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Frédéric Petit : « Vivre dans le pays est un atout pour animer un groupe d’amitié »

Député de la 7e circonscription des Français établis à l'étranger, Frédéric Petit, membre du MoDem, a intégré le groupe d’amitié France-Pologne de l’Assemblée nationale dès son élection en 2017. Il a occupé la présidence de ce groupe d’amitié jusqu'en 2022 et en est désormais l'un de ses vice-présidents depuis le début de son second mandat.

Frédéric Petit Député 7e circo PologneFrédéric Petit Député 7e circo Pologne
© Florence Levillain
Écrit par Auxane Perrier
Publié le 3 septembre 2023, mis à jour le 6 septembre 2023

 

Rôle et mission du groupe d’amitié France-Pologne de l’Assemblée nationale 

M. Petit, arrivé en Pologne pour la première fois en 1986, y réside en permanence depuis 2003, ce qui lui permet d’avoir une connaissance approfondie de la coopération franco-polonaise. Lepetitjournal.com a souhaité se pencher sur le rôle et les missions de ce groupe d’amitié, ainsi que sur les responsabilités qu’impliquent sa présidence, à quelques heures du coup d’envoi du 32e Forum économique de KarpaczFrédéric Petit sera au rendez-vous, comme chaque année, depuis plus de 20 ans.

 

Lepetitjournal.com : M. Petit, actuellement vous êtes l’un des huit vice-présidents du groupe d’amitié France-Pologne au sein de l’Assemblée nationale, vous avez également été son président lors de la dernière législature (de 2017 à 2022). Est-ce que vous pourriez présenter à nos lecteurs le rôle que tient ce groupe d’amitié, ses différents objectifs ainsi que ses missions au sein de l’Assemblée nationale ?

Frédéric Petit : De manière générale, un groupe d'amitié repose sur une tradition assez forte, celle de l’inter-parlementarisme, qui consiste à nouer des relations entre parlements du monde entier, en parallèle des relations entre exécutifs. Cette tradition peut varier dans sa forme et selon les pays ou les continents.

Ici, à Paris, nous avons ce que l’on appelle des groupes d'amitié. Chacun est présidé par un député, les présidences étant réparties entre les différents groupes politiques au début de la législature. Il y a donc un « grand marché » des groupes d’amitié dans les mois qui suivent les élections législatives, en général.

La répartition des présidences de groupes d’amitié entre les partis se fait parfois en fonction d’enjeux diplomatiques. Bien entendu, les groupes d’amitié sont co-présidés par un président du côté du pays partenaire. Ces groupes d'amitié bénéficient d'un petit budget, qui n'est pas comparable à celui des commissions de l'Assemblée nationale.

En général, un budget est alloué pour chaque mandature de cinq ans. Cela permet à chaque groupe d'amitié de recevoir son homologue ou de se rendre dans le pays partenaire, à tour de rôle. S’il s'agit d'un travail peu intense dans l’emploi du temps d’un député, il est néanmoins généralement très suivi et apprécié car il permet d'exercer ce que l'on appelle la diplomatie parlementaire. Ces échanges visent véritablement à créer des liens, même avec des pays avec lesquels nous sommes en tension. Voilà le cadre général de ces groupes d'amitié.

Cependant, il existe des pays avec lesquels nous ne souhaitons pas établir de contacts officiels au niveau parlementaire, que ce soit parce que nous estimons que leur parlement n'est pas « bien élu » ou que les règles diplomatiques nous en empêchent comme c’est actuellement le cas pour Taïwan ou le Bélarus.

Dans ces cas-là, au lieu de former des groupes d'amitié, nous mettons en place ce que nous appelons des « groupes d'étude à vocation internationale », conformément aux règles internationales.

 

Qu’en est-il plus précisément du groupe d’amitié France-Pologne ?

En ce qui concerne le groupe d'amitié France-Pologne, le fait que je vive en Pologne a rendu le travail extrêmement intéressant et enrichissant. Je pense que c'est la seule fois dans l'histoire des groupes d'amitié que le président du groupe résidait dans le pays partenaire. Pour moi, ce fut une expérience très riche, étant donné que les relations avec les exécutifs polonais et français n’étaient pas particulièrement fluides durant le précédent mandat.

