"Mais oui, mais oui, l'école est finie !" Alors que les bacheliers attendent les résultats, le lycée français de Milan s'apprête à clore une nouvelle année scolaire. Stendhal a vu passer plusieurs générations d'élèves. Nous en avons rencontré trois d'entre eux lors du 66e anniversaire de l'établissement. Trois générations, trois regards, entre nostalgie et promesse d'avenir.
Didier Lartilleux, le doyen
Didier Lartilleux est arrivé à Milan à une époque où l'Europe, telle qu'on la connaît aujourd'hui n'existait pas. C'était en 1956, soit un an avant le fameux Traité de Rome qui posa la première pierre de la construction européenne. Il venait de quitter Versailles avec ses parents et s'est retrouvé, en classe de 3e à l'école française. Il s'agissait d'une toute petite structure située Via Rugabella, dans le centre historique de Milan qui n'accueillait guère plus de 45 élèves. Mais c'était sans compter sur l'Histoire ; avec la nationalisation du Canal de Suez par l'Egypte de Nasser, de nombreuses familles italiennes sont venues gonfler les rangs du lycée français.
Bachelier en 1959, Didier Lartilleux a du se rendre à Rome pour passer les épreuves. C'était l'unique centre d'examen d'Italie à l'époque. Une épopée, se rappelle-t-il. Il s'inscrit ensuite à Politecnico puis revient enseigner la géographie au lycée français. Agé d'à peine plus de deux ans que ses élèves, il se souvient avec humour qu'il "fréquentait les filles du lycée". Puis, après s'être marié avec une Française, il passe de l'autre côté du miroir et devient parent d'élève.
Didier Lartilleux a vécu la fondation du lycée. Il était présent lors de la visite du Général de Gaulle à Milan, en 1959, venu célébrer le centenaire de la bataille de Magenta (clin d'?il : nous célébrons aujourd'hui, le 18 juin 2014, les 74 ans de son appel à la résistance depuis Londres en 1940). Grâce à la visite du président français, la mairie de Milan cède en concession un terrain pour y établir un lycée français. Malgré un cruel manque de moyens, le lycée est inauguré en 1961. C'est alors le début d'une longue période de développement entre autre portée par Didier Lartilleux lui-même, à la fois en tant que président du Lycée (de 1982 à 2000) et simultanément président de la Chambre Française de Commerce et d'industrie en Italie (de 1996 à 2006). Aujourd'hui, Didier Lartilleux est l'heureux grand-père de 9 petits-enfants, dont 3 sont élèves à l'école française, tout comme l'ont été son épouse et ses 4 enfants.
Frédérique Meyer, la fille de la directrice
C'est en 1963 que Frédérique Meyer fait ses premiers pas à l'école française de Milan. Elle entre alors en 11e, le CP de l'époque dans une école dirigée par sa mère. Elle est alors "la fille de la directrice", un statut qui la suivra longtemps même si sa mère ne lui accorde aucun passe-droit. Mais, se souvient-elle, ce n'est pas une situation qui l'a traumatisée plus que ça. A l'époque, le lycée compte plus de 500 élèves. Une situation qui s'explique par la fermeture de l'école des Saintes Jeanne d'Arc. Les anciens élèves de l'école catholique française viennent alors s'ajouter à ceux du lycée Stendhal.
Un Bac C (scientifique, équivalent du Bac S aujourd'hui, ndlr) en poche, Frédérique Meyer décide de continuer ses études en France où elle intègre une prépa au lycée Louis Le Grand, puis la prestigieuse HEC. Elle suit des cours de littérature italienne en parallèle dans l'idée de revenir à Milan. Mariée à un Français, elle retrouve sa ville après avoir travaillé deux ans à Paris. Nous sommes alors en plein dans les Années de Plomb et l'ambiance qui règne en Italie n'est pas pour rassurer les expatriés. D'attentats en assassinats, l'Italie vit au rythme des affrontements entre l'extrême gauche et l'extrême droite. Frédérique Meyer se souvient d'une ambiance particulière entre angoisse de certains et relativité d'autres.
Aujourd'hui, elle est devenue, à son tour maman. Son fils est actuellement en 3e au lycée Stendhal. Elle est également la trésorière de l'Association des Anciens du lycée Stendhal de Milan. Mais c'est avec nostalgie qu'elle se remémore une époque où le lycée était un milieu beaucoup plus protégé qu'aujourd'hui. Française ayant vécu la majeure partie de sa vie à Milan, Frédérique Meyer est fière de sa double culture même si elle avoue avoir "un peu souffert" de ne pas pouvoir établir ses origines. Aujourd'hui, elle se définit comme Milanaise (et non pas Italienne) et Européenne.
Alexandre Guichet, le compositeur
Elève en Terminale S, Alexandre Guichet vient tout juste de passer ses épreuves du baccalauréat et vit actuellement la fameuse attente interminable des résultats. Un passage obligé, même au lycée Stendhal ! Il est arrivé à Milan il y a moins d'un an mais assure avoir trouvé ses marques malgré un maniement de la langue de Dante encore timide. Il est arrivé en Italie par choix personnel. Il assume, du haut de ses 17 ans avoir voulu fuir les "râleurs Français". Son père, médecin vit à Londres mais a travaillé à Milan ; le jeune adolescent a donc déjà mis les pieds dans la cité lombarde. Une amie qui avait fréquenté le lycée Stendhal lui conseillait de venir. Même s'il avoue qu'il aurait pu aller n'importe où, du moment qu'il quittait la France, il s'est retrouvé à Milan.
D'un commun accord avec ses parents, Alexandre Guichet a envoyé différents dossiers dans des écoles d'ingénieur au Canada et en Angleterre. Dossiers qui ont été acceptés à condition qu'il décroche son bac, ultime sésame. Mais il le reconnaît, c'est un choix de stabilité, pour, dit-il avoir quelque chose entre les mains. Il a développé une passion pour la musique et veut se donner les moyens de réussir dans ce domaine. Il a d'ailleurs obtenu une bourse d'étude musicale de l'Association des Anciens du lycée Stendhal de Milan. Une aide précieuse. Si tout va bien, il sera diplômé dans cinq ans et compte bien élever son niveau en musique d'ici là.
Son crédo : la composition de musiques de films et de jeux vidéos. Un musicien de son temps, en somme. Il aimerait pouvoir composer ce qu'il tient pour primordial dans le déroulé de l'action : la musique. Il s'est d'ailleurs essayé à sa passion en réalisant la bande-son d'un film qu'un de ses camarades a réalisé. Un premier essai qui l'a convaincu de poursuivre dans cette voie.
D'ici là, il deviendra probablement ingénieur, histoire d'avoir une issue de secours. Ce n'est pas une tête brûlée donc. Mais lorsqu'on lui demande quelle est la chose la plus importante aujourd'hui à ses yeux, il répond sans réfléchir : "les vacances !". En espérant qu'il décroche son bac pour qu'elles soient les plus réussies possibles.
Aurélien Bureau (Lepetitjournal.com de Milan) ? mercredi 18 juin 2014
Crédits photos : A.B pour lepetitjournal.com
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