Le zen dans la culture japonaise représente une quête de l’éveil à travers la pratique de la méditation. Le mot "zen" évoque aux occidentaux une image de détente, de lâcher-prise et de sérénité instantanée. Il s’invite dans les conversations, les publicités et les méthodes de développement personnel, réduisant le zen à une simple attitude décontractée.


Mais derrière cette appropriation moderne se cache une réalité bien différente : le zen, tel qu’il est pratiqué dans la tradition bouddhiste Sōtō, repose sur une discipline du corps et de l’esprit.
Alors, comment un mot chargé de sens a-t-il pu perdre sa profondeur ?
Le zen japonais, une quête de l'éveil
« Le sens du zen, c’est la « méditation » ou un « recueillement parfait », mais il serait plus juste d’y voir une « illumination », parce qu’il se centre sur la recherche de l’éveil. C’est son objet véritable. »
Le Japon éternel, d’Amélie Nothomb et Laureline Amanieux, Edition Albin Michel
Depuis le XIIIe, il existe deux principales écoles au Japon :
- Sōtō, fondée par Dōgen : privilégie une méditation assise silencieuse shikantaza « seulement s’asseoir »
- Rinzai, fondée par Eisai : utilise les kōan énigmes paradoxales
Elles ont influencé la culture japonaise, notamment l’art, la cérémonie du thé et les arts martiaux.
Le zen a conquis les esprits occidentaux au XXe siècle grâce à Essais sur le bouddhisme zen (1927) de D.T. Suzuki (1870-1966), éminent philosophe bouddhiste.
« Ni philosophie, ni religion, le ZEN peut donc s’adapter à toutes le formes de pensées, c’est pourquoi il se développa si rapidement. Malheureusement, en Occident, on a souvent mal interprété les doctrines du ZEN et surtout les kōan et la pratique du zazen, ce qui a induite certains auteurs en erreur. » extrait Zen-shū - Le Japon, Dictionnaire et Civilisation de Louis Frédéric, Edition Robert Laffont (livre épuisé).

Quand un mot zen n’a plus rien de zen…
Le zen a inspiré de nombreuses expressions : "avoir l’esprit zen", "une attitude zen", "être zen"... Si ces formules évoquent la sérénité, elles sont souvent réduites à une idée de détente superficielle, loin de la profondeur spirituelle du zen. Le marketing, la culture populaire et les méthodes de gestion du stress en ont fait un concept tendance.
En Occident, "être zen" signifie être calme ou détendu. Pourtant, le zen authentique repose sur une discipline rigoureuse, une introspection profonde et un engagement exigeant.
« Quiétude de l’esprit, voilà la voie. »
Ce proverbe zen japonais, qui invite à accepter sereinement les aléas de l’existence, met en lumière le contraste frappant entre la véritable quiétude et ses distorsions occidentales, qu’elles soient linguistiques, mentales ou pratiques.
D'ailleurs, « Le mot [japonais], heijôshin ou « quiétude de l’esprit », ne signifie pas se calmer volontairement face à une situation donnée, mais accepter les choses comme elles viennent, avec une imperturbable constance.[…]…imposer autoritairement le repos à l’esprit, c’est le troubler davantage encore. »
Une beauté zen, Paroles de moines, Shôjin-Project, Éditions Picquier
Eihei-ji, « le temple de la paix éternelle », berceau du zen Sōtō
Pour expérimenter le zen, rendez-vous au temple Eihei-ji, niché sur la montagne Kichijō parmi de majestueux séquoias, près de Katsuyama où se dresse la plus grande statue de Bouddha du Japon. Fondé en 1244 par le maître Dōgen, ce haut lieu du bouddhisme Sōtō incarne la pureté de la pratique zen, bien loin des interprétations simplifiées ou déformées.

La vie monastique est rythmée par la rigueur des cérémonies, la méditation zazen et le silence, mais elle va bien au-delà :
« La pratique ne se limite pas à zazen, elle s'étend à toutes les activités ordinaires de notre vie quotidienne : manger, marcher, faire le ménage, etc. Car notre vie n'est rien d'autre que ce qui se passe devant nous, ici et maintenant. »
site web Eihei-ji

Ce mode de vie contraste radicalement avec la vision occidentale d’un zen 'cool' et accessible. Bien que largement adopté et transformé, son essence demeure une voie spirituelle profonde.
Plutôt que de s’en tenir à une approche superficielle, pourquoi ne pas approfondir le zen authentique et tenter de le pratiquer ?
Eihei-ji offre aux touristes la possibilité de découvrir la vie monastique en séjournant dans un hôtel du village zen d’Eihei-ji, tandis que les artistes ont la possibilité de postuler à un programme de résidence, une occasion idéale de mêler spiritualité zen et création artistique dans un cadre apaisant et inspirant aux odeurs de forêt, d’encens, de tatami…
Mais, l’exploration du zen peut se faire aussi dans « l’immobilité », à travers des livres et des documentaires :

Le Shôbôgenzô de maître Dôgen La Vraie Loi, Trésor de l’Œil
Un guide de lecture de l'œuvre majeure du bouddhisme Zen et de la philosophie japonaise
Maître Dôgen et Yoko Orimo.

Une beauté zen, Paroles de moines, Shôjin-Project, Éditions Picquier

Zen, graine de sagesse par le Maître zen femme Shundō Aoyama, Edition Sully

A la table zen, Seigaku – Éditions Picquier

Documentaires :
- Une vie de moine zen
- "Gérard de par le monde 1/5 Fukui, les maîtres des forêts"
- Le rituel des repas dans un temple de l’école zen sōtō
Loin d’être une simple posture de bien-être, le zen authentique est un cheminement intérieur qui s’exprime dans chaque aspect du quotidien. Si son essence a été transformée en Occident pour répondre aux besoins d’une société en quête de relaxation, elle demeure, dans sa tradition originelle, une pratique exigeante et transformatrice. Plutôt que d’en rester à une approche édulcorée, pourquoi ne pas redécouvrir le zen dans toute sa richesse ? Que ce soit à travers un séjour dans un monastère, une immersion dans ses textes fondateurs ou une pratique sincère de la méditation, le zen n’attend que ceux qui souhaitent aller au-delà des mots.
Image de couverture : © Le Polyèdre, Eihei-ji
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