Avec les Ogórki (les fameux gros cornichons polonais), la vodka est sans doute l’un des symboles les plus identifiables de la Pologne à travers le monde. Mais connaissez-vous vraiment son histoire ? Na zdrowie ! L'abus d’alcool est dangereux pour la santé, à consommer bien sûr avec modération.
Savez-vous d’où tire-t-elle son origine, entre l’aqua vita latine, de l’okowita polonaise, le brännvin suédois ou de la kizlyarka russe ? La première trace du nom wodka remonte à 1405 dans une ville polonaise et sa définition précise est inscrite dans les lois européennes et polonaises… Lepetitjournal.com/Varsovie vous dit tout sur le plus iconique des spiritueux.
Les spiritueux, médicaments jusqu’à la Renaissance
Jusqu’au XVIe siècle, le terme de « Vodka » était alors un terme plus général qu’aujourd’hui, utilisé pour désigner un médicament ou un cosmétique. La disponibilité accrue de seigle et d’orge a permis la production de boissons alcoolisées qui ont commencé à être consommées régulièrement, et non plus seulement comme remède occasionnel. Au fil des années, les vodkas ont pris des caractéristiques étroitement liées à la matière première à partir de laquelle elles étaient produites. C’est ainsi que sont nés les whiskies écossais et Irlandaises, fabriqués à partir de malt d’orge ; le gin anglais à partir de différentes céréales ; le genièvre hollandais ; l’aquavit dans les pays scandinaves ; et enfin, l’okowita en Pologne, la première vodka comme on la connaît si bien aujourd’hui.
Il faut attendre le XVe pour que la vodka soit distillée
Pendant longtemps en Pologne, on buvait principalement du vin, de la bière et de l’hydromel, obtenu par la macération de miel. La méthode de distillation de l’alcool – essentielle à la fabrication de la vodka – était connue dès le début du Moyen Âge, bien que, comme dans d’autres pays, le distillat servait initialement à des fins médicales. Ce n’est qu’au XVe siècle, lorsque la vodka a commencé à être distillée à partir de seigle, que sa consommation a augmenté et qu’elle est devenue une boisson à part entière. Initialement, on la fabriquait dans des alambics primitifs, en distillant trois fois la bouillie de seigle fermentée. La première distillation donnait du brantówka, la deuxième du szumówka, et la troisième de l’okowita (du latin aqua vita, eau de vie). Ce dernier était en fait un alcool d’une force de 70 à 80 %, dilué ensuite avec de l’eau pour obtenir de la vodka « de comptoir » d’une teneur moyenne de 40 %. La première mention écrite de la fameuse boisson remonte d’ailleurs au XVe siècle et se trouve dans les documents judiciaires de Sandomierz datant de 1405, où le tribunal local aurait enregistré l’achat d’un terrain contre de la vodka !
« Madame l’apothicaire » : première dealeuse de vodka ?
Comme expliqué précédemment, la vodka n’était jusqu’au XVIe siècle tout au plus qu’un terme générique désignant des remèdes ou des produits cosmétiques. Ce n’est qu’au cours des deux siècles suivants, dans les cours nobles, qu’est apparue la profession de « Madame l’apothicaire ». Il est difficile de dire si elle se rapprochait davantage de l’actuel barman ou du chaman. En effet, la dame en question mettait à disposition certaines préparations « pour la santé, et d’autres pour le plaisir », obtenues à partir des distilleries de la cour. Oui, la noblesse polonaise avait ses propres fabriques d’alcool près des manoirs ! Et de telles pratiques n’étaient en aucun cas interdites à l’époque.
Des vodkas aux goûts étranges et originaux
Les vodkas aromatisées étaient en tête de liste, enrichies de divers additifs, souvent exotiques pour l’époque, tels qu’au gingembre, clous de girofle, muscade ou aux feuilles de bois de santal. La noblesse rivalisait d’ingéniosité pour utiliser des ingrédients de plus en plus « originaux ». Il convient de souligner certains composants qui, par leur étrangeté, témoignent du prestige de ces boissons de l’époque, telles que le rossolis (une vodka douce italienne parfumée aux extraits de feuilles de rose, connues pour leurs propriétés curatives) ou d’autres encore, aromatisées par exemple à l’ambre gris, issu du système digestif des baleines (qui aurait donné une odeur subtile à la boisson).
Puis est venu le XIXe siècle et l’ère de la révolution industrielle, qui a entraîné une augmentation de l’exploitation et la transformation des petites distilleries en grandes usines de production de liqueurs, par exemple. Quant à la période de l’entre-deux-guerres, elle a vu arriver en Pologne la mode des cocktails, qui connaissent aujourd’hui un grand succès. La vodka convient parfaitement à ces boissons, car elle les complète, les met en valeur, sans pour autant dominer.
La spécificité de la vodka polonaise inscrite dans le traité d’adhésion de la Pologne à l’UE
Vous ne le savez sans doute pas, mais « Polska Wódka » que l’on peut aussi trouver sous la forme « Polską Wódką », est une expression à écrire avec des majuscules. En effet, l’histoire de la « vodka polonaise » en tant qu’indication géographique protégée remonte à 2004, lorsqu’elle a été inscrite dans le traité d’adhésion de la Pologne à l’Union européenne. La définition a également été précisée dans le droit polonais par la loi du 18 octobre 2006.
