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« La France a toujours été attrayante pour les architectes italiens »

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Pierre-Alain Croset, architecte, enseignant au Politecnico Milano
Écrit par Marie-Astrid Roy
Publié le 24 mars 2020, mis à jour le 24 mars 2020

Alors qu’il s’apprête à organiser une exposition sur le grand architecte français Henri Ciriani, au Politecnico Milano où il enseigne, Pierre-Alain Croset nous explique les affinités entre l’architecture française et italienne.

 

Lepetitjournal Milan : Architecte d’origine française, vous enseignez depuis de nombreuses années au Politecnico de Milan. Quel est votre parcours en Italie ?

Pierre Alain Croset : Je suis arrivé en Italie en 1982, après des études à l’école polytechnique de Lausanne. Et c’est finalement ici que j’ai eu l’occasion de développer ma culture architecturale française. En effet, assez jeune, j’avais 25 ans, j’ai été invité par Vittorio Gregotti, - l’un des architectes italiens de l’après-guerre des plus importants -, à rentrer dans la rédaction de la revue Casabella (fondée en 1928). Il s’agissait à l’époque la plus importe revue internationale d’architecture, avec Domus. Vittorio Gregotti avait été mon professeur à Lausanne, puis j’ai eu la chance de travailler dans son agence à mes tout débuts. Il vient malheureusement de nous quitter, à 92 ans.

Existe-t-il un lien entre les cultures architecturales française et italienne ?

Durant mes années à Casabella, j’étais notamment chargé de développer les rapports avec les architectes français, tant affirmés qu’émergents. Nous avons ainsi publié Henri Ciriani, Yves Lion, Pierre-Louis Faloci, Michel Kagan et Paul Chemetov, qui a par exemple réalisé le ministère des Finances à Paris. Par ce travail, j’ai découvert qu’il existait de fortes affinités entre les cultures architecturales française et italienne. A tel point que Jean-Louis Cohen, un très célèbre historien de l’architecture, par ailleurs membre du comité de rédaction de Casabella, avait publié au début des années 1980, un livre intitulé « La coupure entre architectes et intellectuels, ou les enseignements de l’italophilie ».

Et concrètement, comment se manifestent ces affinités architecturales entre les deux pays ?

L’ouvrage de Jean-Louis Cohen détaillait le phénomène selon lequel plusieurs architectes, historiens et critiques français, regardaient beaucoup à l’Italie, comme un modèle culturel. Ils portaient notamment un grand intérêt à Aldo Rossi, Vittorio Gregotti, Giorgio Grassi, tous de Milan. Mais aussi un vif intérêt à l’égard des historiens de l’architecture italienne comme Manfredo Tafuri, considéré comme chef de file de la nouvelle historiographie de l’architecture italienne. Les architectes français étaient en fait intéressés à cette figure typique de l’architecture italienne : un intellectuel, à la fois architecte, critique et professeur universitaire. Un architecte qui participe au débat public en somme.

Dans l’autre sens, que représente la France pour les architectes italiens ? 

La France a toujours été attrayante pour les architectes italiens. Encore aujourd’hui, elle apparaît comme un modèle idéal quant au statut des architectes mais aussi de la défense de l’architecture comme bien public.
La France jouit en effet d’une loi sur l’architecture, que l’Italie n’a pas. Le pays a aussi toujours mené une politique de concours, qui a permis à de jeunes architectes à leurs premières armes, de gagner et réaliser des bâtiments publics très importants, sans pour autant être connus à l’avance. Ce qui n’est pas le cas en Italie.
C’est notamment grâce à cette politique que de nombreux architectes italiens ont pu travailler et se faire connaître en France. Prenons l’exemple de Renzo Piano. Il n’avait que 33 ans et était alors inconnu lorsqu’il a remporté en 1971 le concours international pour la réalisation du centre Pompidou. C’est également en France que l’architecte romain Massimiliano Fuksas, a connu la célébrité. Alors qu’il avait à l’époque très peu de travail en Italie, il a enchaîné les victoires de concours en France, réalisant par exemple la Médiathèque de Rezé, la Maison des Arts à Bordeaux ou encore les Zénith de Strasbourg et Amiens. Aujourd’hui doté d’une forte renommée, il travaille partout dans le monde.

