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Eric Meyer, un « Robinson à Pékin »

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Écrit par Loanne Jeunet
Publié le 6 décembre 2018, mis à jour le 10 décembre 2018

Journaliste, correspondant de presse à l’étranger, écrivain et conférencier, Éric Meyer endosse plusieurs casquettes. Son expatriation de plus de 30 ans à Pékin lui a permis d’acquérir de vastes connaissances sur l’Empire du milieu, ce qui l’a conduit à créer son propre média en 1996, « Le Vent de la Chine ». Par ses articles, ses livres, ses conférences ou en émissions radio, il n’a eu de cesse de créer des ponts entre les deux continents, de montrer la Chine telle qu'elle est, sans la juger. Vous l’avez élu pour le Prix du Public des Trophées des Français d’Asie !

« C’est une belle récompense.» Vous êtes des centaines à avoir voté pour Éric Meyer, et il y a de quoi : le journaliste a une carrière bien remplie… Plus jeune, après une prépa supérieure au lycée Henri IV et un CAPES de langue allemande, Éric a choisi Bruxelles et ses institutions européennes, où il s’est formé au métier de journaliste et à l’analyse de l’information pour la presse pendant 10 ans. Malgré une vie dynamique dans la capitale belge multilingue, il s’est vite rendu compte que son avenir professionnel était ailleurs. « C’était un monde assez technocratique, se rappelle-t-il. Je souffrais aussi de la concurrence avec des centaines de collègues qui faisaient tous la même chose que moi.Je risquais de m’étioler ».

En 1985, Éric est amené à se rendre à Bangkok pour une conférence organisée par l’Union Européenne – et c’est le déclic, le coup de foudre pour le continent asiatique. « J’aurais pu choisir de m’installer en Thaïlande, mais cela ne m’intéressait pas. Je voulais être confronté à plus de challenges ». Ainsi, le journaliste décide de prendre son envol pour la Chine : « c’était le pays le plus énigmatique de tous. Il me tardait de découvrir cette face cachée de la planète Terre, avec sa civilisation millénaire, sa sagesse confucéenne, sa religion bouddhiste ».

 « 31 années de feu »

Eric Meyer arrive sur le sol chinois en 1987, et se sent comme Robinson Crusoé. « 31 années de feu », c’est en ces termes qu’il définit son aventure. Très vite en 1989, il assiste aux événements du Printemps de Pékin. Au sortir de cette vague de contestations, Éric est confronté au gouvernement chinois, pour lequel il devient une cible. Jusqu’en 1996, il essuie six procédures d’expulsion, mais qui n’aboutiront jamais. « Ça a quand même failli se produire une fois, se souvient-il. La Chine voulait faire partir tous les journalistes présents en 1989. Ma carte de presse avait été renouvelée pour 6 mois au lieu d’un an. » Face à une situation aussi délicate, Eric ne se démonte pas et décide d’organiser un déjeuner avec les autorités chinoises, pour lequel les ambassadeurs de France et de Belgique se déplaceront afin de lui apporter leur soutien. « J’ai fait un grand discours en chinois, qui parlait d’amitié et des liens entre nos pays. J’ai réussi à les convaincre de me permettre de rester ». « Durant ces trois décennies, j’ai avancé en tandem avec mon épouse Brigitte, qui a tout partagé avec moi, les hauts comme les bas. A deux, nous nous complétions parfaitement, le « yin » et le « yang », en quelque sorte », sourit Éric. « Et à nos deux enfants, nés en Chine, j’espère avoir transmis ce goût de la découverte, mais surtout celui d’aller au bout de leurs passions ».   

Une Chine ambivalente

Si la Chine peut parfois montrer un visage dur, Éric Meyer tient à nuancer : « Effectivement, c’est un régime arbitraire et il n’y a pas

eric meyer
Eric Meyer à Pékin

de démocratie. Mais la Chine est un pays surprenant ». 

