Pascal Bouquerel est le lauréat 2018 du Trophée Entrepreneur des Trophées des Français d’Asie. Doté d’une force de caractère et d’une inventivité unique, il a pu venir à bout d’un long parcours entrepreneurial qui n’a pas été de tout repos, avec la création de son entreprise de chauffe-eaux solaires, Elioteknology.
Il a appris quelques jours avant la cérémonie qu’il était le grand gagnant du Trophée Entrepreneur des Trophées des Français d’Asie. « Je ne m’en suis pas encore remis ! », plaisante Pascal Bouquerel au téléphone. Il se dépeint comme un autodidacte. Jeune, il faisait l’école buissonnière. Il entamera plus tard un CAP de régleur-affûteur, avant de commencer son parcours professionnel de globe-trotter, un an et demi plus tard. « J’ai commencé en République centre-africaine et au Gabon. J’ai adoré cette période-là : c’était l’aventure, on vivait dans des cases, sans électricité. Avec les années j’ai progressé et suis devenu d’abord adjoint-chef de scierie, puis directeur d’exploitation. »
De retour en France, 5 ans plus tard, Pascal s’aperçoit qu’il n’aura pas les mêmes opportunités professionnelles dans son pays de naissance. Il reprend donc les études : il assiste aux cours du soir du Cnam à Paris et effectue un master à l’IFG Paris. Vers 32 ans, il repart sur les sentiers étrangers en s’expatriant aux Antilles. Là-bas, il s’occupe d’une dizaine de sociétés, réparties en Martinique, Guadeloupe et Guyane. Le hasard le fait croiser des professionnels d’Arcelor (à l’époque Usinor) qui cherchent un directeur pour l’île de la Réunion et l’île Maurice. « J’avais fait le tour de l’industrie du bois, du coup j’ai fait un virage à 180 degrés et me suis retrouvé dans l’industrie métallurgique », explique Pascal. Mais ce dernier quittera l’entreprise 5 ans après, parce que « c’était une machine à broyer les hommes ». Embauché par Giordano industries, du secteur des énergies renouvelables et spécialiste du chauffage solaire, Pascal se rend compte, avec son oeil curieux et observateur qu’il y a là un réel potentiel à exploiter.
Les prémices d’Elioteknology
En 2010, après avoir quitté Giordano industries, Pascal Bouquerel s’envole pour la Chine, avec seulement 3500€ en poche. « Je baragouinais l’anglais, rit-il, et je ne parlais pas un mot de chinois. » Cet éternel champion de l’adaptation apprendra tout seul ces deux langues et peut se vanter maintenant de parler couramment l’une et de comprendre l’autre.
Pascal a peu de moyens financiers, mais des plans, et pleins d’idées : faire construire un chauffe-eau solaire et le commercialiser. Il a surtout une ténacité hors du commun. Complètement étranger à la culture chinoise, il s’embarque dans un bus et parcourt les provinces, à la recherche d’un partenaire qui accepte de fabriquer son chauffe-eau solaire. « Je l’ai trouvé et je travaille toujours avec lui aujourd’hui, fait-il remarquer avec affection. C’est aussi devenu un ami. »
Preuve que Pascal a eu LA bonne idée, la commercialisation de ses chauffe-eaux solaires est un succès, puisque 150 produits s’écoulent dès la première année de création d’Elioteknology. « Aujourd’hui, nous sommes à 4500 cuves par an », annonce fièrement le quinquagénaire. Elioteknology a pris une ampleur telle que Pascal se retrouve à travailler pour l’île Maurice, la Réunion mais aussi Mayotte, Madagascar, les Antilles, Tahiti, et les îles Fidji.
Il y a deux ans, Pascal est allé encore plus loin dans l’innovation : « On parlait de plus en plus de l’état de la planète, de la consommation d’énergie, et les concurrents en jouaient sur leurs publicités en affirmant respecter cela. Mais je me rendais compte que finalement, on n’avait aucune donnée sur le fonctionnement d’un chauffe-eau solaire, on ne connaissait ni la température de l’eau ni la consommation électrique etc. ». Ayant encore identifié un besoin, Pascal développe alors le premier chauffe eau-solaire connecté I-cuve, qui informe l’utilisateur du fonctionnement général de l’engin, pouvant contrôler et réduire la consommation de Co2. Une première mondiale. L’entreprise engendre aujourd’hui un chiffre d’affaires de 2,5 millions de dollars.
Les différences et difficultés culturelles
Si l’avantage en Chine est sans aucun doute le coût de la fabrication, Pascal Bouquerel a quand même dû batailler : « Le Chinois cherche toujours à proposer un prix bas car c’est ce que demandent les Européens et Américains, explique-t-il, mais en terme de qualité, il faut que ça tienne la route ». Il a donc fallu vérifier les matières premières utilisées pour le chauffe-eau solaire. Pareillement, Pascal s’est heurté à leur façon de travailler, forcément différente de celle d’un Français : « Les Chinois manquent de rigueur quand on fait des plans, et ils ne comprennent pas forcément les contraintes réglementaires auxquelles on doit se plier. Par exemple, ils voulaient faire des cuves d’1,2 millimètre d’épaisseur, mais il fallait du 1, 5 millimètre pour supporter la pression. On testait donc le produit une fois qu’il était sorti, et on devait reprendre ensuite tous les points qui n’allaient pas et ceux qu’il fallait améliorer. Ce n’était pas de tout repos, il faut s’accrocher pour obtenir le produit qu’on demande ! »
Pendant ce parcours de longue haleine dans l’Empire du milieu, Pascal a forcément ressenti de l’incertitude, premièrement parce qu’il craignait d’être arrivé trop tôt sur ce marché-là. Deuxièmement parce qu’évoluer dans une entreprise conviviale, et « non dans une usine à gaz » le préoccupait. Troisièmement, les coûts : « on travaille encore dessus, pour les réduire au maximum. Il faut une belle technologie certes, mais si personne ne peut l’acquérir après ça ne sert à rien. » Enfin, il lui a fallu un temps d’adaptation à sa nouvelle terre d’accueil, si exotique. « Si je compare avec l’Afrique et les Antilles où j’ai mis un an à m’acclimater, je dirais que la Chine n’est pas un autre pays mais un autre monde ! La culture, la gestuelle, tout est différent et c’est très dur. »
A force de temps, et de charisme professionnel, Pascal a réussi à se créer un véritable cercle d’amis, dont beaucoup de ses clients. Chez Elioteknology, qu’il a tenu à garder à taille humaine, il emploie 5 salariées, qu’il surnomme affectueusement ses « Drôles de Dames ». Pascal semble épanoui, et revendique des conditions de travail cool, flexibles sur les horaires, dans ses trois bureaux établis respectivement à Hangzhou, Seattle et Hong Kong.
Lui planche aujourd’hui sur une version 2 de son chauffe-eau solaire I-Cuve, tandis qu’EDF étudie en ce moment-même l’installation pérenne du système iCuve.
Quant à ses anciens détracteurs qui ne croyaient pas en son projet, Pascal répondra qu’un « cadre est plus dangereux à l’extérieur qu’à l’intérieur ». Il a raison : il est aujourd’hui leur concurrent.