Il a pris la direction générale de l'Institut français d'Espagne dans un contexte particulier, lié à la sortie de crise du Covid. Le nouveau Conseiller de Coopération et d’Action Culturelle (COCAC) de l'Ambassade de France en Espagne a sur la table plusieurs chantiers que la pandémie a rendus prioritaires, concernant notamment la coopération universitaire et l'éducation, avec l'urgence d'agir pour l'insertion professionnelle des plus jeunes - mais aussi un gros dossier culturel, qui devrait s'inscrire dans le cadre de la présidence française de l'UE à partir de janvier 2022, et du cinquantenaire de la mort de Picasso, en 2023. Pour Eric Tallon, "il est impossible de construire l'Europe sans s'appuyer sur de réels accords de coopération entre les pays membres". "Je crois profondément au développement de projets très concrets sur le terrain", défend-il.
Pour ce Nancéen de 42 ans qui reprend du service hors de l'Hexagone après cinq ans passés au sein de l’administration centrale du ministère de l'Europe et des Affaires étrangères à Paris (à la direction générale de la mondialisation puis à la direction des Nations Unies) c'est en quelque sorte un retour vers un certain "tropisme latin" que constitue la prise de fonctions, depuis le 1er septembre 2021, comme COCAC en Espagne. De 2012 à 2016, c'est de fait à Rome qu'il a occupé le même poste qu'il investit désormais à Madrid, au sein là aussi d'une grosse ambassade, marquée par une relation bilatérale intense et qui n'est pas sans posséder certaines similitudes avec le dispositif en place dans le pays de Cervantes. Une "expérience merveilleuse", qui devrait s'avérer bien utile tandis que la réactivation des réseaux et des collaborations est à l'ordre du jour, et que le travail sur le terrain devrait s'intensifier avec le relâchement des contraintes sanitaires.
Générer "du lien concret" de part et d'autre des Pyrénées
Pour "le parfait hispanophone" qu'a été Eric Tallon, et qu'il compte bien rapidement redevenir, les contacts avec l'Espagne - et avec l'actuel Ambassadeur de France dans le pays, avec lequel il a déjà travaillé quand ce dernier était directeur de l’Union européenne du ministère des affaires étrangères- ne datent en outre pas d'hier : Conseiller pour les Affaires européennes à la Présidence de la République de 2007 à 2012, il a été chargé de suivre plusieurs dossiers bilatéraux, coordonnant notamment certains travaux avec ses homologues à la Moncloa. Surtout, il aura été partie prenante dans un des sommets bilatéraux les plus denses de ces dernières décennies, en janvier 2008, qui aura notamment concrétisé la création de la THT entre la France et l'Espagne, mais aussi -et surtout, en l'occurrence- du BachiBac. Officier dans l'Ordre d'Isabel la Católica, remis sous l'égide du ministère des Affaires étrangères espagnol aux personnes qui contribuent "à favoriser les relations d'amitié et de coopération entre l'Espagne et le reste de la communauté internationale", Eric Tallon estime en tous cas être aujourd'hui "bien servi par le contexte créé par les deux gouvernements", pour donner suite à son engagement et pour générer, depuis ses nouvelles fonctions, "du lien concret" de part et d'autre des Pyrénées.
Reprise des échanges culturels, dans un contexte post-Covid
Mais c'est d'abord un hommage "aux équipes qui ont travaillé dans des conditions très particulières" que le nouveau DG de l'Institut français d'Espagne tient à rendre, avec à la clé une reconnaissance du travail de ses prédécesseurs : "tout le maillage a déjà été établi", observe-t-il : "Ma mission consiste à construire sur un édifice qui existe déjà". Pourtant, après près de 18 mois de pandémie, on aurait tort de croire que les échanges peuvent suivre le rythme d'avant la crise du Covid, estime Eric Tallon. "Il faut se réadapter, dans un contexte de réouverture progressive", analyse le nouveau COCAC, qui observe notamment de près les rythmes d'inscription aux cours de langue proposés par l'Institut français. "Nos partenaires eux aussi sont en train de se remettre en route", développe-t-il, "et un certain nombre de coopérations sont en train de reprendre, notamment dans le cadre culturel". "Il faudra être capable d'avancer pas à pas", défend-il encore. Avec en outre un renouvellement d'une grande partie des équipes du service culturel cette année, le Conseilleur de coopération et d’action culturelle entend avancer avec prudence, de façon compréhensible. Certains éléments peuvent néanmoins d'ores et déjà être avancés, comme la volonté marquée du nouveau COCAC de "mieux faire travailler le réseau dans son ensemble". Instituts français, Alliances française et Lycées français disposent "d'une bonne marge de progression" pour "le montage de projets culturels en commun", juge Eric Tallon.
