Sidonie au Japon est une comédie douce-amère, réalisée par Élise Girard avec Isabelle Huppert (Sidonie), Tsuyoshi Ihara (Kenzo) et August Diehl (Antoine). Ce film raconte l'histoire de Sidonie, une écrivaine en panne d'inspiration, qui se rend au Japon à contrecœur après avoir été invitée par son éditeur suite à la republication de son premier livre. Si vous l’avez déjà vu, amusons-nous à décortiquer nos différences culturelles !
Les règles de politesse
Elise Girard, interviewée par le journal suisse Le Courrier a déclaré que :
« Le film a été beaucoup vu au Japon, et les Japonais trouvent Isabelle très drôle puisqu’elle fait n’importe quoi, tout en étant très rigide. Elle essaie de bien faire sans y parvenir, ce qui la rend comique. »
- Les bagages
Dès son arrivée au Japon, Sidonie se voit débarrassée de ses valises, et même de son sac à main, ce qui, au début, lui paraît inadmissible. Mais à force, elle finit par l'accepter... Inutile de crier "au voleur" ! Prendre en charge toutes vos affaires pour que vous n'ayez rien à porter est une marque de politesse envers les invités.
- Les salutations ojigi
Sidonie découvre les salutations courbées, appelées ojigi. Elle s'y prête à son tour, jusqu'à ce que son éditeur lui explique qu'elle n'a pas à s’incliner.
« Au Japon la politesse se mesure au degré près. Les relations entre les individus se distinguent par des courbettes codifiées. Hérité du bouddhisme et enseigné depuis l’enfance, Ojigi, se perfectionne à l’âge adulte auprès d’experts en bonnes manières. Une pratique qui est loin de contraindre les corps et qui équilibre harmonieusement les relations humaines. »
Pour en savoir plus, regarder ce mini-documentaire sur Arte.tv :
Gacha Gacha (5/9)Ojigi, courbettes japonaises
- Rapport homme-femme
Il est bon de savoir qu'au Japon, l'homme précède la femme lorsqu'on entre dans un lieu public. Ce n'est donc pas de la goujaterie, Mesdames, mais une norme culturelle.
Par ailleurs, en société, un couple doit faire preuve de pudeur. Vous remarquerez cette retenue chez les couples dans la plupart des films japonais. Ici, Sidonie et Kenzo expriment leurs premiers sentiments simplement en se touchant les mains, assis à l’arrière d’un taxi, un geste discret mais chargé d'émotion, souligné par un gros plan qui capture toute la délicatesse de l’instant.
- Le regard
Kenzo reproche à Sidonie de regarder les gens dans les yeux or c’est impoli ! Et dire que nous pensions que les Japonais étaient des êtres timides qui évitaient nos regards…
Honne et tatemae
Lors des séances de rencontres-dédicaces, Sidonie répond aux questions du public sans aucune retenue. Son éditeur lui reproche, en plus de son contact visuel direct, de dire tout ce qu’elle pense. Pourquoi ? Parce qu'au Japon, la dualité entre ce qu'on ressent et ce qu'on affiche revêt une importance particulière.
Sidonie se retrouve ainsi confrontée à deux notions :
ほんね 本音 (honne) vrai désir; motif, intentions réelles qui permet d'exprimer ses pensées, opinions, et sentiments aux personnes très proches (amis, famille) ;
たてまえ立前 (tatemae) attitude sociale, opinion publique, littéralement "façade", utilisé en dehors du cercle intime (collègues, inconnus…).
Le visible et l’invisible
Jeune, Sidonie a perdu ses parents et son frère, puis des années plus tard son mari, dans un accident de voiture dont elle est sortie indemne. Son éditeur a également connu la perte de proches, d'abord à Hiroshima en 1945, puis lors des tremblements de terre de Kobe en 1995. Les tragédies semblent se répéter….
Au Japon, elle parvient à percevoir et à parler au fantôme de son mari défunt. Ce spectre bienveillant l'aidera à se libérer de son chagrin et à passer du deuil à une véritable renaissance, tant sur le plan sentimental que professionnel, car elle reprendra l’écriture.
Elle réalise qu'au Japon, les mondes visible et invisible coexistent, où l'influence des esprits kami et des traditions anciennes se mêle au quotidien, façonnant les interactions et les croyances des gens.
Les voyages
En tant qu’invitée, Sidonie a peu de moments de solitude. Son éditer la prévient sèchement : « Vous ne serez jamais seule, Sidonie-san ! »
Le voyage à travers le Japon dévoile des sublimes paysages de printemps empreints de spiritualité : Osaka, Kyoto, Hiroshima, Naoshima... Ces lieux sont facilement reconnaissables si vous les avez déjà visités. Avis aux nostalgiques : préparez vos mouchoirs !
Les sons
Dans mon article Les cigales, insectes musiciens au Japon j’écrivais en introduction que chaque pays est reconnaissable les yeux fermés grâce aux odeurs et aux sons qui lui sont propres.
Pour Elise Girard l’habillage sonore est très important.
« Le montage son a été aussi une grande étape car le son du film est très précis. Il a complètement été recréé parce qu’il fallait un silence japonais, ce qui n’est pas la même chose qu’un silence occidental. Le fond sonore japonais a de la consistance. Ce n’est pas vide : c’est un silence très plein. C’est très dur à exprimer en mots, mais c’était un travail d’orfèvre pour restituer ce son dans toute sa beauté. »
Interview par Charlyne Genoud publié 18 avril 2024 pour Le Courrier
C’est un film bouleversant sur la rencontre entre :
- deux personnes de cultures différentes qui met en lumière quelques codes ;
- deux êtres blessés par la vie : Sidonie, une veuve sévère et triste, et son éditeur Kenzo, un macho rigide et dépressif en plein divorce.
- deux âmes perdues qui, après la disparition du spectre du défunt mari, se retrouvent, rattrapées par l’Amour.
À la fois poétique et drôle, le film explore le deuil et la séparation, qui ouvrent finalement la voie à une renaissance.
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Junichirô Tanizaki, Éloge de l’ombre, Traduit du japonais par René Sieffert, éditions Verdier
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