Rappeur, enseignant, scénariste, réalisateur... BêO Antarez a plus d'une corde à son arc, et veut mettre cette expérience au service des enseignants en transformant les classes en studios d'enregistrement, le temps d'une formation permettant aux élèves de rédiger des textes de rap directement mis en musique. Objectif : proposer aux professeurs un moyen original pour promouvoir l'écriture, l'esprit de synthèse et le travail en groupe, à travers des thèmes librement choisis.
Depuis plus de deux décennies, BêO Antarez navigue à la croisée des chemins du rap et du cinéma, aussi à l'aise dans un univers que dans l'autre. Le rap, c'est d'abord une passion de jeunesse, un goût prononcé pour cette musique enracinée dans les ghettos des États-Unis, qui élargit le champ de ses horizons musicaux. Surtout lorsque les mélodies sont accompagnées de textes recherchés, comme les aime BêO Antarez. Au panthéon du jeune rappeur (ou plutôt ses « grammy awards »), des chanteurs comme MC Solaar occupent une place de choix.
Logiquement, quand il commence à écrire ses premières chansons, BêO Antarez va puiser son inspiration dans ses répertoires de textes littéraires et poétiques, « où la qualité de l'écriture est à la hauteur de l'engagement, du message que l'on veut faire passer », souligne l'auteur-compositeur. À cette passion du rap s'est ajoutée celle du cinéma, qu'il a d'abord étudié à l'Université parisienne de la Sorbonne, avant de s'associer avec Victoria Martinez pour créer à Madrid une structure dont l'acronyme dit toute l'ambition : VEAV, Vivir una Experiencia Audio-Visual (« Vivre une expérience audiovisuelle »).
Entre-temps, BêO Antarez a même inauguré l'école de cinéma Kourtrajmé dans la capitale espagnole afin d'ouvrir de nouveaux horizons professionnels à des jeunes qui rêvent des métiers du septième art. En gardant toujours le même souci du travail de rédaction, comme un fil conducteur entre ses différentes activités : « Qu’il s'agisse de mettre des paroles sur une musique, d'élaborer un scénario ou d'inventer une série cinématographique, il faut toujours savoir écrire, car tout est écrit au départ, quelle que soit la forme d'expression finale ». Une réalité que les jeunes créateurs négligent parfois, dans un monde où les réseaux sociaux peuvent donner une vision un peu faussée du processus créatif et de la rigueur qu'il exige.
Un studio d'enregistrement en classe
C'est de cette réflexion qu'est né le projet pédagogique de rap et d'écriture baptisé « Musique de chambre », élaboré par BêO Antarez à l'attention des collégiens et lycéens. Le principe : « On donne à des jeunes un sujet et on leur demande d'écrire un couplet de rap en 45 minutes, à partir d'un thème défini par le professeur », explique BêO Antarez ; « Le but étant notamment de faciliter ou d'encourager à la fois l'expression écrite et orale ». Depuis Madrid, le Français veut d'abord s'adresser aux établissements francophones de la capitale espagnole, « même si ce genre d'exercice peut être pratiqué dans n'importe quelle langue », précise-t-il.
Dans cette optique, et pour impliquer au mieux les élèves, BêO Antarez met à disposition le matériel nécessaire en transformant la salle de classe en studio d'enregistrement, pour accompagner en musique et enregistrer directement les chansons de rap écrites au cours de la formation. Avec un encadrement musical assuré par l'auteur-compositeur français : « Il y a une rythmique et une musicalité à respecter, et c'est en ce sens que j'interviens aussi en soutien des enseignants ».
Concrètement, les élèves travaillent d'abord les textes, les écrivent, puis les posent sur la musique instrumentale proposée par BêO Antarez avant d'enregistrer un morceau de maximum deux minutes.
« Une feuille de papier et un stylo pour chacun, pas de téléphone portable et pas d'argot »
« Évidemment, il ne s'agit pas de former des rappeurs, mais de se servir ici du rap comme vecteur pédagogique pour aborder des sujets sur lesquels les jeunes vont devoir se concentrer pour écrire, comme le harcèlement, les discriminations, ou quelque autre thème que les professeurs souhaitent aborder », ajoute BêO Antarez ; « La contrainte imposée permet aussi de favoriser l'esprit de synthèse, et de travailler sur la confiance pour produire un texte en respectant quelques règles simples : une feuille de papier et un stylo pour chacun, pas de téléphone portable et pas d'argot ».
À partir de ce cadre précis, l'auteur-compositeur envisage même la possibilité de mettre en place des tournois entre différentes classes, voire entre différents établissements, à la manière des « battles » bien connues dans le monde du rap. BêO Antarez est d'ailleurs l'un des cofondateurs de la « Rap Contenders », fameuse ligue française de battles d'où ont émergé des rappeurs comme Nekfeu, ou encore Big Flo et Oli. Une façon aussi de créer l’événement et de motiver encore davantage les rappeurs en herbe, quel que soit leur âge, « car l'un des grands avantages de ce genre d'exercice, c'est qu'on peut l’adapter aux différents niveaux en fonction des exigences dès la fin du primaire et jusqu'aux dernières années de lycée ». Et au-delà des enjeux pédagogiques, ces ateliers originaux de « Musique de chambre » peuvent être aussi l'occasion de susciter de nouvelles vocations artistiques. BêO Antarez en est lui-même le parfait modèle.