Le fait que je parle polonais m'a permis d'établir des contacts avec mes homologues en Pologne et de représenter l’Assemblée nationale, même en l'absence physique de mes collègues français qui ne pouvaient pas se rendre sur place à cause des restrictions liées notamment au Covid-19. Ainsi, j'ai eu l'opportunité durant le précédent mandat de rencontrer mes homologues polonais à une dizaine de reprises, de manière officielle, ce qui a permis de faire avancer plusieurs dossiers et d’entretenir nos relations.

Par exemple, à l'occasion du centenaire du « Cud nad Wisłą », le Miracle sur la Vistule *, j’ai signé une tribune commune avec mon homologue polonaise. Aujourd’hui, j’occupe l’une des vice-présidences de ce groupe d’amitié. Comme il n'est pas possible d'occuper la présidence de deux groupes d'amitié simultanément, j'ai préféré prendre la présidence du « groupe d'étude à vocation internationale » sur le Bélarus, un sujet sur lequel je travaille beaucoup dans le cadre de mon mandat.

 

Quelle est désormais votre fonction en tant que vice-président de ce groupe d'amitié France-Pologne ?

Être vice-président d’un groupe d’amitié ne donne pas de statut ou de titre particulier. C'est un rôle fonctionnel qui ne prend pas beaucoup de temps. Il convient d’ailleurs de souligner que les différents postes au sein des groupes d’amitié ne sont pas honorifiques et n'offrent pas de récompense particulière. Je suis donc en mesure de remplacer le président en son absence.

Jusqu'à présent, mis à part une invitation à l'ambassade de Pologne à Paris, l’activité du groupe n’a pas été très dense. Souvent, ce sont les périodes de tensions qui peuvent générer une activité plus intense des groupes d’amitié. Il m'est arrivé, par exemple, au cours de cette année, de me rendre en Ukraine en partant de Pologne. En tant que vice-président du groupe d’amitié France-Pologne, j'ai pu rencontrer des députés ukrainiens. Cette position, même si elle n'a rien à voir avec mon rôle au sein de la commission des affaires étrangères, peut néanmoins être très utile pour bâtir des liens avec des homologues dans un pays ou un autre.

 

Avez-vous noté des différences lorsque vous étiez président de ce groupe ?

Oui, parce que lorsque j’étais président du groupe d’amitié France-Pologne, même si nous n'avions aucun budget et que la pandémie de Covid-19 est survenue, il y avait beaucoup plus d’échanges, de déclarations communes et de contacts avec nos homologues polonais. Étant sur place, il était plus facile pour moi, en tant que président de ce groupe, de nouer des contacts en Pologne. Ce qui limite fortement ces groupes d’amitié, en réalité, c’est le budget restreint. D’où l’intérêt de vivre dans le pays.

Par ailleurs, je n'ai pas mentionné quelque chose d’important : au-dessus de ces groupes d'amitié, il existe des formes de collaboration interparlementaire qui sont beaucoup plus fortes. Il y a ce que l'on appelle les « assemblées parlementaires du multilatéral ».

C’est le cas de l'OSCE, l’Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe. En appui à son administration qui est basée à Vienne, il existe une assemblée parlementaire de l'OSCE. Le Parlement français y envoie une délégation de 13 représentants issus de l’Assemblée nationale et du Sénat, le Parlement polonais en envoie un certain nombre, et ainsi de suite. Cette assemblée se réunit trois fois par an et fonctionne comme une assemblée interparlementaire, avec des règles établies et un président. Elle accompagne le travail des exécutifs représentés dans cet organisme. On retrouve le même système pour l'OTAN à Bruxelles ou le Conseil de l'Europe à Strasbourg, où des assemblées parlementaires similaires sont mises en place.

Enfin, il y a une instance absolument unique et originale que nous, Français et Allemands, avons créé il y a quatre ans : l'Assemblée parlementaire franco-allemande. Cette initiative va au-delà des simples groupes d'amitié, car elle établit des formes de coopération interparlementaire beaucoup plus formalisées et fortes.

