La cuisine italienne, c’est aussi et d’abord la cucina povera. Remise au goût du jour par les grands chefs, elle fait briller des ingrédients simples et locaux auxquels est ajoutée une généreuse pincée d’inventivité.
La cuisine pauvre selon la traduction littérale, ne correspond plus vraiment à la réalité depuis qu’elle a investi les tables les plus renommées, de New York à Paris. Ultra prisée pour sa simplicité, elle exalte des produits rudimentaires, peu onéreux, locaux et toujours de saison.
Une cuisine familiale, du partage, réconfortante et inventive, parsemée de générosité à l’italienne dans la préparation.
En apparence abondante plutôt que raffinée, elle dissimule en réalité une richesse de saveurs, de parfums et d’arômes. Et cela, avec seulement trois ou quatre ingrédients « pauvres » mais nourrissants dans l’assiette.
A l’origine dictée par la contrainte, la cucina povera est née dans les campagnes plutôt que dans les villes. Elle confère une place prépondérante aux céréales et légumineuses pour remplacer la viande, et autres légumes de saison qui poussent quasiment comme de la mauvaise herbe.
Des ingrédients rudimentaires devenus prisés
A l’instar des cime di rapa (pousses de navets) dans les Pouilles et en Basilicate. Cette sorte de brocoli à l’allure difforme, qui aurait poussé trop vite avec ses longues tiges, ses grandes feuilles et ses minis bouquets, est introuvable sur les étals des plus chics marchés français, mais est très prisée sur les tables des grands chefs italiens parisiens et d’ailleurs. Au goût amer et prononcé, la cima di rapa agrémente savoureusement les orechiette (pâtes de préférence fraiches, en forme de petites oreilles), réhaussées avec une pointe de piment, d’anchois et d’ail. Dans la même famille, les friarielli revenus à la poêle, viennent agrémenter les pizzas les plus gourmets, enrichies de saucisse.
Les régions du nord, plébiscitent la polenta et les fèves. La pasta e ceci (pâtes et pois chiches) a sa variante toscane, napolitaine, romaine, des Pouilles ou encore des Abruzzes.
Loin de la luxueuse truffe blanche, du vinaigre balsamique 25 ans d’âge - l’or noir de Modène -, du parmesan aux 48 mois d’affinage, rien n’est plus raffiné aujourd’hui que de présenter au menu de la pappa al pomodoro (bouillie à la tomate littéralement), originaire de Sienne et Florence : une tranche de pain rassis ayant absorbé le jus d’excellentes tomates et arrosée d’huile d’olive extra-vierge ultra-parfumée.
Le pain rassis est aussi à l’honneur dans la panzanella. Une sorte de salade de mie de pain dure, ramollie dans l’eau et assaisonnée dans sa version la plus simple d’oignon, basilic, concombre, tomates, huile d’olive, vinaigre et sel.
Les spaghetti alla Carrettiera, diffusés dans toutes les osterie (cantines) de Sicile au début du siècle dernier, investissent désormais aujourd’hui avec un brin de nostalgie les tables des restaurants aussi renommés. Sûrement un peu idéalisés, ces spaghettis sont préparés sur la base de cinq ingrédients absolument pauvres : pâtes, pain sec, ail, huile et sel. Ils tirent leur nom des carrettieri, ces charretiers qui transportaient des marchandises et des personnes.
La viande aussi fait partie de cette cuisine que l’on préfère définir comme sincère plutôt que pauvre.
A Milan, le restaurant Røst, qui a ouvert ses portes fin 2019 via Melzo, juste avant la pandémie, exalte justement les coupes pauvres, ces parties les « moins nobles » de la viande, valorisées par plus d’un soupçon d’inventivité par sa cheffe. Lucia Gasperi nous a reçu dans sa cuisine pour nous raconter (en vidéo) cette cuisine familiale et nous dévoiler sa recette de langue de veau revisitée, émincée en salade. Impressionnante de raffinement et de saveurs.