A l’inverse, quels architectes français ont réalisé de grandes œuvres en Italie ?

Il existe bien sûr de nombreux architectes français qui travaillent dans le privé, mais peu ont réalisé de grandes interventions urbaines dans la péninsule. Ce n’est pas bon signe d’ailleurs, cela montre que les concours ne sont pas aussi transparents qu’en France. Il s’agit sinon d’architectes du star système comme Jean Nouvel qui a construit pour des industriels, par exemple une magnifique usine Ferrari à Maranello et le « kilometro rosso » à Bergame, ou encore Odile Decq qui a réalisé le musée d’art contemporain dans une ancienne usine à Rome (MACRO).
Par contre, beaucoup d’architectes français sont invités à enseigner en Italie, notamment au Politecnico de Milan. Nous y avons deux ou trois visiting professor par an, comme actuellement Laurent Salomon et Hervé Dubois.

C’est justement au Politecnico de Milan que vous avez le projet de monter une exposition sur l’architecte français Henri Ciriani. Qui est-il, quel est l’objet de cette initiative ?

Henri Ciriani représente l’un des maîtres de l’architecture française des années 1980-2000. Il a été un très important professeur, reconnu comme un maître à penser pour des architectes aujourd’hui très talentueux. Il a ainsi été fondateur d’une véritable Ecole qui compte de nombreux disciples tant en France qu’en Italie.
On retrouve l’essentiel de son œuvre dans le domaine public : il a construit des écoles, de grands musées, des universités, beaucoup de logements sociaux aussi.
L’exposition que nous souhaitons accueillir en juin prochain, a été présentée en 2019 dans les locaux de l’Ecole Nationale Supérieure d’Architecture de Paris Val-de-Seine. Elle se veut un hommage à son œuvre culturelle mais aussi à cette figure d’enseignant qui a permis un lien fort entre l’école d’architecture de Milan et des écoles d’architectures françaises.

Il ne s’agit pas d’une exposition anthologique pour raconter l’œuvre de Ciriani. Elle comporte une série de dessins d’imagination donnant une vision de ce que pourrait être l’architecture du futur. Henri Ciriani était un architecte très concret, mais à partir de sa retraite de l’Université, il a commencé à réaliser des dessins d’imagination sur le thème des gratte-ciels, de la métropole contemporaine qui de plus en plus se construit en hauteur. A travers 100 fabuleux dessins, il explore l’idée d’une ville verticale, constituée de tours de 300 mètres de hauteur, faites de grands vides, qui sont des places couvertes dans lesquelles vont pouvoir se développer des activités publiques.

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Exposition Henri Ciriani à l'Ecole Nationale Supérieure d’Architecture de Paris Val-de-Seine (2019)

Dans le bâtiment du Politecnico, nous avons une espèce de place couverte que nous appelons le « Patio di Architettura ». Rabaissée de 5 mètres, on peut la voir depuis la rue. Nous aimerions imprimer sur toile une vingtaine de ces dessins, sur une hauteur d’environ 7 mètres, et les suspendre dans ce lieu magnifique qui se prête parfaitement pour une telle exposition, de façon à évoquer cette vision de villes verticales.
Mais pour cela, nous recherchons quelques sponsors et petits donateurs. Au total, nous aurions besoin de recueillir environ 5.000 euros pour couvrir les frais, de l’impression des dessins à l’éclairage.

Pierre-Alain Croset : +39 335 8108838 / pierre.croset@polimi.it

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Exposition Henri Ciriani à l'Ecole Nationale Supérieure d’Architecture de Paris Val-de-Seine (2019)

 

MAR
Publié le 24 mars 2020, mis à jour le 24 mars 2020

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