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À Côme, sur les routes historiques de la soie

Côme italie soieCôme italie soie
Écrit par Chloris Ploegaerts
Publié le 21 octobre 2021, mis à jour le 29 janvier 2024

Surtout connue pour son fameux lac, la ville de Côme est aussi réputée pour être le leader européen de l’industrie de la soie. Récit sur les traces de la précieuse étoffe, qui fait rayonner la Lombardie depuis plusieurs siècles.       

La beauté de ses paysages attire en temps normal plusieurs millions de visiteurs par an. Mais le lac de Côme n’a pas toujours été le site touristique que l’on connaît aujourd’hui. Autrefois, il était avant tout le moteur d’une industrie vitale pour l’économie locale : la fabrique de la soie.

Un savoir-faire qui apparaît en Lombardie pendant la seconde moitié du XVIIIe siècle alors que Milan est gouvernée par Marie-Thérèse d’Autriche, comme le relate Francesco Ceccherelli, guide au Musée de la soie à Côme. La duchesse développe ce luxueux artisanat inventé en Chine dans la campagne lombarde, grâce au potentiel naturel de la région. À l’époque, Côme est une vaste zone agricole irriguée par de nombreux cours d’eau. Un environnement stratégique pour implanter les futures usines à soie, dont les machines consomment des volumes d’eau pharaoniques. La main d’œuvre disponible y est aussi conséquente, voyant dans cette activité en plein essor une opportunité de quitter les champs pour un travail moins harassant.

 

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Avant d’être tissés, les fils étaient retordus et fortifiés à l’aide de ces roues. 

 

Des « fleuves de la mode » à l’effort de guerre

Mais le véritable âge d’or de la soie à Côme ne s’amorce qu’à partir des années 1850, propulsé par les avancées techniques de la Révolution industrielle. Les grandes familles lombardes de l’époque s’arrachent les usines, et leurs machines se perfectionnent pour augmenter la cadence de production du textile.

Les conditions de travail sont rudes, y compris pour les enfants. Les ouvriers s’échinent à en devenir sourds, tant les engins sont bruyants. Au sein du vivier d’emplois de la chaîne de fabrication, les teinturiers sont les mieux payés et les plus reconnus. Afficher une peau des mains teintée par les produits devient alors un signe de prospérité, mis en avant pour trouver une fiancée. Exposés à la toxicité des produits, ils décèdent généralement de maladies respiratoires. L’environnement n’est pas plus épargné : le contenu des bacs de teinture est déversé autour des usines dans les « fleuves de la mode », surnom donné en référence à la couleur que prenait l’eau qui révélait ainsi la tendance du moment.    

 

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Les bacs de teinture, dans lesquels on colorait les fils et que l’on vidait près du lac de Côme.

 

Malgré la récession provoquée la Seconde guerre mondiale, la soie, promue comme un secteur d’excellence par le régime fasciste, continue d’être produite à Côme. Le textile permet même de faire marcher l’économie, puisqu’il sert à fabriquer les parachutes des soldats. Les couturières détournent cet usage dans la mode, en récupérant les chutes de tissu des équipements abandonnés par les militaires pour en faire des robes et gants de mariées.

Une tradition bien entretenue

Après les années 1950, la soie cesse d’être l’industrie la plus porteuse de la région mais ne disparaît pas. Si bien que les alentours de Côme concentrent encore presque toutes les entreprises spécialisées dans la soie en Italie, qui en compte aujourd’hui une centaine. En dépit de la concurrence des géants chinois et indien, on y fabrique toujours 80% de la soie européenne, d’après les chiffres du Rapport Lombardie de 2019. De quoi générer un chiffre d’affaires global d’environ un milliard d’euros, plus de la moitié de la production réalisée dans la Péninsule étant destinée à l’exportation, selon les données communiquées par l’Ufficio Italiano Seta en 2018.

Le prestigieux institut Paolo Carcano, fondé en 1869 à Côme, enseigne toujours les métiers du textile, même si la soie n’y est plus aussi centrale qu’à l’origine. Des marques de foulards, cravates et autres accessoires soyeux comme Mantero, née en 1902, et Ratti, créée en 1945, font à leur tour prospérer ce savoir-faire. Parmi les grands noms comasques, la soierie des Bianchi ouverte en 1907 a également perduré à travers les siècles. Elle fournit encore des vêtements portés par le Pape, et des tapisseries décorant la Maison Blanche. Une touche Made in Italy intemporelle et internationale.

 

Le musée de la soie à Côme nous a ouvert ses portes : visite guidée en vidéo

 

 

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