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Tout savoir sur le testament international

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Écrit par Notaires de France
Publié le 1 janvier 1970, mis à jour le 20 novembre 2017

Un testament peut permettre notamment de faire des legs particuliers, d'avantager un proche ou une association caritative, de désigner un exécuteur testamentaire qui veillera à la bonne exécution de vos dernières volontés, d'indiquer les bénéficiaires d'un contrat d'assurance vie, ou encore de nommer un tuteur pour ses enfants mineurs.  Qu'en est-il du testament international ? Me Marianne Sevendik, notaire, nous répond.

 

lepetitjournal.com: Lorsque l'on vit à l'étranger, y a-t-il différents moyens d'organiser sa succession ?

Me Marianne Sevendik : Les moyens d’organiser sa succession sont variés y compris lorsque l’on vit à l’étranger.

On peut recourir à tous les moyens qu’offre le droit français aux nationaux résidents en France pour commencer la transmission de son patrimoine de son vivant (donations, donations partages…) ou pour organiser une transmission future (testaments, donations entre époux…).

Mais il existe en outre des outils spécifiques aux contextes internationaux. Organiser sa succession peut d’abord passer par un changement de régime matrimonial. La convention de LA HAYE sur les régimes matrimoniaux dans un contexte international permet de changer la loi applicable à son régime matrimonial par simple déclaration faite devant notaire.

Il faudra à chaque fois, s’il existe du patrimoine à l’étranger, prendre soin de vérifier que le pays concerné ne prohibe pas l’outil proposé par le droit français. Par exemple certains pays ne reconnaissent pas le changement de régime matrimonial.

On doit ensuite déterminer la loi applicable à sa succession.

L’union européenne s’est dotée en 2012, d’un règlement sur les successions (règlement UE numéro 650/2012) applicable depuis le 17 août 2015, qui permet de choisir cette loi applicable.

En principe, c’est la loi de la résidence habituelle au moment du décès qui va s’appliquer.

Mais il est possible, en application de ce règlement de choisir la loi d’un pays dont vous possédez la nationalité au moment du choix ou au moment du décès

Cette loi peut d’ailleurs être la loi d’un état membre de l’union européenne ou d’un état tiers (hors union).
 

Quelles sont les particularités d'un testament international ?

La convention de Washington du 26 octobre 1973, a été ratifiée par la France et est en vigueur depuis le 1er décembre 1994. Elle a créé un cadre uniforme de disposition testamentaire favorisant sa reconnaissance à l’étranger. Ce testament n’est toutefois pas limité à un usage international, il est notamment utilisé par les personnes illettrées ou n’écrivant pas le français, et ne pouvant donc pas recourir au testament olographe.
 

Y a-t-il des contraintes particulières à sa rédaction ? Peut-il être établi dans un poste consulaire ?

Le testament international se caractérise par sa souplesse de rédaction. S’il doit être nécessairement établi par écrit, tous les procédés sont autorisés (manuscrit ou dactylographié) et contrairement à un testament authentique, il peut être rédigé dans une langue quelconque y compris une langue non maîtrisée par le notaire ou la personne habilitée.

Le testateur doit déclarer, devant deux témoins et une personne habilitée (en France un notaire) que le document qui est établi est bien son testament et qu’il en connait son contenu qu’il n’est pas tenu de révéler ni au notaire, ni aux témoins.

En présence du notaire (ou de la personne habilitée) il signe le document (chaque feuillet si plusieurs feuillets), ou reconnaît que la signature qui y figure est bien la sienne, et les témoins et le notaire (ou la personne habilitée) signent également.

En France, ces deux témoins peuvent être français ou étrangers, mais ils doivent être majeurs, avoir la jouissance de leurs droits civils, et comprendre la langue française. Ils ne peuvent pas être mariés ensemble.

La personne habilitée délivre ensuite une attestation, laquelle fait preuve de la validité du testament au regard de la convention.

Sur la capacité du consul à recevoir un testament

Le consul Français dispose des mêmes pouvoirs qu’un notaire par conséquent il pourra recevoir le testament. Il faut donc vérifier pour les consuls des autres pays s’ils font partie des personnes habilitées.


Est-il souvent utilisé ? Dans quels pays est-il valable ?

En pratique, nous en voyons très peu. Mais aujourd’hui plus de 500.000 familles sont concernées par les successions transfrontalières ; nous devrions en voir de plus en plus.

Le testament international est en vigueur dans 11 pays : France, Belgique, Italie, Equateur, Canada, Chypre, Libye, Niger, Slovénie, Bosnie Herzégovine et Portugal. Ce testament sera valable en la forme au regard de tous les pays signataires de la convention dès lors qu’il aura été établi selon les règles prévues par la convention.

Ce testament peut également trouver à s’appliquer dans d’autres Etats en application des règles de droit international privé de droit commun.
 

En France, il n'est en principe pas possible de déshériter ses enfants puisqu'ils ont droit à une part minimale de l'héritage de leurs parents, la "réserve héréditaire". Ces droits sont-ils fragilisés en cas de testament international ? Le jugement rendu dans l'affaire opposant le musicien Jean-Michel Jarre à la deuxième épouse de son père, Maurice Jarre, qui a vécu et est décédé en Californie montre que les enfants d'un premier lit peuvent ne rien toucher en héritage...

La convention de Washington ne règle qu’une question de forme. Le testament international est simplement un support et son exécution se fera dans les limites de ce qu’autorise la loi successorale applicable.

Alors même qu’il serait valable en la forme, son contenu pourrait ne pas être applicable parce que mettant en œuvre des outils non reconnus dans un pays, ou parce qu’il dérogerait à des principes relevant d’un ordre public national.

On estimait jusque-là que la réserve héréditaire faisait partie de l’ordre public français auquel on n’admettait aucune dérogation.

Mais la Cour de cassation vient effectivement de rendre deux décisions plutôt inattendues, estimant que la loi de Californie, n’est pas en soi contraire à l’ordre public international français bien qu’elle ignore la réserve héréditaire. C’est une décision qui vient surement fragiliser notre conception de la réserve héréditaire mais cela est à mon sens indépendant de la question du testament international.

 

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