La décision de la multinationale Amazon de réduire le recours au télétravail, préconisé également par d’autres entreprises en Italie, soulève plusieurs questions. Que dit la législation italienne ?
La récente décision de la multinationale Amazon de réduire le recours au télétravail a soulevé de nombreuses questions, tant d'un point de vue organisationnel que réglementaire. En substance, Amazon a décidé d'abandonner le mode de travail hybride (en personne et à domicile) et de revenir à la gestion de l’activité pre-Covid, dans laquelle le télétravail était autorisé seulement dans des situations de nécessité (famille, travail manqué, etc.).
Face à ce changement opéré par Amazon et préconisé par d’autres entreprises même en Italie, on peut se demander si la législation italienne permet à un entrepreneur de réduire, ou même d'éliminer, le télétravail.
Télétravail : la règlementation en Italie
Le « Lavoro agile » (c’est-à-dire le télétravail) en Italie est réglementé par la loi no. 81 de 2017, ainsi que par le Protocole national sur le « Lavoro agile » du 2021, et désigne un mode d'exécution du travail caractérisé par les éléments suivants :
- un accord écrit entre les parties ;
- un service fourni en alternance à l'intérieur et à l'extérieur des locaux de l'entreprise ;
- aucune restriction de lieu ou de temps de travail, dans les limites des durées maximales quotidienne et hebdomadaire de travail ;
- utilisation d'aides technologiques.
Ainsi, l'accord entre l'employeur et le salarié déterminera combien de jours par semaine le salarié peut travailler à domicile, s'il y a des horaires à respecter, des périodes de repos, des lieux interdits, etc...
Cette modalité de travail avait été utilisée de manière limitée jusqu'en 2019, mais elle a été largement utilisée à la suite de l'urgence Covid. En effet, la législation d'urgence, a d'une part simplifié son application (car les accords individuels n'étaient alors pas nécessaires) et, d'autre part, a ajouté des dispositions pour certaines catégories de travailleurs, comme les travailleurs « fragiles » (avec des conditions de santé particulières) et ceux qui avaient des enfants jusqu'à l'âge de 14 ans.
En Italie, 96% des grandes entreprises ont introduit le télétravail, 56% des petites et moyennes entreprises et 61% des institutions publiques
Selon les données (la source : Osservatori.net – Politecnico di Milano) d’une étude publiée en novembre 2023, 96% des grandes entreprises ont introduit le télétravail, 56% des petites et moyennes entreprises et 61% des institutions publiques.
Le régime simplifié de télétravail a définitivement pris fin le 31 mars 2024 en Italie. Aussi, les travailleurs ne jouissent plus d’un droit au télétravail, et l’employeur n’a plus d’obligation de l’assurer.
En conséquence, le règlement est revenu aux accords individuels de télétravail prévus par la loi 81/2017. Or, le cadre établi par les conventions collectives, nationales et au niveau d'entreprise, ont introduit des règles obligatoires pour les employeurs concernant la modalité d’utilisation du télétravail, surtout en ce qui concerne le droit à la déconnexion, et ce dans divers secteurs.
Accès prioritaire au télétravail
Il reste toutefois, selon la législation italienne, le droit pour certaines catégories de travailleurs d’avoir accès au télétravail en priorité par rapport à d'autres (mais toujours dans la mesure où les exigences de l’entreprise le permettent). C’est-à-dire :
- ceux qui ont des enfants de moins de 12 ans ou qui sont handicapés
- les travailleurs souffrant d'un handicap grave
- les personnes qui fournissent une assistance aux membres handicapés de leur famille (aidants)
- les personnes qui bénéficient de congés pour s'occuper d'un membre de la famille handicapé (art. 33 de la loi n° 151/2001).
Considérations
L'introduction du télétravail a permis à de nombreuses entreprises de réduire de manière significative leurs dépenses, ainsi que de limiter l'impact environnemental des déplacements des travailleurs.
Dans le même temps, les travailleurs ont pu améliorer l'équilibre entre leur vie professionnelle et leur vie privée, grâce à la flexibilité assurée par cette nouvelle moyenne de travailler.
Cela ne signifie pas qu'il n'y a pas d'inconvénients, ce que montre l'affaire Amazon elle-même. La multinationale a souligné à nouveau la nécessité de la confrontation et du brainstorming pour développer de nouvelles idées et accroître la créativité. En d'autres termes, elle a réaffirmé que la croissance des personnes et des projets n'est possible que grâce à une interaction constante entre collègues, que seulement le contact quotidien peut garantir.
Cela ne signifie pas que nous nous dirigeons vers un retour au passé et que le télétravail ne sera plus utilisé.
Au contraire, il est probable que les accords individuels de télétravail, qui restent valables jusqu'à leur date d'expiration, puissent être renégociés (y compris au niveau collectif) et remodelés, afin de trouver un meilleur équilibre entre les avantages indéniables (pour les travailleurs comme pour les entreprises) liés à l'exercice d'une activité à distance et la nécessité d'améliorer la productivité et la qualité du travail.
Tout cela en attendant que d'autres innovations technologiques, telles que l'Intelligence Artificielle et le Métavers, qui imposeront (pour la plupart des professions) de reconsidérer toute la forme de compréhension et d'exécution de la relation de travail.