Une nouvelle loi oblige les entreprises de plus de 50 travailleurs à créer un dispositif de dénonciation interne. Les plus grandes ont 3 mois pour le faire. Les autres, jusqu'au 1er décembre.
II y a quelques jours est entrée en vigueur la loi 2/2023, du 20 de février dite "Ley de protección del Informante" (loi sur la protection de l'informateur). Cette loi oblige les entreprises de plus de 50 travailleurs à créer un dispositif pour que les employés puissent signaler d'éventuelles "infractions à la réglementation et à la corruption" qu'ils détecteraient dans leur entreprise. En effet, "la collaboration citoyenne est essentielle", explique le texte publié au BOE, le Journal officiel de l'État.
Les multinationales l'ont déjà mis en place
Les entreprises ont trois mois pour mettre en place ce dispositif de dénonciation interne. En revanche, celles de moins de 250 travailleurs auront jusqu'au 1er décembre 2023 pour le faire. Certaines multinationales de l'Ibex 35 n'ont pas attendu cette loi pour mettre en place un canal interne de plaintes. Ainsi, l'an passé Banco Santander a licencié 387 employés à la suite de plaintes déposées par des collègues sur le canal interne de la banque.
La grande banque espagnole explique dans son rapport annuel qu'elle a reçu en 2022 un total de 3.935 plaintes internes, et décidé d'enquêter sur 3.477. Ces enquêtes ont débouché sur 907 mesures disciplinaires, dont 387 ont abouti à un licenciement. Autrement dit, près d'une plainte sur dix a abouti à un licenciement.
La majorité des plaintes pour "problèmes de relations au travail"
Dans une majorité de cas, la cause principale des plaintes n'a rien à voir avec des soupçons de fraude mais avec le harcèlement au travail et les problèmes dans les relations de travail (près de 50% du total). Presque 7% des 3.935 plaintes sont liées au "blanchiment d'argent et au financement du terrorisme"; 8,2% concernent la "commercialisation de produits et de services" et près de 10% la "fraude interne".
Outre le coût économique et le temps que les entreprises devront consacrer à la gestion de ce nouvel outil, l'aspect le plus controversé est que les plaintes peuvent être déposées de manière anonyme et que les dénonciateurs ne pourront subir aucune forme de représailles de la part de l'entreprise, autrement dit, "le licenciement ou le non-renouvellement du contrat du dénonciateur, l'imposition d'une mesure disciplinaire ou la modification de ses conditions de travail". C'est évidemment une façon de protéger la personne qui dénonce. Toutefois, la loi n'indique pas comment elle garantira que les personnes dénoncées de façon anonyme ne seront pas calomniées ou que des rumeurs infondées ne seront pas répandues à leur sujet.
Les stagiaires ou les fournisseurs peuvent aussi dénoncer
Les salariés ne sont pas les seuls à pouvoir dénoncer certains dysfonctionnement de l'entreprise. Les stagiaires, les employés en formation, qu'ils soient rémunérés ou non, ainsi que ceux dont la relation de travail n'a pas encore commencé, "dans les cas où des informations sur des infractions ont été obtenues au cours du processus de sélection ou de négociation précontractuelle" peuvent également dénoncer l'entreprise par ce biais, sans qu'il soit nécessaire de révéler leur identité. Il en va de même pour les fournisseurs et les clients, qui pourront également dénoncer des "pratiques illégales".
Davantage d'obligations pour les entreprises
La loi précise que "la gestion du système d'information interne peut être assurée au sein de l'entreprise elle-même ou par un tiers externe". Par conséquent, sa mise en œuvre entraînera une dépense de temps et de ressources pour les entreprises, car si elles n'embauchent pas quelqu'un de leur propre personnel pour effectuer cette tâche, elles devront sous-traiter le service.
Des amendes pouvant aller jusqu'à un million d'euros
Ne pas mettre en place cet outil dans les conditions prévues par le BOE entrainera des amendes dont le montant peut être exorbitant et atteindre un million d'euro. Il existe également d'autres sanctions, telles que l'interdiction d'obtenir des subventions ou d'autres avantages fiscaux.