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L.Viérin (Vallée d’Aoste): "le français est notre identité culturelle"

Laurent Viérin vallée d'AosteLaurent Viérin vallée d'Aoste
Laurent Viérin, président de la Vallée d'Aoste
Écrit par Marie-Astrid Roy
Publié le 21 mars 2018, mis à jour le 27 mars 2018

Alors qu’Emmanuel Macron vient de dévoiler son plan pour promouvoir la langue française, Laurent Viérin, président de la Vallée d’Aoste nous rappelle son attachement à la francophonie. L’occasion de redécouvrir l’histoire si particulière de cette région italienne, située au confluent de la France et de la Suisse romande.

 

Lepetitjournal.com/Milan : Peut-on dire, encore aujourd’hui, que la Vallée d’Aoste est une « enclave de langue française en terre italienne » ?

Laurent Viérin : Absolument oui. Pour ce qui est du Pays d’Aoste, il faudrait plutôt se demander quand la langue italienne est apparue, le français étant la langue originelle de la région. Les Valdôtains sont passés tout naturellement du latin au français dès le Moyen-Âge, aidés en cela par le francoprovençal, l’idiome répandu dans cette partie des Alpes occidentales et qui, chez-nous, est toujours utilisé au quotidien. L'appartenance de la Vallée d'Aoste au Royaume de Bourgogne – au VIe siècle – puis, par la suite, aux États de Savoie et les nombreux contacts avec les communautés francophones transalpines furent à l'origine de la francisation de la Vallée d'Aoste, jusqu'en 1561, année où le français devint langue officielle et remplaça le latin dans tous les actes publics. L’italien, n’est apparu qu’après l’unification de l’Italie en 1861, alors que la Vallée d’Aoste restait le seul pays francophone du royaume, puisque Nice et la Savoie venaient d’être cédées à la France. À partir de cette époque, les Valdôtains ont été forcés à abandonner leur français au profit de l’italien. Une importante immigration de plusieurs milliers de travailleurs venus de l’Est et du Sud de l’Italie a même été favorisée par l’État, en vue de parvenir progressivement à une aliénation culturelle définitive des Valdôtains. A cela s’est ajoutée une véritable persécution par la dictature fasciste, d’où l’émigration de milliers de Valdôtains, principalement vers la France et la Suisse romande. Malgré tout ce que nous avons traversé, nous sommes parvenus à réaffirmer notre identité.

 

Les nouvelles générations considèrent-elles le français comme faisant partie de leur identité culturelle ?

Le français joue un rôle fondamental dans la vie quotidienne des jeunes, même s’il est de plus en plus évident que, pour des raisons professionnelles, il est nécessaire d’apprendre aussi l’anglais. Mais le français unie les jeunes générations à celles qui les ont précédées et à l’histoire de notre région, il joue un rôle culturel et identitaire important, dont la valeur n’est pas liée aux opportunités professionnelles. Nous sommes une région frontalière qui veut abattre les frontières et dont l’économie repose sur son attrait touristique. Notre particularité culturelle et linguistique est donc un atout important.

 

Quelle est la place du français aujourd’hui dans la vie quotidienne et notamment à l’école ?

L’école valdôtaine est entièrement bilingue, français et italien. D’ailleurs, trois lycées de la région proposent des classes ESABAC (Esame di Stato–Baccalauréat) qui permettent à nos élèves d’obtenir un double diplôme franco-italien. La réforme des programmes scolaires de 2016 précise quelles sont les disciplines à enseigner en français dans les collèges à hauteur de 50% du temps d’enseignement, à savoir : l’histoire-géo et la musique. D’autres matières peuvent être enseignées en français, mais il revient à chaque établissement de choisir, en fonction de son projet éducatif. Pour ce qui est du monde de l’entreprise, la question est évidemment liée au secteur économique considéré. Les professionnels du tourisme et du commerce utilisent nécessairement le français au quotidien.

 

Entretenez-vous des liens privilégiés avec les communautés francophones et la France ?

Notre Région a toujours entretenu des liens très étroits avec les Valdôtains émigrés en France, par le biais tant des activités organisées par la Maison du Val d’Aoste de Paris, que de manifestations telles que les rencontres annuelles avec les émigrés. De par notre refus du conservatisme et notre ouverture délibérée au progressisme, mais aussi l'adaptation constante de l'économie de notre région au processus de globalisation en cours, notre action gouvernementale se rapproche idéologiquement de celle du Président Macron. Le peuple valdôtain est lui aussi « en marche », constamment à la recherche d’un équilibre entre la préservation de son identité culturelle et de ses traditions, et la mise en valeur de celles-ci dans le cadre de la mondialisation.

 

Qu’attendez-vous de la relance de la francophonie souhaitée par le Président Macron ?

L'âme d'un peuple vit dans sa langue. Et le lien indissociable entre signifiant et signifié se traduit nécessairement par un attachement identitaire profond qui nous rassemble, nous, les peuples francophones. Voilà pourquoi nous apprécions cette tentative de relance, ou plutôt cette impulsion en faveur d’une nouvelle cohésion entre les nations francophones. Il n’a jamais été aussi nécessaire de réfléchir au partage des valeurs culturelles et idéologiques dont une langue est intrinsèquement porteuse. Au sein de cette Europe des peuples que nous souhaitons et à l’avènement de laquelle nous travaillons, les différences devront être valorisées, précisément à partir de nos bases communes, comme l’est la langue que nous avons en partage. En somme, nous devons nous unir avant de commencer à nous distinguer les uns des autres : le processus inverse serait disharmonique.

 

MAR
Publié le 21 mars 2018, mis à jour le 27 mars 2018

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