hui, je ne le célèbre pas particulièrement.”

 

Petit rappel : Le Black History Month au Royaume-Uni a lieu chaque octobre et célèbre les contributions, l’histoire et la culture des communautés noires, africaines et caribéennes. Il met en lumière des figures et événements souvent ignorés dans les récits traditionnels de l’histoire britannique. C’est à la fois un moment de commémoration, de réflexion et de sensibilisation sur les enjeux liés au racisme. 

 

Aujourd’hui, cette réalité se heurte à une politique d’immigration toujours plus stricte. Entre 2022 et 2024, le nombre de visas accordés aux ressortissants africains a chuté de plus de 25 %, selon le Home Office britannique. Comme le souligne Jacob : “Il est très difficile d’accéder au Royaume-Uni. Il s’agit d’un processus compliqué avec beaucoup de documents, beaucoup de vérifications. J’ai l’impression que tout devient encore plus strict pour ceux qui veulent venir.” Ces mots rappellent que, derrière les célébrations du Black History Month, l’accès au Royaume-Uni reste plus que complexe pour de nombreuses personnes africaines et caribéennes…


 

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