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Près de 2 millions de citoyens accusent l’Etat d’inaction climatique

L'Affaire du siècleL'Affaire du siècle
Écrit par Justine Hugues
Publié le 3 janvier 2019, mis à jour le 3 décembre 2020

Les quatre ONG à l'origine de la pétition pour un recours en justice contre l'État français espèrent que son succès fulgurant encouragera le gouvernement à prendre des mesures ambitieuses pour lutter contre le réchauffement climatique. 

 

« Pour triompher, le mal n’a besoin que de l’inaction des gens de bien » disait Edmond Burke. Aujourd’hui, c’est l’inaction de la France qui pourrait la rendre coupable des pires maux. D’ici quelques mois, l’Etat devrait être acculé à défendre devant la justice administrative son action pour lutter contre le changement climatique. Quatre associations à l’initiative de « L’Affaire du siècle » (Oxfam France, Greenpeace France, Notre affaire à tous et la Fondation pour la nature et l’homme) s’apprêtent à déposer un recours, si aucune réponse n’est apportée à leur « demande préalable indemnitaire » envoyée le 18 décembre au gouvernement et au président Macron. 

 

La pétition en ligne, qui incite les citoyens à soutenir un recours en justice contre l’Etat français pour inaction climatique, recueillait le 2 janvier 1.946.000 signatures, un chiffre historique, obtenu en un temps record. La création de l’Affaire du siècle, soutenue par des grands noms du cinéma (Juliette Binoche, Marion Cotillard), de la musique (Shaka Ponk) et des sciences (Aurélien Barrau) s’est faite dans la foulée de la COP 24, décevante par l’incapacité des Etats à prendre des mesures supplémentaires pour enrayer le réchauffement climatique.  

 

« Aucun d’entre nous ne s’attendait à un tel succès et aussi rapidement », a reconnu Cécile Duflot, directrice générale d’Oxfam France, auprès de l’AFP. Les revendications des ONG ? « Prendre les mesures politiques qui s’imposent, tout en garantissant la justice sociale ». Réduction de la dépendance au pétrole, développement d’alternatives en matière de transports, rénovation des logements, lutte contre la déforestation, protection côtière, soutien aux agriculteurs…De nombreux objectifs sont rappelés par les quatre associations. Celles-ci s’appuient, entre autres, dans leur démarche, sur la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, qui demande notamment aux Etats de « prendre les mesures nécessaires à la protection de la vie des personnes », y compris face aux enjeux environnementaux.

 

Les associations requièrent également le versement d’indemnités pour préjudice moral et écologique, afin de montrer à l’Etat que les procédures peuvent être plus couteuses que l’action climatique. Or, à en croire plusieurs spécialistes, ces dommages et intérêts ne devraient pas dépasser quelques milliers d’euros, faute pour les associations de représenter les victimes directes du réchauffement climatique. 

 

« Les ONG sont dans leur rôle d’aiguillon de l’opinion… Mais ce n'est pas dans un tribunal qu’on va faire baisser les émissions de gaz à effet de serre », a réagi le ministre de la transition écologique, François de Rugy. « Ce n'est pas à des juges de forcer le gouvernement à prendre une loi, ce n'est pas le sens de nos institutions », explique t-il. 

 

Celui qui a invité les ONG à participer au grand débat national promis à la suite du mouvement des « gilets jaunes » a écopé d’une fin de non recevoir. Pour les instigateurs de l’Affaire du siècle, l’heure n’est plus au débat mais à l’action. 

 

Face à l’urgence climatique, les recours en justice de ce type se multiplient dans le monde. Aux Pays-Bas, un tribunal, saisi par l’ONG Urgenda au nom de 900 citoyens, a ordonné en 2015 à l’Etat néerlandais de réduire les émissions de gaz à effet de serre de 25 % d’ici à 2020.  En Colombie, 25 jeunes ont fait reconnaître par la Cour suprême la nécessité d’agir contre la déforestation et pour la protection du climat. Au Pakistan, un fils d’agriculteurs a demandé aux juges de contraindre son État à adopter une législation climatique capable de protéger l’exploitation de ses parents, et leur droit à l’alimentation.

 

« Nous aussi, nous pouvons gagner. Nous pouvons changer les choses, si nous sommes ensemble », ambitionnent les associations. 

Justine Hugues
Publié le 3 janvier 2019, mis à jour le 3 décembre 2020
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