Est-ce que tous les spiritueux produits en Pologne peuvent être qualifiés de « vodka polonaise » ? Certainement pas. Dans sa version pure, elle ne peut contenir d’additifs autres que de l’eau, obtenue à partir d’alcool éthylique d’origine agricole spécifiquement issu seigle, de blé, d’orge, d’avoine ou de triticale, ou de pommes de terre, cultivées sur le territoire polonais, dont toutes les étapes de production se déroulent également au sein du pays. Le seul processus auquel elle peut être soumise est un vieillissement pour lui conférer des propriétés particulières.
Sans oublier les vodkas aromatisées !
Il convient aussi de rappeler que la Pologne ne se distingue pas seulement par sa version pure. La vodka aromatisée n’est rien d’autre que de la vodka (produite bien sûr conformément aux principes que nous avons mentionnés précédemment), à laquelle un goût dominant, différent de celui des matières premières, a été ajouté. Elle peut être commercialisée sous le nom de l’un des goûts principaux, ajoutée au mot « vodka ». Fait intéressant, la vodka aromatisée peut être sucrée, mélangée, aromatisée, vieillie ou colorée !
La réglementation polonaise définit les règles exactes pour la production de vodka aromatisée. Celui-ci ne peut contenir que des arômes naturels, notamment des colorants, et la quantité de sucre, qui ne peut excéder 100 grammes par litre d’alcool pur.
Parmi les différentes versions de cette boisson si typique, on trouve les dizaines de saveurs de Soplica, fabriquées depuis 1891 à Gniezno (en Grande-Pologne/Wielkopolskie) et que les jeunes Polonais achètent régulièrement dans les magasins Żabka, ou la fameuse Żubrówka, cette vodka aux herbes des basses terres de la Podlachie aromatisée avec un extrait d’herbe de bison.
Le plus important : la vodka est-elle polonaise ou russe ?
On trouve aujourd’hui de la vodka venant d’un peu partout à travers le monde. Mais même si les Américains, les Français, les Scandinaves sont entre autres reconnus pour en produire en grande quantité, personne ne remet en cause que la boisson iconique est originaire soit de Pologne, soit de Russie.
Selon le professeur Jarosław Dumanowski, interrogé par le quotidien Dziennik, « il est impossible de répondre à cette question, bien qu’elle soit constamment posée ». Il ajoute même qu’un autre historien russe affirme qu’elle viendrait en fait de Mongolie, « qu’ils auraient appris à la fabriquer auprès des Chinois, et c’est ainsi que la vodka aurait fait son entrée en Russie ».
Magdalena Graf et Małgorzata Cieliczko, de l’Université Adam Mickiewicz de Poznań, expliquent également que les Chinois, quant à eux, pratiquaient l’art de distiller des spiritueux (à partir de riz et de sucre) dès le 8e siècle avant J.-C. Mais l’Europe n’ayant établi des contacts commerciaux permanents avec la Chine qu’au 15e siècle, les Européens avaient déjà découvert les secrets de l’alcool fort à cette époque.
Bref, pour beaucoup, l’origine réelle et unique de la vodka serait complètement intraçable.
Le Musée de la vodka, lieu incontournable à Varsovie
Le Musée de la Vodka polonaise (Muzeum Polskiej Wodki) de Varsovie est situé sur le lieu même où se tenait la production de cette boisson alcoolisée dans le passé.
La distillerie « Koneser » (du français connaisseur) permet de découvrir les 500 ans d’histoire de la vodka dans le pays, et tente de départager cette paternité depuis 2018.
Selon les informations recueillies par le musée, les rapports historiques indiquent que les marchands polonais, se rendant vers l’est, échangeaient de la vodka contre d’autres cargaisons. Cela signifierait que la Pologne était le premier État à en disposer en quantités commerciales. « Ainsi, la culture de la vodka est arrivée en Russie depuis la Pologne », déclare Karol Karasiewicz, guide au Musée de la Vodka polonaise.
Bien sûr, le Musée de la Vodka russe à Moscou voit les choses tout à fait différemment. Ses créateurs s’en tiennent à la version selon laquelle la vodka russe était bel et bien la première, car la production de distillats à des fins commerciales a commencé là-bas vers 1440.
Le Musée de la vodka polonaise à Varsovie, c’est un voyage de 600 ans en arrière pour découvrir les processus primitifs de fabrication de cette boisson populaire. Cela pourra en intéresser plus d’un : chaque visite inclut une dégustation !
Musée de la vodka polonaise :
Centrum Praskie Koneser
Plac Konesera 1
03–736 Varsovie
Ouvert du mardi au dimanche, de 12h à 20h (et jusqu’à 21h les vendredi et samedi !)
Achat des billets sur place ou sur réservation
Rappel de la loi polonaise
En Pologne il est interdit de consommer de l’alcool dans certains endroits publics, c'est à dire, dans les parcs, aux arrêts de bus, dans la rue et les transports en commun... « Il est interdit de consommer des boissons alcoolisées dans un lieu public, à l'exception des lieux destinés à leur consommation sur place, dans les points de vente de ces boissons. » Si vous ne respectez pas cette loi, vous devrez payer une amende.
Il est également strictement interdit de conduire sous l’effet de l’alcool. Vous commettez un délit grave si vous avez plus de 0,5 mg/l d’alcool dans le sang et cela peut vous coûter jusqu’à deux ans de prison.