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Pouvoir d’achat en Espagne : fragile progrès, fracture profonde

Chaque année, l’organisation des consommateurs et usagers (OCU) publie son indice de solvabilité des ménages, une enquête qui dresse un portrait précis de la situation économique des foyers espagnols. Verdict ? Une légère embellie en 2024, certes… mais les inégalités explosent, et pour beaucoup, le confort financier reste un lointain mirage.

un individu tenant dans ses mains son ticket d achat et en train de regarder les prix espagnols un individu tenant dans ses mains son ticket d achat et en train de regarder les prix espagnols
Kaboompics, Pexels.
Écrit par Paul Pierroux-Taranto
Publié le 1 avril 2025, mis à jour le 4 avril 2025

Pain, loyer, dentiste et un petit verre de vin pour oublier… Combien d’Espagnols peuvent vraiment se le permettre ? Chaque année, l’OCU ausculte le portefeuille des foyers, et cette fois encore, le diagnostic est sans appel : s’il y a un léger mieux, la fracture économique continue de s’élargir. Le pouvoir d’achat fait du surplace pour beaucoup, pendant que d’autres voient à peine le bout de leur ticket de caisse. Autopsie d’un quotidien où faire les courses relève déjà du luxe.

Dentiste, viande, vacances… ces luxes que les foyers espagnols s’offrent de moins en moins

Si un tiers des sondés s’estiment financièrement à l’aise, pour les autres, la musique est bien différente : les deux tiers jonglent avec les factures, et pour certains, c’est carrément la corde raide. Certes, le nombre de foyers “sans difficulté” progresse… mais les situations de grande précarité aussi. Résultat : un fossé qui se creuse et une classe moyenne qui s’effiloche. 

Parmi les données les plus préoccupantes : 69 % des foyers peinent à mettre le moindre euro de côté, plus de 40 % ont du mal à s’offrir viande ou poisson, et dans une famille sur trois, les fruits sont devenus une denrée rare. 

Aller chez le dentiste ? Pour beaucoup, c’est un luxe relégué tout en bas de la liste. Près d’un Espagnol sur deux renonce aux soins dentaires faute de moyens. Et dans un foyer sur trois, payer les factures d’électricité ou de chauffage est de plus en plus difficile. Quant aux vacances, elles restent hors de portée pour plus de la moitié des répondants. Des chiffres qui en disent long sur la précarité des ménages… 

 

 

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Une Espagne à plusieurs vitesses… et autant de budgets

Sur la carte d’Espagne, tous les foyers ne sont pas logés à la même enseigne. La Rioja, la Navarre et la Galice tirent leur épingle du jeu avec les meilleurs scores de solvabilité. En bas du classement : l’Andalousie et la Castille-La Manche, sous la barre des 45. La classe moyenne, elle, continue de s’éroder, pressée entre des extrêmes qui s’éloignent.

La composition du foyer influe aussi fortement : ce sont les retraités – notamment les couples avec deux pensions – qui affichent la plus grande sérénité budgétaire. Viennent ensuite les jeunes actifs sans enfants. En revanche, pour les familles nombreuses, monoparentales ou avec un membre au chômage, c’est une autre paire de manches : charges, nourriture, soins… tout pèse de plus en plus lourd dans la balance.

 

Un indicateur révélateur des tensions économiques : l’indice s’appuie sur un échantillon représentatif de la population, de 25 à 79 ans, interrogée sur sa capacité à assumer des dépenses du quotidien. On parle ici de tout ce qui fait (sur)vivre un foyer : alimentation, santé, logement, éducation, transport, loisirs… Le score obtenu : 47,6 sur 100, ce qui marque une progression timide par rapport à 2023, mais loin de permettre un réel soulagement pour de nombreux foyers. 


 

L’OCU tire la sonnette d’alarme

Face à cette situation, l’organisation des consommateurs et usagers plaide pour des mesures urgentes :

 

  • Une TVA à 0 % sur les produits de base, viande et poisson inclus.
     
  • Maintenir un taux réduit de TVA sur l’énergie.
     
  • Des aides ciblées pour les emprunteurs en difficulté.
     
  • Une prise en charge des soins dentaires par la santé publique, car la moitié de la population évite le dentiste pour des raisons de coût.
     

En toile de fond, c’est un pays à deux vitesses qui se dévoile. Une Espagne où certains épargnent pour leurs prochaines vacances à Bali, pendant que d’autres hésitent devant les rayons de la supérette. Le pouvoir d’achat s’améliore, dit-on. Peut-être. Mais pas pour tout le monde, et pas assez vite. Le panier de courses, lui, ne connaît ni patience… ni pitié.

 

 

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