La fermeture pour cause de Coronavirus des centres scolaires dans la Communuaté de Madrid risque d'éclipser un projet de décret qui est sur la table depuis plusieurs semaines dorénavant et qui concerne les LV2, menaçant notamment le français. L’enseignement de la langue de Molière ne semble en effet pas à la mode en Espagne et en particulier dans la Communauté de Madrid. Il pourrait bientôt passer de 2 heures à 1 heure hebdomadaire au profit de l'éducation physique.
Il faut dire que la situation actuelle du français dans l'enseignement public espagnol est d'emblée sombre : hormis la filière du BachiBac, le français est et demeure une option à toutes les étapes. Jamais les élèves n'ont l'obligation de suivre cet enseignement, toujours en concurrence avec d'autres options moins exigeantes sur le plan académique. "Concernant la situation du Français Langue Étrangère dans les classes madrilènes -explique un représentant de Madrigalia, l’association des professeurs de français de Madrid- son caractère optionnel à 100% la rend certes attrayante aux yeux des élèves qui savent que leurs enseignants se plient en quatre pour les motiver et les faire avancer, mais il est également corrélatif d'un certain dédain de la part de l'administration qui ne valorise pas cet enseignement à sa juste valeur et l'a peu à peu transformé en variable d'ajustement".
En effet, jusqu'en 2015-2016, l’enseignement du français pouvait atteindre jusqu'à quatre heures par semaine. De là, les professeurs d’une seconde langue ont vu leurs quatre heures hebdomadaires réduites à trois, puis à deux heures et bientôt, si le projet est voté, à une heure en faveur de la troisième heure d'éducation physique. En plus, le français, tout comme l’allemand ou l’italien d’ailleurs, n'est obligatoire ni en section bilingue d'anglais (contrairement à l'anglais qui l’est en section française BachiBac) ni en Bachillerato de Humanidades (section littéraire).
Profs en colère
Les élèves verraient donc l'enseignement du français cantonné à une petite heure hebdomadaire, quantité négligeable qui rend difficile, pour ne pas dire impossible, l’apprentissage et encore moins la maîtrise d’une langue étrangère, alors que le français demeure un plus incontournable en Espagne. Les enseignants dénoncent par ailleurs que cela ne concorde pas avec les préceptes que l'administration elle-même a vendus il y a trois ans, lorsqu'elle a convenu avec le gouvernement central de mettre en œuvre le trilinguisme. "C'est une contradiction -affirme-t-on depuis Madrigalia. Avec une heure hebdomadaire, il est très difficile d'enseigner une langue. Qu'arrivera-t-il aux élèves qui perdent la classe quand il y a un pont ? Eh bien, vous ne les voyez que 15 jours plus tard !"
Les professeurs de FLE, quant à eux, verraient leur emploi du temps réduit de 50% et devraient certainement assumer des enseignements dans d'autres matières pour lesquelles ils ne sont pas formés ou se retrouveraient à cheval entre plusieurs établissements. Comme il y a environ 1.200 enseignants touchés dans la région -en plus des langues comme le français, l’italien ou l’allemand, cela concerne les ateliers d’échecs, de chant, de théâtre, ou entrepreneuriat- ces derniers ont commencé à s’unir pour un objectif commun : freiner ce projet. "Dès que nous l'avons su -raconte le représentant de Madrigalia- nous avons commencé à nous mobiliser. Même les enseignants les moins combatifs sont inquiets et ont assisté aux différentes assemblées". Jusqu'à présent, ils ont déjà recueilli plus de 6.000 signatures. Vendredi, les de professeurs de français et autres langues étrangères se sont mobilisés sur la Puerta de Sol, pour dénoncer la situation.
De son côté, la Communauté de Madrid a pris très au sérieux sa lutte contre l'obésité et le mode de vie sédentaire, une mesure qui fait partie de son programme pour cette période. "Ce projet -nous signale un porte-parole de la Communauté de Madrid- répond à la nécessité de réduire les niveaux d'obésité et de sédentarité chez les jeunes. En fait, l'OMS -Organisation mondiale de la santé- recommande aux élèves de pratiquer au moins 60 minutes d'exercice physique par jour pour améliorer leur état de santé et réduire les maladies causées par le surpoids chez les enfants et les jeunes". Bref, des enfants sains mais loin d’être polyglottes.