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Travail : les Polonaises plus diplômées que les Polonais mais plus discriminées 

Si les femmes polonaises sont parmi les plus diplômées de l’Union européenne, elles sont également les plus grandes victimes de discriminations au travail au sein de l’UE, par rapport aux autres pays européens. Les raisons en sont diverses : conséquence de la maternité, manque de places en crèches, absence de perspectives de promotions… Voici un tour d’horizon des vraies fausses bonnes excuses qui limitent l’emploi ou le retour à l’emploi des femmes en Pologne.

Femme plafond de verre pologneFemme plafond de verre pologne
Écrit par Cécile Aurand
Publié le 7 mars 2024, mis à jour le 4 octobre 2024

La Matka Polka porte de nombreuses responsabilités familiales limitantes
 

Dans le rapport « Femmes, marché du travail et égalité salariale » (“Kobiety, rynek pracy i równość płac”), paru en mars 2023 et publié par le Congrès des associations des femmes (Raport Stowarzyszenia Kongres Kobiet), les responsabilités familiales représentent à elles seules ⅓ des causes d’inactivités des femmes, alors que pour les hommes, la gestion de la famille n’explique que 3% de l'inactivité professionnelle. 

La maternité est en effet le point crucial de ces discriminations de carrières. Les Polonaises partent en congé maternité en moyenne à 28 ans en 2019, au moment où les hommes continuent, eux à avancer leurs pions sur l’échiquier professionnel et bâtissent les bases de leur carrière. On note d’ailleurs un engagement professionnel en hausse de leur part. La maternité, qui est le plus souvent un projet de couple, coupe les ailes des femmes qui sacrifient alors des années d’expériences et de progression salariale. 

La maternité et la fondation d'une famille limitent leur vie professionnelle, alors que les hommes augmentent souvent leur engagement au travail pendant cette période. 

 

Des faits que met en avant le rapport précédemment cité, Kobiety, rynek pracy i równość płac :

« C'est au cours de ces 14 années (entre 40 et 55 ans) que statistiquement le plus grand nombre de femmes ont la chance de réaliser leurs ambitions professionnelles. Il est important de noter ici la faiblesse des solutions systémiques en ce qui concerne la combinaison des responsabilités professionnelles et familiales en Pologne. Les différences les plus importantes en matière d'activité professionnelle concernent les femmes jeunes (20-24 ans), ce qui inclut la période de l'enseignement supérieur. Les étapes suivantes de la vie professionnelle où l'on observe des différences importantes sont les 25-29 ans et les 30-34 ans, qui sont les périodes de maternité, et les 55-59 ans, qui sont les dernières années avant la retraite ».

S’il est vrai que la question de la maternité est centrale, le problème a de multiples autres facettes.

 

Un problème de (ci)boulot ?

Ces discriminations sont d’autant plus marquées qu’elles cachent une tout autre réalité : les femmes polonaises sont, non seulement plus diplômées que la majorité des femmes de l’UE, mais aussi que la majorité des hommes polonais. 

- Pour 100 hommes polonais diplômés, il faut compter le double de femmes (187).
- Ce contraste est le deuxième plus important au sein de l’UE, juste derrière la Lettonie.
- L’économie polonaise se prive ainsi de compétences, de savoirs, de maîtrises, de soft-skills ou encore de talent linguistique avec cette préférence masculine à l’emploi.
- Ces potentiels, pourtant très valorisés sur le marché du travail, y restent pourtant à l’extérieur.

 

Stratégique méconnaissance ? Une ignorance sur les discriminations qui en dit long

La discrimination salariale est un sujet encore peu discuté dans la société polonaise. 

- 78% des employés ne connaissent pas le concept d’égalité salariale,
- et 70% des entreprises n'agissent pas, ne communiquent pas, pour régler ce problème.
- C’est un thème impensé au niveau sociétal, reflétant aussi l’état de la discussion sur les salaires : 1 polonais sur 4 (26%) n’a pas idée du niveau des salaires dans le pays. 

Ces impensés deviennent des discriminations concrètes lorsque ces constats sont différemment perçus : si les femmes se sentent, elles, concernées, 44% des hommes considèrent ce problème d’inégalité salarial, comme excessif. 

Ils perçoivent beaucoup moins la discrimination et sont plus souvent convaincus qu'il n'y a pas d’inégalité des chances entre les deux sexes. Les conséquences sont cependant tangibles : cela bloque la mise en place et l’application effective de politiques d’égalité salariale.  

 

4.242 PLN brut, le salaire minimum pour un travail à temps plein dès janvier 2024 

 

Promotions au rabais pour les femmes ?

Les promotions internes dans les entreprises sont moins souvent accordées aux femmes qu’aux hommes. Pourquoi ? Les stéréotypes vont bon train ! 

Nombreux sont les conseils d’administration, directions ou personnels des ressources humaines qui étiquettent les femmes sous le prisme :

  • du potentiel congé maternité
  • sur une présupposée plus grande émotivité qu’un homme, 
  • une moindre précision, 
  • une moindre organisation et une difficile acceptabilité en tant que cheffe au sein d’une équipe masculine, notamment dans des domaines où les hommes sont plus représentés, tels que l’industrie.

Ce sont parfois les femmes qui renoncent d’elles-mêmes à une promotion qui leur est présentée. Les raisons peuvent sembler à première vue personnelles, mais concordent en fait avec des politiques sociales et salariales ainsi que des mentalités discriminantes. 

- La peur de ne pas pouvoir concilier la carrière et la garde des enfants est la première raison.
- Cette crainte est à rattacher au fait que la garde d’enfant en bas âge (moins de 2 ans) en Pologne est bien moins développée qu’en France, forçant les mères à sacrifier leurs promotions.
- C’est ce qu’a confirmé le classement PISA en 2022 : les enfants polonais sont bien moins préscolarisés (87%) qu’en France par exemple (98%).

 

Classement PISA 2022 : la Pologne, bon élève, mais résultats en baisse 

 

L’association du Congrès des femmes, Stowarzyszenia Kongres Kobiet (SKK), note ainsi que les femmes sont à la fois discriminées par rapport à leur profession (une discrimination horizontale), mais aussi concernant leur poste, c’est-à-dire leur rang dans la hiérarchie de l’entreprise et le prestige de cette position (discrimination verticale).

 

ONG et grandes entreprises internationales : des moteurs de changement 

Lorsque l’on évoque les discriminations dans le monde du travail, la question salariale est la plus évidente.  Cependant, il n’en demeure pas moins que d’autres problématiques y sont intimement liées : 

  • Le manque de procédures/surveillance d’égalité salariale, notamment dans le cas des salaires discrétionnaires (de nombreuses entreprises gardent secrète leur grille de salaires, empêchant les employés de se situer par rapport aux autres salariés), 
  • Les heures supplémentaires, 
  • La création de crèches,
  • Et la répartition des tâches quotidiennes au sein d’une famille.

Si une grande volonté politique est nécessaire afin de prendre des mesures de réductions des inégalités au travail, ce sont actuellement les grandes entreprises internationales et les ONG locales qui sont les moteurs du changement, leurs bonnes pratiques ruisselant lentement sur les autres entreprises.

Le taux d’insertion des femmes polonaises sur le marché du travail (67%) est ainsi plus faible que la moyenne des pays européens (71,7%), la Pologne occupant la 23e place du classement européen.

Seuls la République Tchèque, la Slovaquie, la Grèce et l'Italie, ont un taux d’insertion des femmes sur le marché du travail plus faible que la Pologne.


 

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