Édition internationale

L’Italie, pionnière dans la régulation de l’IA ?

L’Italie devient le premier pays de l’Union européenne à prendre des mesures nationales sur l’intelligence artificielle, en complément de l'« AI Act » européen.

deux mains se touchant devant un fond bleu AIdeux mains se touchant devant un fond bleu AI
Photo de Igor Omilaev sur Unsplash
Écrit par CastaldiPartners
Publié le 13 octobre 2025, mis à jour le 14 octobre 2025

Un record européen pour la régulation de la révolution technologique. Le 17 septembre 2025, le Parlement italien a approuvé le projet de loi sur les « Dispositions et délégations au gouvernement en matière d’intelligence artificielle », qui est entré en vigueur le 10 octobre 2025. L’Italie devient ainsi le premier pays de l’Union à prendre des mesures nationales sur l’intelligence artificielle, en complément de l'« AI Act » européen.

La loi italienne sur l’IA représente une tentative ambitieuse d’équilibrer l’innovation technologique et la protection des droits fondamentaux, traçant une voie qui pourrait devenir un modèle pour les autres États membres.

 

IA et droits fondamentaux : l’approche anthropocentrique du législateur

Dans la continuité de l’approche déjà adoptée par l’AI Act, la loi italienne sur l’IA est fondée sur un principe anthropocentrique. Ce concept se traduit par une garantie concrète :

 

L’intelligence artificielle doit rester un outil au service de l’être humain, sans jamais se substituer à lui dans ses décisions.

La loi précise que le développement et l’utilisation des systèmes d’intelligence artificielle doivent se faire dans le respect des droits fondamentaux inscrits dans la Constitution, des principes du droit européen et des valeurs essentielles telles que la transparence, la proportionnalité, la sécurité, la protection des données personnelles, la non-discrimination et la durabilité. L’autonomie humaine et le pouvoir de décision ne doivent jamais être compromis par l’utilisation de ces technologies.

 

Focus sur les secteurs sensibles

L’un des aspects les plus intéressants de la législation est l’approche sectorielle, qui consacre des règles spécifiques aux domaines où l’impact de l’intelligence artificielle sur les droits fondamentaux est potentiellement le plus important.

  •      Santé

L’intelligence artificielle est considérée comme un outil permettant d’améliorer la prévention, le diagnostic et le traitement des maladies, mais avec une contrainte claire: elle ne peut pas sélectionner ou conditionner l’accès aux soins selon des critères discriminatoires. La décision finale revient toujours aux médecins, l’IA devant représenter uniquement un support pour les professionnels de la santé. Toute personne concernée doit également être informée de l’utilisation des technologies d’intelligence artificielle. Afin de promouvoir la recherche, la loi déclare d’intérêt public majeur le traitement des données, y compris les données à caractère personnel, visant à développer des systèmes d’intelligence artificielle dans le secteur de la santé. Le traitement de données sous forme anonymisée est désormais autorisé sans qu’il soit nécessaire d’obtenir un consentement spécifique (le cas échéant), sans préjudice de l’obligation de fournir une information adéquate sur le traitement des données personnelles, y compris par le biais d’une information générale mise à disposition sur le site web du responsable du traitement. Une communication à l'autorité de protection des données personnelles s'impose dans ces cas, celle-ci gardant le droit de bloquer le traitement dans les 30 jours de cette communication.

 

  •     Travail et emploi 

L’intelligence artificielle doit être utilisée pour améliorer les conditions de travail, protéger l’intégrité psychophysique des travailleurs et augmenter la productivité, toujours dans le respect de la dignité humaine et de la confidentialité. Les employeurs ou les donneurs d’ordre ont l’obligation d’informer les travailleurs de l’utilisation de ces systèmes. Afin de suivre l’impact sur le marché du travail, un Observatoire a été mis en place au sein du Ministère du travail et de la politique sociale pour définir des stratégies et promouvoir la formation en la matière.

