Des jeunes des banlieues parisienne et madrilène se retrouvent dans la capitale espagnole du 14 au 20 avril 2025, à l'initiative du collectif Inspi, qui forme aux métiers du cinéma à Garges-lès-Gonesse. Objectif : user de ce langage artistique pour exprimer des problématiques communes en périphérie des grandes villes, de part et d'autre des Pyrénées. Interview de Baboye Sylla, président du collectif Inspi.


En Espagne comme en France, l'univers de la banlieue est souvent perçu comme un frein à la réussite des jeunes qui y vivent et y grandissent. À travers cette rencontre et les échanges d'expérience, nous voulons montrer qu'on n'est pas condamné à l'échec, qu'on peut aussi s'en sortir notamment par l'expression artistique, le cinéma et les métiers de l'audiovisuel.
Comment se déroulera votre intervention à Madrid ?
Nous allons accompagner 35 jeunes des banlieues de la région parisienne, du 14 au 20 avril prochain, pour les guider dans la réalisation d'un documentaire à travers les quartiers populaires madrilènes de Lavapiés et Vallecas, mais aussi dans le centre de la capitale espagnole, à la rencontre des minorités qui vivent dans ces zones.
L'idée, c'est de croiser les portraits et voir la transversalité qu'il y a entre les Français et les Espagnols qui vivent ou ont grandi en banlieue. L'initiative est née d'une rencontre avec le réalisateur et scénariste BêO Antarez, qui travaille depuis des années dans le milieu du cinéma à Madrid. Avec lui, nous avons créé un projet de court-métrage dont le scénario a été écrit par les jeunes de la banlieue parisienne, d'où sont également issus les acteurs. Pour l'occasion, ces jeunes vont également réaliser un "pilote" de la série « Dia », centrée sur l'histoire d'un jeune franco-malien qui veut se faire une place dans le monde de la mode à Madrid.
À l'école du rap, à l'écrit comme à l'oral
Est-ce qu'il y a une dimension d'insertion dans ce projet ?
Oui, car tous les jeunes que nous accompagnons ont pour ambition de faire carrière dans l'audiovisuel, de devenir cinéastes, réalisateurs, scénaristes... Tous les métiers du cinéma ! Notre objectif, c'est donc de former des jeunes qui vont pouvoir ainsi mettre en valeur, sur le marché du travail, leurs compétences techniques acquises à travers la réalisation du documentaire et du court-métrage, avec en plus des masterclass qui vont être délivrées par des personnalités espagnoles du cinéma. Les films réalisés à Madrid seront présentés au pôle culturel « Le Cube » de Garges-lès-Gonesse.
Nous avons pensé que, au-delà de la barrière de la langue, il était possible de créer des ponts, partager des expériences et un quotidien qui est par nature différent, bien entendu, mais aussi similaire par beaucoup d'aspects.
Pourquoi le choix de Madrid ?
Parce qu'il y beaucoup de similitudes entre les jeunes des banlieues parisienne et madrilène, avec une grande part de la population issue de l'immigration ou directement immigrée. Et nous avons pensé que, au-delà de la barrière de la langue, il était possible de créer des ponts, partager des expériences et un quotidien qui est par nature différent, bien entendu, mais aussi similaire par beaucoup d'aspects.
En Espagne comme en France, l'univers de la banlieue est souvent perçu comme un frein à la réussite des jeunes qui y vivent et y grandissent. À travers cette rencontre et les échanges d'expérience, nous voulons montrer qu'on n'est pas condamné à l'échec, qu'on peut aussi s'en sortir notamment par l'expression artistique, le cinéma et les métiers de l'audiovisuel.
C'est sans doute plus vrai à une époque où tout est filmé, où la vidéo et la photo ont pris une importance essentielle dans les relations sociales comme professionnelles. Donner les moyens de mettre ces outils et ces compétences audiovisuelles à ces jeunes de banlieues, c'est leur donner de belles chances supplémentaires de réussir.

Est-ce que ce travail et ces échanges peuvent aussi permettre de changer une image souvent négative de la banlieue ?
Bien sûr ! Je pense que c'est aussi un moyen de « décomplexifier » des sujets qui sont un peu caricaturés par certains médias, comme le problème des violences. Ou des sujets qui sont peu abordés, voire ignorés, comme celui de la santé mentale, qui est un véritable fléau souvent en banlieue, surtout si l'on a grandi dans des communautés où ce thème peut être tabou.
Notre objectif, c'est donc aussi de montrer que la banlieue est un lieu comme un autre, où l'on rencontre les mêmes problèmes qui peuvent se poser partout ailleurs, mais de manière sans doute exacerbée, et avec certains codes, une certaine manière de voir et d'appréhender les choses.
Dans tous les cas, ce n'est pas une zone de non droit ! C'est pour cela que la ville de Garges-lès-Gonesse, le département et la préfecture du Val d'Oise nous soutiennent dans nos initiatives, et je les en remercie. Et c'est aussi pour cela qu'il est important de donner les moyens à ces jeunes de banlieue de pouvoir s'exprimer et rendre compte de leur quotidien, à travers leur regard, et grâce au langage universel du cinéma.