Geoffrey Félix, directeur de l’Alliance Française de Turin et coordinateur du réseau des Alliances Françaises en Italie – le plus vaste d’Europe -, dynamise depuis deux ans le rayonnement de la culture française dans la Péninsule autant qu’il renforce le pont entre les deux pays. A l’occasion des 15 ans de l’Alliance Française de Turin, rencontre avec un passionné d’interculturalité, avide de projets.


Vous avez vécu au Venezuela, en Belgique, au Madagascar, et désormais en Italie… Qu’est-ce qui anime votre virus de l’expatriation ?
Très tôt, dès l’adolescence je voulais être professeur de langues, sûrement inspiré par mes parents, eux-mêmes professeurs d’anglais et d’espagnol. A l’âge de 20 ans, j’ai eu un premier poste à l’Alliance Française au Venezuela. Enseigner le français et partager ma culture a été une révélation ! Passionné par les liens interculturels, j’ai multiplié les expériences d’enseignements en Belgique en travaillant auprès de multinationales et des institutions européennes. A Lille, j’ai été directeur de séjours linguistiques, travaillé dans des universités et des business school, toujours en contact avec les étudiants étrangers.
En 2011, j’ai passé une formation qui a tout changé : le DAMOCE (Diplôme d'Aptitude au Management d'Organismes Culturels et d'Éducation), qui vise à former les directeurs et directeurs adjoints d'organismes de formation linguistique à l’étranger.
J’ai continué à me former, d’abord avec un master de relations interculturelles et de relations internationales puis en passant un master en Ressources humaines, m’ouvrant de nouvelles perspectives sur la diplomatie.
C’est ainsi que le ministère ma proposé le poste de directeur à l’Alliance Française de Antsirabe à Madagascar, où j’étais également coordinateur des 29 médiathèques du réseau sur l’île. J’ai eu la chance de pouvoir y développer de nombreux projets pendant quatre ans
Fort de cette expérience, je suis arrivé en Italie en tant que directeur de l’Alliance française de Turin et coordinateur pays des 37 Alliances présentes dans la Péninsule.
L’Italie compte le plus vaste réseau des Alliances Françaises d’Europe. Comment s’articule votre mission ?
Le mouvement est né en 1883, on compte aujourd’hui plus de 830 Alliances Françaises dans 135 pays, dont 37 en Italie, regroupées en Fédération. Il s’agit effectivement du plus important réseau d’Europe, ce qui me conduit à beaucoup voyager à travers la Péninsule !
En Italie, la première Alliance est née à Bologne au lendemain de la seconde guerre mondiale. Alors que cette Alliance d’Emilie Romagne s’apprête à fêter ses 80 ans, celle de Turin célèbre ses 15 ans cette année. Elle est née pour remplacer le Centre culturel français (ancien nom des Instituts français), fermé par les autorités en 2009.
Ma mission consiste à faire le lien entre l’Institut Français Italia, la Fondation des Alliances Françaises et la Fédération. A ce titre, nous organisons chaque année des Journées nationales des Alliances Françaises d’Italie, la prochaine aura lieu à Turin en mars 2026. Une occasion pour proposer des projets à mettre en place au sein du réseau.
La grande force du modèle associatif de l’Alliance Française est que nous avons un conseil d’administration 100% local et une équipe binationale de passionnés sans qui rien ne serait possible. A Turin, il est constitué de sept italiens, un socle indispensable au plus proche de la culture, de l’histoire, de la société turinoise et piémontaise.
C’est d’autant plus important que l’une de nos missions est de renforcer le pont entre l'univers francophone et les réalités culturelles locales.
Quels projets majeurs avez-vous insufflé à travers l’Italie depuis votre arrivée ?
Je suis heureux d’avoir vu le lancement de trois principaux projets qui me tenaient à cœur, alliant le rayonnement de la langue française et la biodiversité.
Avec le soutien de sept Alliances Françaises, nous relayons depuis deux ans le festival Cinema for change, qui a lieu à Paris chaque année, et notamment la compétition courts métrages avec son prix jeunesse. Les courts-métrages viennent du monde entier, et sous-titrés en français, ils sont projetés dans les écoles de sept régions d’Italie, gratuitement. Chaque film délivre un message positif en lien avec le développement durable, et chaque projection est suivie d’un débat, si possible en français, à l’issue duquel les élèves votent pour leur film préféré. Le projet a touché plus de 2 000 jeunes au total du primaire au lycée.
Cette année, nous avons également développé un vaste projet permettant d’apprendre le français à travers le jeu, une manière de donner une image positive de la langue. Grâce à la société milanaise Jakala, nous avons reçu 900 boîtes de jeu de société éducatifs Bioviva, qui grâce à la mobilisation de dix Alliances Françaises et cinq Instituts Français, ont été distribués dans les écoles. Mais pour qu’ils soient utilisés correctement en français langue étrangère, nous avons formé des référents au sein de notre réseau, qui a leur tour ont formé quelque 180 professeurs. Là encore, plus de 2 000 élèves ont été touchés, en seulement quatre mois.
Un troisième projet qui m'est cher a vu le jour : un concours Instagram au niveau national qui permet à trois jeunes italiens de partir un mois gratuit en séjour linguistique en France grâce à un partenariat avec les Centres Internationaux Francophones des Lions Clubs de France.

Le français n’a plus autant le vent en poupe qu’auparavant. Comment toucher de nouveaux publics ?
Il faut varier les activités et les exporter, faire résonner la langue française en dehors des murs de l’Alliance. Outre les projets nationaux évoqués, à Turin par exemple, nous allons dans les salles de cinéma, en proposant des films français rarement diffusés en Italie. Nous collaborons également avec le Circolo dei Lettori de Turin, qui propose un groupe de lecture en français toute l’année. Dans un autre registre qui est celui de la musique, mon autre passion, nous avons participé à la Fête de la Musique avec l’organisation d’un concert de Claude Bessmann dans le lieu magnifique des Rosine, un ancien couvent à Turin.
Et un autre concert est prévu en novembre, avec le talent du jazz français Adrien Brandeis pour les 15 ans de l’Alliance Française de Turin, au Jazz Club Torino.
Et à l’occasion des 15 ans de l’Alliance Française de Turin ?
Nous multiplions les évènements en 2025 ! Pour le mois de la francophonie, nous avons notamment accueilli l’exposition de l’Alliance française de Paris « Ecrire en français. Histoires de mots, voyages de langue », dans un local sur les rives du Pô.
La même exposition va désormais voyager, notamment en s’installant prochainement dans une bibliothèque de la ville.
L’Alliance Française a aussi travaillé avec le Museo del Risorgimento et Tiziana Bonomo sur la superbe exposition photographique - “RITRATTI. Collections Florence et Damien Bachelot” – qui mettait en lumière certains photographes français ou étrangers qui ont photographiés la France.
Le prochain évènement au calendrier, plus institutionnel, est intitulé « Carrefour des Opportunités France – Italie », organisé le 6 novembre au Castello del Valentino. Une centaine d’acteurs de la région seront réunis pour une journée célébrant la coopération entre les deux pays. Au programme notamment : des témoignages inspirants d’entrepreneurs, de chercheurs, de responsables et de bénéficiaires de programmes transfrontaliers.
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