 

  • Professions intellectuelles

L’intelligence artificielle ne peut être utilisée que pour des activités instrumentales et de soutien, le travail intellectuel humain devant rester prédominant. Les professionnels doivent informer et communiquer aux clients, de manière claire et compréhensible, les systèmes d’IA qu’ils utilisent.

 

  • Administration publique et système judiciaire

L’utilisation de l’IA vise à accroître l’efficacité, à réduire les délais de procédure et à améliorer les services, mais toujours dans une fonction instrumentale. Dans le domaine judiciaire, toutes les décisions relatives à l’interprétation du droit, à l’appréciation des faits et des preuves et à l’adoption de mesures restent exclusivement réservées au juge.

 

Extension de la protection des droits d’auteur et cas des deepfake

Le droit d’auteur appliqué aux œuvres générées à l’aide de l’intelligence artificielle est une question sensible qui fait l’objet d’un débat animé. La loi introduit un amendement à la loi sur le droit d'auteur, précisant que seules les œuvres de l'esprit humain sont protégées, et que les œuvres créées à l’aide d’outils d’IA sont protégées uniquement si elles sont le « résultat du travail intellectuel de l’auteur ».
Sur le plan pénal, pour lutter contre la diffusion de deepfakes et de contenus manipulés, une nouvelle infraction est introduite : la diffusion illicite de contenus générés ou modifiés à l’aide de systèmes d’intelligence artificielle. Quiconque cause un dommage injustifié en diffusant des images, des vidéos ou des voix falsifiées propres à induire en erreur, sans le consentement de la personne concernée, risque une peine d’emprisonnement d’un à cinq ans.

 

Institution d’autorités ad hoc

Afin de coordonner les politiques nationales en matière d’intelligence artificielle, l’Agenzia per l’Italia Digitale (AgID) est désignée comme autorité responsable de la promotion, de l’innovation et du développement de l’IA, tandis que l’Agenzia per la Cybersicurezza Nazionale (ACN) assume le rôle d’autorité de contrôle et est également responsable de la promotion et du développement de l’IA en relation avec les profils de cybersécurité.

 

Investissements et opportunités pour les entreprises

Un aspect particulièrement intéressant est l’autorisation d’investissements pouvant aller jusqu’à 1 milliard d’euros pour soutenir le développement des PME innovantes, start-ups et entreprises à fort potentiel de développement opérant dans les secteurs de l’intelligence artificielle et de la cybersécurité.

 

Quelles sont les prochaines étapes ?

La loi prévoit des délégations au gouvernement pour adopter, dans un délai de 12 mois, un ou plusieurs décrets législatifs sur un certain nombre de questions clés. Des cours d’alphabétisation et de formation à l’utilisation des systèmes d’intelligence artificielle doivent également être mis en place.
Dans un délai plus court, le Ministère du travail et des politiques sociales devra mettre en place l’Observatoire de l’IA dans le monde du travail (90 jours) et le Ministère de la santé devra réglementer le traitement des données à des fins de recherche scientifique et d’expérimentation (120 jours).

La loi sur l’IA représente une tentative de régir une révolution technologique en cours. L’Italie, anticipant d’autres pays européens, a choisi de ne pas se limiter à l’application de la réglementation UE, mais de la compléter par une réglementation nationale qui tient compte des spécificités de son propre système juridique et productif, avec une attention particulière aux secteurs sensibles et à la souveraineté technologique nationale.

La réussite de ce projet ambitieux dépendra de la mise en œuvre concrète des dispositions, l’efficacité des contrôles et de l’équilibre qui pourra être trouvé entre la promotion de l’innovation et la protection des droits. Il s’agit d’un défi complexe mais nécessaire pour un pays qui se veut véritable protagoniste de la révolution numérique.

 

Giorgia Finezzo – Vivian Grace Chammah

Julie Mary Anne-Manuelle Gaillet

 

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