Malvinas pour les uns, Falkland pour les autres, les îles Malouines sont toujours l'objet d'une discorde entre Buenos Aires et Londres. À deux mois du trentième anniversaire du conflit qui a opposé Argentins et Britanniques, la tension est encore montée d'un cran entre les deux pays
(Crédits: AFP)
Cristina Kirchner a annoncé mardi 7 février qu´une plainte sera déposée devant le Conseil de sécurité et l'Assemblée générale de l'ONU pour dénoncer la ?militarisation? britannique de l´Atlantique Sud. À l´approche du trentième anniversaire de la guerre des Malouines (2 avril-14 juin 1982) qui a causé la perte de 649 argentins et 255 britanniques, les relations restent tendues entre les deux pays.
Depuis janvier, Londres et Buenos Aires s'écharpent à nouveau à propos de cet archipel composé de deux îles principales et plus de 720 ilots, situé à 300 kilomètres des côtes argentines au sud de l'Atlantique. Avec seulement 3.000 habitants, 500.000 moutons et de nombreux manchots, les Malouines n'apparaissent pas, à première vue, comme un enjeu stratégique de premier plan. Pourtant, la dispute pour ce petit bout de terre dure désormais depuis plusieurs siècles.
Un archipel français, espagnol, argentin puis britannique
Ceux sont les Français qui s'installèrent les premiers sur l'archipel des Malouines par l'intermédiaire de Jean-Louis de Bougainville qui dès 1764 y établit une colonie. Rapidement, les Espagnols prennent possession des îles "Malvinas" et la colonie française qui ne comptait pas plus de 150 membres est évacuée. Dès 1770, les harcèlements entre bateaux britanniques et espagnols dans les eaux des Malouines aboutissent à une première crise. Pendant des années, Britanniques et Espagnols, puis Argentins après l'indépendance du pays en 1810, revendiquent tour à tour la possession de l'archipel quasiment inhabité. C'est finalement en 1833 que le Royaume-Uni conquiert définitivement les îles et y implante des colons. Las Malvinas deviennent alors Falkland.
(Crédits: AFP)
La guerre des Malouines
Pendant près de 150 ans, l'Argentine continue de revendiquer sa souveraineté sur l'archipel et après des tensions avec la Grande-Bretagne, le régime militaire du général Leopoldo Galtieri passe à l'acte et envahit les Falkland le 2 avril 1982. Mais Margaret Thatcher, alors Premier ministre britannique, tient à ses îles et les reprend après 74 jours de guerre, 252 morts britanniques et 649 tués argentins.
Depuis, chaque mois de janvier, anniversaire de l'appropriation de Las Malvinas par les Britanniques en 1833, est l'occasion pour les présidents argentins de relancer le débat autour de la souveraineté de l'île. "Tradition" respectée une fois de plus cette année par Cristina Kirchner qui est même allée un peu plus loin que d'habitude. Buenos Aires a en effet demandé à ses pays voisins du Mercosur d'interdire d'escale dans leurs ports les bateaux arborant le pavillon des Falkland. Une décision symbolique (il y a uniquement 25 chalutiers de pêcheurs dans ce cas) mais qui a pour but de relancer le contentieux et de forcer la Grande-Bretagne à respecter la résolution de l'ONU datant de 1965 et appelant à "discuter de la souveraineté des Malouines". Comme ses prédécesseurs, David Cameron s'y refuse.
Le Chili soutient l'Argentine
Inquiet des succès diplomatiques argentins dont les revendications ont été soutenues par le Brésil, le Chili, l'Uruguay ou encore le Paraguay, Londres a donc vivement réagi accusant Buenos Aires de visées "colonialistes" selon les mots du Premier ministre David Cameron. Quant à son ministre des Affaires étrangères, William Hague, il a assuré que le Royaume-Uni saurait répondre "aux menaces", y compris par la force. Même s'il n'y a que peu de chances que le conflit dépasse le stade des mots, l'Argentine n'a pas du tout goûté à ses déclarations. Le ministre de l'Intérieur, Florencio Randazzo, a condamné des propos "offensifs, surtout venant de la Grande-Bretagne", alors que son collègue des Affaires étrangères, Hector Timerman, soulignait que le "pays synonyme de colonialisme était bien le Royaume-Uni".
(Crédits: AFP)
Autre geste symbolique émanant de la Grande-Bretagne et particulièrement "irritant" selon l'Argentine, le Prince William, pilote d'hélicoptère, est passer deux mois à Port Stanley, capitale de l'île, pour s'entrainer à partir de février. Ce à quoi, Buenos Aires a d'ores et déjà prévu de riposter par une manifestation monstre le 2 avril prochain, trente ans jour pour jour après l'invasion des Falkland par l'armée argentine. Les Jeux Olympiques organisés l'été prochain à Londres devraient aussi servir de vitrine aux revendications de Buenos Aires puisqu'il est prévu que leurs athlètes, lorsqu'ils défileront, portent un maillot sur lequel sera inscrit en lettres bleues et blanches, couleurs du pays, la phrase "Les Malouines sont toujours argentines."
Le pétrole en ligne de mire
Au delà du symbole que représentent ces îles, il ne faut évidemment pas sous-estimer les raisons économiques qui motivent les deux parties à s'approprier les Malouines. L'exploration pétrolière au large de l'archipel commencée par les Britanniques en 1998 et relancée en 2009 commence à devenir rentable. La compagnie Borders and Southern Petroleum a d'ailleurs annoncer qu'elle débutait un nouveau forage dans les prochains jours dans des fonds sous-marins dont les réserves de pétrole sont estimées à 8,3 milliards de barils, trois fois les réserves britanniques?Voilà de quoi expliquer cet attachement si particulier à une île principalement occupée par des manchots.
Simon Gleize (www.lepetitjournal.com/Londres et Buenos Aires pour Santiago ) mardi 14 février 2012