La première fois qu’il enfourche son vélo, il se retrouve noyé au milieu des milliers de bicyclettes et autres tricycles, tels « une rivière sur l’asphalte ». Il s’est également habitué à jongler entre le renminbi, « la monnaie du peuple » et celle réservée aux étrangers, le FEC. « Un bonheur m'est venu de l'interculturel, du choc permanent des valeurs et des sens. Un autre de l'énergie vitale (huoli, 活力) émanant du peuple chinois ». « Un de mes premiers reportages fut celui d’une « école de la sexualité », qui avait ouvert à Shanghai pour éduquer les couples dans leurs relations intimes. Ils étaient trop timides pour aborder le sujet, se remémore Éric, ils pensaient qu’un baiser sur la bouche, sous la pleine lune, suffisait. »

Mais le journaliste avoue volontiers avoir sous-estimé ses interlocuteurs chinois. « Je pensais au tout début que nous, Occidentaux, étions naturellement plus avancés qu’eux en technologie ». Aujourd’hui, force est de constater qu’en si peu de temps, il y a des domaines dans lesquels la Chine a dépassé tout le monde, par exemple « en paiement mobile, ou encore en intelligence artificielle », énumère-t-il.

La naissance du Vent de la Chine

Début des années 90, les journaux occidentaux de France, Belgique et Canada se pressent autour de lui, friands de ses articles et de son regard pertinent. « Avant, les radios m’appelaient tous les jours, chaque journal pour lequel je travaillais me demandait un article. Et progressivement, les demandes se sont faites plus rares. Ma situation financière devenait compliquée », constate Éric. Il envisage un instant de rentrer en France. Mais il choisit de rester dans ce pays qui est devenu le sien, à force d’observation et de patience.

Une rencontre providentielle avec un homme d’affaires suisse va lui insuffler l’idée d’un tremplin pour réinventer son métier. La presse étant censurée, beaucoup de journaux arrivaient dans les boites à lettres, pages arrachées, et avec une quinzaine de jours de retard. A l’époque, internet n’existait pas, seul le fax fonctionnait. « Cet ami suisse m’a demandé de créer pour la communauté d’expatriés une lettre d’information, tout en me disant ‘je suis votre premier abonné’ ».

Avec le soutien d’une vingtaine d’entreprises, telles que EDF, Paribas, Rhône-Poulenc, ELF, Air France, Carrefour ou PSA, Eric lance « Le Vent de la Chine » en 1996. Il y aborde tour à tour des sujets de société, de politique et d’économie. Un succès, puisqu’aujourd’hui encore, ce média indépendant est lu chaque semaine par quelques milliers de décideurs, diplomates, entrepreneurs, étudiants francophones, avec une constante : ne jamais publier d'analyses moralisatrices. « Il est important que le lecteur se fasse sa propre opinion lui-même, Le Vent de la Chine se contente de donner des clés de lecture de l’actualité chinoise », précise Éric. « La rubrique fétiche de nos lecteurs est sans conteste le « Petit Peuple », histoire insolite de la Chine contemporaine, telle celle de ce balayeur de rue apprenant l’anglais, ou de cet alpiniste amputé à l’assaut de l’Everest ». Après avoir soufflé ses 22 bougies, Le Vent de la Chine a démontré sa verve et sa popularité. Dernièrement, ses colonnes s’ouvrent à d'autres plumes, pour pérenniser son avenir. Tout comme Éric, vous êtes passionné par ce pays, et désireux de contribuer au Vent de la Chine ? Contactez-le.

 Mais Eric Meyer n’en finit pas de jouer sur tous les tableaux. Après neuf livres, dont « Sois riche et tais-toi » et « Tibet, dernier cri », il travaille actuellement sur deux bandes dessinées aux éditions Dargaud.  « L’une traite de ma propre vie en Chine. C’est léger et amusant, on pourra y lire des situations burlesques auxquelles chacun pourra s’identifier. La deuxième parle d’un fait réel : un chalutier chinois parti pour le Chili, sur lequel une mutinerie va arriver. Multiples rebondissements garantis ! ».

 

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