Vous êtes mariés et vous avez choisi de vivre à l’étranger. Quelle que soit la durée prévue pour cette expatriation, il est important de se protéger mutuellement en cas de décès. Mais ce qui est vrai en France ne le sera peut-être pas dans votre pays d’accueil : révisez vos idées reçues.
Idée reçue n°1 : Notre régime matrimonial est gravé dans le marbre.
En France, il est possible de choisir entre plusieurs régimes matrimoniaux. Du plus protecteur au plus séparatiste, ce sont principalement la communauté universelle, la communauté d’acquêts, la participation aux acquêts et la séparation de biens. Si vous avez établi un contrat de mariage, vous avez opté pour l’un de ces régimes et l’avez éventuellement adapté par des clauses sur mesure. Dans ce cas, aucune mauvaise surprise n’est à redouter.
En revanche, si vous n’avez pas établi de contrat de mariage, comme la plupart des couples français, votre régime matrimonial n’est pas fixé. Selon les règles du droit international privé, c’est le régime légal du pays ou vous installez juste après le mariage qui s’appliquera. De plus, il peut changer automatiquement ensuite si vous changez de pays. Ainsi, au bout de 10 ans, le régime légal de ce nouvel État se substituera au précédent.
Pour les voyageurs au long cours, avant de partir, il est recommandé de « figer » son régime matrimonial par un contrat avant l’union, ou d’en changer si vous êtes mariés depuis au moins 2 ans. Après votre départ, vous pouvez faire une déclaration (selon l’article 6 de la Convention de la Haye du 14 mars 1978), pour choisir votre régime matrimonial et opter pour celui vous convient : soit du pays de votre nationalité soit de votre résidence. Il est possible d’indiquer que l’application de ce régime rétroagit depuis la date de votre mariage.
Avec l’aide du notaire, cet acte permettra d’atteindre le degré de protection souhaité par les conjoints. De plus dans le contrat de mariage, et selon le régime choisi, des clauses spécifiques peuvent être ajoutées, par exemple pour indiquer que tel ou tel bien reviendra au conjoint lors du décès (clause de préciput).
A noter par ailleurs que pour parer à toute éventualité, il peut être utile de désigner dans ledit contrat ou une convention la loi applicable en cas de divorce.
Idée reçue n°2 : Nous sommes Français tous les deux, la loi française s’appliquera à notre succession et mon conjoint sera donc mon héritier.
Depuis un règlement européen entré en application en 2015, par principe, une seule loi s’applique à la succession du défunt en situation internationale, sur tous les biens meubles ( placements, comptes bancaires, parts sociales, mobilier…..) ou immeubles, où qu’ils soient situés . Cette loi est celle de l'État dans lequel le défunt avait sa résidence habituelle au moment de son décès .
Ainsi, un Français qui décède à l’étranger peut se voir appliquer une loi autre que la loi française, qui peut être moins favorable au conjoint (en ne prévoyant pas que celui-ci hérite lorsque le défunt n’a pas fait de testament, par exemple). Vous avez la possibilité dans un testament de choisir la loi applicable à l’ensemble de votre succession (c’est la « professio Juris »). Ce choix est limité à celle de sa nationalité ou celle de sa résidence. Il s’agit du choix des règles civiles et non du choix de la fiscalité applicable.
Idée reçue n° 3 : La voie royale pour protéger son conjoint est la donation entre époux.
La donation entre époux est ancrée dans les habitudes en France où elle est souvent recommandée aux couples dès leur mariage. Portant sur les biens « à venir », elle permet d’anticiper et donne au conjoint survivant plusieurs options au moment de la succession. C’est donc un excellent outil pour protéger son conjoint. Néanmoins, elle n’est pas reconnue dans tous les États : la liste de ceux qui ne l’admettent pas est longue. Outre les pays de droit musulman, on compte plusieurs pays d’Amérique latine (Venezuela, Brésil, Argentine, Chili…), des pays européens (Italie, Roumanie, Croatie, Pologne…), le Liban, la Côte d’Ivoire, etc. La donation entre époux pourrait ne pas s’appliquer aux biens détenus dans ces pays. La solution est de préférer le testament qui lui, est reconnu par tous les Etats dès lors où la forme requise du pays où il est établi est respectée. Ainsi, chacun peut dans un testament, léguer à son conjoint les mêmes avantages.
Idée reçue n°4 : Le mariage pour tous a été adopté en France, mon conjoint de même sexe est protégé.
Même si de plus en plus d’Etats ouvrent le mariage aux couples homosexuels, ils restent l’exception. Dans les États qui ne reconnaissent pas ces unions, les conjoints de même sexe ne sont pas reconnus comme des époux. Des considérations d’ordre public peuvent empêcher le conjoint survivant de recueillir une partie de la succession, par exemple des biens immobiliers situés dans le pays de résidence.
Pour en savoir plus :
Site notaires.fr, rubrique expatriation.
Sur le nouveau site Notaviz, des questionnaires interactifs vous sont proposés pour :
- déterminer le régime matrimonial auquel vous êtes (ou risquez d'être) soumis dans un contexte international,
- déterminer la loi applicable à une succession internationale.