TIFE 2022, la saison culturelle de l'Institut français d'Espagne
Notamment peut être à l'occasion de la TIFE 2022, la saison culturelle de l'Institut français d'Espagne, déclinée depuis plusieurs années de façon homogène sur l'ensemble du territoire. "Nous souhaitons accompagner la présidence française de l'UE, qui sera effective à partir de janvier prochain", dévoile à cet égard le Nancéen. Le premier grand moment qui sera inscrit sous cette thématique aura lieu le 27 janvier, lors de la Nuit des idées, avec des échanges prévus sur le sujet, entre intellectuels français et espagnols. "Nous comptons développer une programmation culturelle qui sera sans doute plus concentrée dans le temps, et ciblée sur les grands événements", commente Eric Tallon, pour qui il est nécessaire de "structurer notre présence", mais aussi "montrer à nos partenaires qu'il y a des priorités". Une de ces priorités concerne de fait l'audiovisuel, avec un véritable intérêt dans le pays pour le cinéma français, mais aussi une progression des coproductions et surtout une approche commune, entre les deux pays, sur la question des droits d'auteur. Projections, débats d'idée et échanges entre professionnels devraient donc être à l'ordre du jour sur ce sujet en 2022, tandis que la TIFE devrait connaître une seconde jeunesse, avec "des lignes de lecture plus claires". En attendant les services planchent aussi sur le cinquantenaire de la mort de Picasso, qui sera célébré en 2023, "un événement important pour nos deux pays et pour leur histoire culturelle commune", mais aussi "un moment de célébration de l'amitié bilatérale", selon l'intéressé.
Doubles diplômes franco-espagnol en formaiton professionnelle
Et tandis que ce mois d'octobre a vu l'inauguration du nouveau Lycée français de Palma, l'un des 22 établissements du réseau en Espagne, Eric Tallon ne tarit pas d'éloges concernant le travail réalisé par ces établissements, "une très grande force de frappe à la fois concernant le modèle d'éducation à la française, mais aussi concernant la diffusion de la langue". "J'y rencontre des professeurs passionnés par les projets qu'ils portent et des élèves très ouverts sur le monde", signale-t-il. C'est l'avenir qui attend cette jeunesse sur le marché de l'emploi, dans un contexte on le sait tendu, qui devrait enfin conditionner une grande part du travail du COCAC. La formation professionnelle entre autres, "une voie importante pour toute une partie de la jeunesse aujourd'hui", est au cœur de l'action gouvernementale et de sa déclinaison au sein de l'ambassade de France en Espagne. "Il faut faire en sorte que les doubles diplômes, comme le BachiBac, aient leur équivalent au niveau de la formation professionnelle", considère-t-il. Un "travail dual", avec les communautés autonomes et à l'échelle gouvernementale, attend donc les équipes du service culturel à cet égard. Là encore, une certaine syntonie avec les homologues espagnols devrait faciliter la tâche, avec côté espagnol la future Loi organique portant sur la formation professionnelle, actuellement en débat au Parlement -"un projet de pays" selon la ministre espagnole de l'Education Pilar Alegría. Mais aussi à l'échelle régionale, comme au Pays Basque, limitrophe avec la France, où les échanges sont bien avancés. "Notre attaché de coopération au sein de l'Institut français de Bilbao travaille spécifiquement sur cette question", révèle Eric Tallon. "Le français est une langue de culture, mais c'est aussi une langue professionnelle, très utilisée dans le monde des affaires", conclut Eric Tallon. "Charge à nous de montrer que cette langue est un passeport pour l'emploi dans une grande partie du monde".