Le Parlement italien est sur le point d’introduire un système de certification qui pourrait modifier l’image de la mode italienne, en en faisant non seulement un synonyme de style et d’excellence, mais aussi d’éthique et de transparence.


Le projet de loi actuellement en discussion à la Chambre des députés, après avoir été approuvé par le Sénat en octobre 2025, représente une nouveauté absolue dans le paysage législatif italien. Pour la première fois, le pays se doterait d’un instrument organique pour permettre aux opérateurs de la filière de disposer d’un label garantissant que derrière les articles de mode qu’elles produisent se trouve une filière respectueuse du droit.
Un projet de loi nécessaire
Le secteur de la mode italienne est un fleuron de l’économie italienne. Toutefois, sa structure présente certaines complexités. La plupart des entreprises du secteur sont de petites, voire de très petites entreprises, souvent organisées en chaînes de production complexes où l’entreprise principale dite « chef de file » confie en tout ou partie sa production à des fournisseurs et sous-traitants en fonction de la diversité des phases de fabrication et composants du produit fini. Cette fragmentation, si elle garantit d’un côté flexibilité et spécialisation, peut de l’autre dissimuler des situations d’irrégularité : travailleurs non déclarés, évasion fiscale, conditions de sécurité inadéquates.
La difficulté est que l’entreprise qui conçoit et vend le produit final risque de perdre le contrôle sur ce qui se passe dans les maillons les plus éloignés de la chaîne de production. Le résultat ? Des risques réputationnels considérables et, surtout, de possibles violations des droits fondamentaux des travailleurs.
Le Fonctionnement du futur label
Le projet de loi prévoit l’introduction d’un label de qualité appelé « Filière de la mode certifiée ». Il ne s’agira pas d’une étiquette, mais d’une véritable garantie délivrée après des contrôles rigoureux et documentés.
Pour obtenir cette certification, les entreprises impliquées dans la filière devront respecter des conditions strictes. Tout d’abord, elles devront être en règle avec le paiement des impôts et des cotisations sociales. De plus, au cours des cinq dernières années, elles ne devront pas avoir subi de condamnations pénales pour des infractions liées au travail dissimulé, à l’hygiène et à la sécurité sur le lieu de travail, à la corruption ou à l’évasion fiscale. Aussi, si une entreprise a fait l’objet de sanctions pour un montant supérieur à 4% de son chiffre d’affaires pour violations des lois en matière de droit du travail au cours des trois dernières années, elle ne pourra pas obtenir la certification. Enfin, le label « Filière de la Mode » sera réservé aux entreprises dotées d’un modèle d’organisation, de gestion et de contrôle, au sens du décret législatif 231/2001 permettant de prévenir la commission d’infractions au sein de l’entreprise.
La certification sera valable un an et sera délivrée par des professionnels spécialisés (auditeurs ou cabinets d’audits agréés), qui auront pour mission de vérifier la documentation et d’inspecter les lieux de production. Le processus ne se sera pas immédiat : il pourra falloir jusqu’à 90 jours pour compléter tous les contrôles. Une fois obtenue, la certification aura une validité annuelle et sera enregistrée dans un registre public géré par le Ministère des Entreprises et du Made in Italy (le MIMIT). Ainsi, quiconque pourra vérifier si une entreprise est certifiée ou non. Un décret interministériel précisera les aspects techniques et administratifs de la certification.
Les obligations des entreprises chefs de file
Les entreprises donneuses d’ordre, qui conçoivent et/ou coordonnent la production d’articles de mode sont exposées à des responsabilités particulières. Elles doivent savoir exactement qui travaille pour elles, où et dans quelles conditions, tout au long de la chaine de production des produits qu’elles mettent sur le marché.
Pour cette raison, elles seront obligées de tenir un registre actualisé de tous les fournisseurs et sous-traitants, à renouveler tous les six mois. De plus, elles devront insérer dans les contrats avec leurs fournisseurs des clauses précises qui imposent le respect des réglementations sur le travail, la sécurité et la fiscalité, et devront s’assurer du respect de ces règles, en cascade, par l’ensemble de leurs sous-traitants.
Il ne suffira donc pas de prévoir l’obligation du respect de ces règles par écrit : il faudra aussi vérifier qu’elles sont bien appliquées. Les entreprises chefs de file devront ainsi collecter des documents attestant la régularité de leurs partenaires et suivre des lignes directrices qui seront approuvées par les ministères compétents pour évaluer et surveiller les fournisseurs.
Mais ce n’est pas tout. Les entreprises chefs de file devront démontrer que leur modèle d’organisation, de gestion et de contrôle « 231 » est bien adapté au contrôle de la conformité de la filière de mode.
Les autres entreprises de la chaîne d’approvisionnement devront quant à elles fournir aux sous-traitants des contrats écrits comportant des clauses de résiliation et des mesures correctives, garantissant la traçabilité des relations de production.
Les avantages de la certification
Les avantages de la certification de filière s’annoncent multiples. Tout d’abord, l’entreprise certifiée pourra utiliser la mention « Filière de la mode certifiée » dans sa documentation commerciale et promotionnelle et sur son site web. Dans un marché de plus en plus attentif à la durabilité et à l’éthique, cela représentera un avantage compétitif significatif pour intégrer, ou simplement ne pas être exclu de la filière de production de certains donneurs d’ordre importants tenus à leur tour de justifier de la conformité de leur chaine d’approvisionnement.
Mais la certification comportera aussi un aspect plus technique, de grande importance pour les entreprises. Les entreprises chefs de file certifiées pourront bénéficier dans certaines conditions de l’exonération de leur responsabilité quasi pénale au sens de la règlementation 231/2001 en cas d’infractions commises par leurs employés ou collaborateurs ou au long de la filière de production.
En revanche qui utilisera de manière inappropriée la mention « Filière de la mode certifiée » sera exposé à de lourdes sanctions.
Vers une mode éthique et transparente
Le secteur de la mode italienne a toujours représenté l’excellence du Made in Italy dans le monde : créativité, qualité, artisanat. Il aura grâce au label « Filière de la Mode » l’opportunité d’y ajouter l’éthique et la responsabilité sociale.
La certification de la chaîne de production ne doit pas devenir une formalité bureaucratique, mais exprimer un changement de mentalité en plaçant au cœur de la filière non seulement la rentabilité, mais aussi le respect des personnes et des lois pour démontrer que qualité et légalité peuvent aller de pair et se renforcer mutuellement.
Le défi est ambitieux : transformer la filière de la mode en un écosystème vertueux, où éthique, légalité et compétitivité coexistent. Un modèle qui pourrait inspirer d’autres secteurs de l’économie italienne et représenter, dans un marché global extrêmement compétitif, un exemple de la manière dont il est possible de conjuguer succès économique et responsabilité sociale.
Par Anne-Manuelle Gaillet et Tom Dulau

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