 

Il existe également un groupe parlementaire d’amitié France-Pologne au niveau du Sénat, quelle est la différence avec le groupe d’amitié de l’Assemblée nationale, est-ce que ça ne crée pas des redondances dans vos travaux ?

Non, en fait ce n'est pas le cas puisque le Sénat est en contact avec le Sénat polonais (Senat Rzeczypospolitej Polskiej) et l’Assemblée nationale avec la Diète (Sejm Rzeczypospolitej Polskiej). Je connaissais très bien le président français du groupe d'amitié au Sénat, mais il est important de noter que le Sénat et l'Assemblée nationale sont deux assemblées parlementaires distinctes, avec des travaux, des budgets, des rythmes et des personnes différentes de chaque côté.

 

Etes-vous souvent en contact avec le groupe d’amitié dépendant du Sénat ?

Nous étions formellement réunis, par exemple le 3 mai, à l’occasion de la Fête nationale polonaise, à l’invitation de l'ambassadeur de Pologne en France. Nous pouvons décider de travailler ensemble sur un sujet d'importance si cela nous semble nécessaire.

 

Vivant en Pologne, voyageant régulièrement en France et dans les différents pays que couvre votre circonscription, selon-vous quelle est la meilleure façon de renforcer la coopération entre la France et la Pologne ?

Je ne vais pas parler de ce que devrait entreprendre les exécutifs français ou polonais, ce n’est pas mon rôle.

Cependant, il existe un format de discussion qui, selon moi, mériterait d’être davantage développé à l'heure actuelle, notamment après le Brexit et surtout avec la guerre entre la Russie et l'Ukraine. Il s'agit du « format Weimar ». Je crois que nous devrions profiter de l’extraordinaire vitalité des relations franco-allemandes pour les élargir et y intégrer la Pologne.

Ensuite, dans un autre registre, j'aimerais souligner qu’en tant que député, je m'occupe de ces formes de coopération dans tous les domaines, ce qui inclut le domaine économique, les entreprises, les jeunes, les parlementaires, les associations, et bien d'autres secteurs.

Par exemple, comme je le fais depuis 30 ans, je serai présent au Forum économique de Karpacz, qui se tiendra cette semaine en Pologne. J’essaie de faire venir et j’invite des Français à cet événement régulièrement.

 

Comment se passe la coopération avec les parlementaires polonais ? J’imagine que pour vous cela est facilité par le fait que vous parliez polonais mais est-ce le cas de tout le monde ?

Ah, ça non ! Il n’y a pas beaucoup de parlementaires français qui parlent polonais. Les échanges se font généralement à l'aide d'interprètes. Mais ce n'est pas là que se situe le problème. Le point le plus crucial à prendre en compte avec la Pologne, c'est que la majorité au Parlement polonais est assez différente de nous, tant sur le fond des questions abordées que sur la vision du monde que nous ne partageons pas. Lorsque j’étais président du groupe d’amitié France-Pologne, c’est plutôt ce genre de problème qu’il fallait gérer, à savoir comment arriver à faire un travail utile et enrichissant malgré nos différences d'opinions politiques et chacun avec sa manière d’imaginer la démocratie. Je dirais, sans fausse modestie, que ma compréhension des enjeux politiques en Pologne et de la société polonaise dans son ensemble, ont certainement été un atout pour faciliter le dialogue.

 

Est-ce que vous avez vu des évolutions dans la coopération depuis février 2022 avec l’invasion de l’Ukraine par la Russie ?

En effet, le conflit ukrainien a clairement changé la donne. Il a eu une influence très forte sur les relations entre la France et la Pologne, c’est évident. Mais, ce nouveau contexte géopolitique n’a pas eu d’incidence jusqu’à présent sur le fonctionnement du groupe d’amitié France-Pologne.

(*) Bataille située à la fin de la Première Guerre mondiale durant laquelle l'armée polonaise, aidée par De Gaulle et Weygand, réussit à stopper les bolchéviques dans leur progression vers Berlin.

 

Pour en savoir plus sur le Groupe d'amitié France-Pologne - 16ème législature - Assemblée nationale 

 

 

 

 

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