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Jan Karski, son témoignage devant le monde : un récit précieux pour ne pas oublier

Le 13 juillet marque l'anniversaire de la mort de Jan Karski. L'occasion de (re)découvrir la vie de ce héros et de son œuvre: « Mon témoignage devant le monde – Histoire d'un État secret ».  Il est parfois difficile d'exprimer une opinion sur un livre, de surcroît bouleversant quand il traite de faits réels, et si sombres. Il est souvent difficile de parler d'un très grand homme, de peur que les mots choisis ne soient pas à la hauteur. « Mon témoignage devant le monde – Histoire d'un État secret », de Jan Karski, ce sont toutes ces difficultés à la fois.

Jan Karski, son témoignage devant le monde : un récit précieux pour ne pas oublier  Jan Karski, son témoignage devant le monde : un récit précieux pour ne pas oublier
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Écrit par Lepetitjournal.com Varsovie
Publié le 10 juillet 2025, mis à jour le 14 juillet 2025

 

Jan Karski : un grand héros polonais

Jan Kozielewski est né le 24 avril 1914 à Lodz. Il passe ses jeunes années dans une Pologne renaissante, puis rejoint Varsovie. En septembre 1939, il est appelé sous les drapeaux pour lutter contre l'envahisseur nazi - la défaite est immédiate. Il est fait prisonnier par les Soviétiques, qui ont, eux aussi, pénétré en Pologne à la suite du Pacte de non-agression conclu avec l'Allemagne. Jan Kozielewski en profite d'un échange de prisonniers entre les deux envahisseurs pour s'évader. Il saute d'un train et retourne à Varsovie. Dès lors, il rejoint la Résistance polonaise sous le pseudonyme de Jan Karski, qu'il ne lâchera plus jamais.

Parlant plusieurs langues, il a notamment pour tâche d'être un courrier à destination du gouvernement polonais en exil, d'abord en France, à Paris, puis à Angers, et enfin au Royaume-Uni, à Londres, lorsque la France est occupée. A l'automne 1942, la direction de la Résistance l'envoie pour une ultime mission clandestine à Londres. Avant cela, il doit rencontrer les deux principaux responsables de la communauté juive, enfermée dans le Ghetto de Varsovie depuis 1940. Ceux-ci lui révèlent le terrible sort réservé aux Juifs dans le cadre de la Solution finale. Il pénètre à deux reprises dans le Ghetto, et également dans un camp d'extermination, voyant l'horreur des ses yeux.

Il rejoint ensuite Londres pour faire son rapport aux différents membres du gouvernement en exil, avant de partir aux États-Unis à l'été 1943. Il y est alors reçu par le président américain Franklin D. Roosevel et le juge à la Cour suprême, Felix Frankfurter. Bien que sioniste déclaré, ce dernier déclare, parlant de Jan Karski : « […] je ne vous dis pas que ce jeune homme est en train de mentir. J'ai dit que je suis incapable de le croire. Il y a une différence ». Cette phrase résume toute la position occidentale passive face à la Shoah.


Emanuel Ringelblum : le Polonais qui archiva la vie quotidienne du ghetto de Varsovie

 

Mon témoignage devant le monde : un récit précieux

Après avoir témoigné à maintes reprises sur la destruction de la Pologne et l'extermination du peuple juif, demeurant aux États-Unis, il entreprend d'écrire un livre retraçant son parcours de résistant dans la Pologne occupée. Mon témoignage devant le monde – Histoire d'un État secret est publié en 1944 aux États-Unis et quatre ans plus tard en France. Un document exceptionnel en bien des points !

Sur le plan historique, il s'agit d'une description de l'intérieur du fonctionnement tout entier de la Résistance polonaise méconnue. Au-delà d'un réseau de résistance, c'est un véritable État clandestin, avec ses trois pouvoirs, ses partis, ses élections, son gouvernement, qui perdurera pendant toute la guerre. Chacune de ses missions constitue un moyen pour le lecteur d'entrevoir un pan du travail de résistance que devait mettre en place un pays privé tout entier de sa liberté. Écoute des journaux d'États neutres, propagande par les journaux clandestins, messages à l'étranger, éliminations physiques d'un opposant... ce récit nous apprend bien davantage que ce nous imaginions.

Mais outre le témoignage historique précieux, c'est le récit d'un héros humble et discret qui rend ce livre si poignant. À aucun moment, même torturé par la Gestapo, il ne tombe dans le « pathos » ou le « sensationnel ». Il ne s'appesantit jamais sur son sort. Dans les notes des rééditions plus récentes, il explique que son éditeur américain souhaitait mettre en avant des épisodes plus spectaculaires de son parcours, d'où un côté « roman d'aventures » (expression à prendre mille fois avec des pincettes !). Le résultat est une œuvre qui se lit bien, malgré son sujet affreux, ce qui en était l'objectif : prévenir le monde.


Tribune : juifs en Pologne, juifs polonais, juifs et Polonais

 

À tout jamais marqué et remarqué

Écœuré par tout ce qu'il a vu et l'immobilisme du monde, Jan Karski se retire à l'Université de Georgetown comme Professeur. Il n'a en effet pas pu rentrer en Pologne, se refusant à prêter allégeance au gouvernement communiste mis en place par les Soviétiques. À la fin des années 1970, son témoignage est à nouveau sollicité pour des conférences, mais aussi par le journaliste et réalisateur français Claude Lanzmann, pour le film Shoah. Suite à la sortie du film, Jan Karski, bien qu'estimant qu'il « est sans aucun doute le plus grand film qui ait été fait sur la tragédie des Juifs », regrette qu'une facette essentielle de son discours ait été occultée, à savoir l'action d'une partie des Polonais en faveur des Juifs.

Mais la plus grande controverse à propos de la mémoire de l'émissaire de la résistance polonaise a eu lieu en 2009, lors de la publication par Yannick Haenel du roman intitulé Jan Karcki. Construit en trois parties, l'auteur y retranscrit le témoignage de Jan Karski dans le film Shoah, résumé dans son livre. L'auteur imagine dans la dernière partie de son roman les pensées et paroles de Jan Karsko. C'est cette troisième partie qui a fait polémique, l'historienne Annette Wievorka allant même jusqu'à parler de « détournement de témoignage ». Claude Lanzmann estime que l'homme qu'était Jan Karski ne pouvait « donner matière à fiction ». Un débat virulent est alors ouvert à l'époque.

À part le roman et le cinéma, un autre genre s'intéresse au résistant : la bande dessinée. Marco Rizzo et Lelio Bonaccorso, respectivement journaliste et artiste, ont ainsi créé une BD intitulée L'homme qui a découvert l'Holocauste, dont le message est de la plus haute importance pour les jeunes générations.

 

Statue de Jan Karski à Tel Aviv
Statue de Jan Karski à Tel-Aviv (Israël)


Il y a 80 ans, découverte des camps d’extermination allemands d’Auschwitz -Birkenau

Article écrit par Mathilde Tête, initialement publié le 22 janvier 2014, actualisé le 11 juillet 2025

 

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