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C.Roussel : "Mon français avait perdu de sa fraîcheur. J’y ai remédié"

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Catherine Roussel, traductrice à Milan / ©Filippo Vitella
Écrit par Marie-Astrid Roy
Publié le 1 janvier 1970, mis à jour le 6 août 2018

Lorsque l’on vit à l’étranger depuis de nombreuses années, on est naturellement confronté à la perte relative de sa langue maternelle. Rencontre avec Catherine Roussel, traductrice française et italienne d’adoption depuis près de 20 ans. A travers son parcours, elle nous explique les difficultés que l’on peut rencontrer au quotidien dans la maîtrise des deux langues latines.

 

Lepetitjournal/Milan : Cela fait près de 20 ans que vous vivez en Italie. Quel y est votre parcours ?

Je suis venue en 1999 pour effectuer un stage chez Brunello Cucinelli à Pérouse, dans le cadre de mes études de langues étrangères appliquées. Je suis ensuite rentrée en France mais brièvement car je suis revenue au bout de deux ans seulement pour travailler de nouveau dans la maison de mode à Pérouse. J’effectuais par ailleurs des traductions, en parallèle de mon activité salariée. J’ai ensuite au fur et à mesure quitté le secteur de la mode pour travailler comme traductrice, d’abord auprès d’agences de traduction, avant de me mettre complètement à mon compte il y a 5 ans.
Aujourd’hui j’effectue principalement des traductions dans les domaines juridique et de la mode aussi bien pour des agences de traduction que pour des clients directs. D’autres sont des particuliers venus via le consulat général de France de Milan, auprès duquel je suis traductrice assermentée.  Il s’agira notamment de reconnaissances de diplôme, d’Italiens qui veulent acquérir la nationalité française par mariage, mais aussi beaucoup de professionnels de santé souhaitent aller travailler en France.

 

Est-ce que l’on arrive aussi bien à maîtriser sa langue maternelle après 20 ans à l’étranger ?

Je me suis aperçue au bout d’une dizaine d’années que j’avais beaucoup privilégié l’intégration au détriment de mes racines françaises. Je m’étais détachée de ma culture sans m’en rendre compte, mon français avait perdu toute sa fraîcheur, je cherchais mes mots. J’avais même pris un accent italien d’après ce que l’on me disait lorsque je rentrais en France !
Au bout d’un moment, j’ai réalisé qu’il fallait que je fasse quelque chose !

 

Et comment remédie-t-on à ce problème ? Parvient-on à rehausser son niveau de français ?

D’abord il faut se rendre compte de ce qu’il se passe, ce qui n’est pas évident. Pour moi, ça a correspondu au moment de la naissance de mes enfants. Ça a donc été l’occasion de passer plus de temps en France, où j'ai également réalisé que ma culture me manquait.
J’ai alors décidé de faire un Master de traduction et terminologie juridique et financière puis j’ai enchaîné sur des études de droit. Cela m’a permis de rédiger, produire une réflexion en français mais surtout de renforcer mon CV. D’autant qu’il existe énormément de traducteurs, la profession n’étant pas réglementée.

 

Outre le moyen radical de reprendre des études, comment on peut-on s’y prendre dans la vie quotidienne pour conserver son français ?

J’ai toujours pris soin de lire et de regarder des films en français dès que possible. Mais cela ne suffit pas toujours. Ce qui a fait la différence aussi, c’est de fréquenter l’association Flam Milan. Même si elle est destinée aux enfants francophones bilingues, cela permet de rencontrer d’autres parents dans la même situation, c’est-à-dire qui habitent en Italie depuis parfois des dizaines d’années, sans pour autant avoir côtoyé la communauté francophone de Milan durant cette période.

 

Quelles sont les expressions, les mots qui peuvent poser problème dans la traduction entre le français et l’italien ? Comme le fameux "impegnativo" par exemple…

D’abord, un doute survient souvent au moment d’utiliser les prépositions après les verbes. Par exemple, on espère de faire quelque chose en italien, mais pas en français. On cherche de faire en italien, mais on cherche à faire en français…
Sinon, on rencontre effectivement régulièrement des erreurs pour la traduction de impegnativo, traduit de façon erronée par « prenant » ou « engageant ». Le terme adéquat serait simplement « compliqué », aussi bien pour un effort physique que cérébral.
C’est « coinvolgente » qui est « prenant » ou « passionnant », voire « captivant », s’il s’agit d’un film.
« Versatile » est un faux-ami pour lequel on rencontre aussi souvent l’erreur. Cela signifie en fait « polyvalent » ou « passe-partout ».

 

En parlant français, vous insérez des mots italiens, ou inversement ?

Parfois, j’aurais envie car on se dit « c’est ce mot-là qui colle » mais il faut réfléchir très vite pour contourner ce que l’on veut dire. L’avantage c’est que par déformation professionnelle, je parviens à trouver le mot approprié assez rapidement, aussi bien en italien qu’en français.

 

MAR
Publié le 6 août 2018, mis à jour le 6 août 2018

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