Invité par la SGAE en partenariat avec l'Ambassade de France en Espagne, Pierre Lescure, auteur du rapport "Acte II de l'exception culturelle : contribution aux politiques culturelles à l'ère du numérique", était dans la capitale espagnole la semaine dernière pour décrypter les propositions avancées dans son mémoire. Surtout, le fondateur de Canal + a mis en relief la nécessité de promouvoir une véritable politique culturelle européenne, adaptée à la nouvelle donne technologique.
(Photo DR)
Présenté en mai dernier, le rapport Lescure, rédigé à la demande du gouvernement français, constitue un travail de plusieurs centaines de pages analysant comment, avec le développement d'Internet et des nouveaux supports numériques, la rétribution du travail de création artistique (cinématographique, littéraire, musicale etc.) a glissé au profit des industries de distribution de ces oeuvres, aux dépends des créateurs eux-mêmes.
En Espagne où la culture du "top manta", du piratage et du téléchargement illégal des oeuvres est profondément ancrée dans les habitudes quotidiennes des consommateurs, l'analyse et le regard nouveau apporté par ce rapport, ne pouvait laisser indifférent.
Loin de présenter un arsenal de mesures répressives, le rapport Lescure s'interroge sur les moyens qui existent pour promouvoir une meilleure répartition des revenus que génèrent l'industrie culturelle en Europe, avançant la nécessité de politiques transnationales volontaristes, permettant d'assurer une création culturelle de qualité.
Briller dans le monde
"La culture représente 4,5% du PIB européen", a rappelé Pierre Lescure, "c'est 3,8% des emplois du continent, l'équivalent de l'industrie automobile, ou de l'agriculture. Pourtant, les fonds de l'UE dédiés à la culture ne représentent que 0,1% du budget européen. L'Europe culturelle reste dans les limbes", a-t-il insisté. Et d'ajouter : "On ne peut se satisfaire que l'Europe ne s'intéresse qu'aux tuyaux et aux infrastructures : il faut qu'elle travaille sur ce qu'elle met dans ces tuyaux". Dit sous une autre forme : "A l'ère du numérique, l'Europe a-t-elle besoin d'une politique culturelle ? Pour moi, ce besoin est plus fort que jamais, si l'on veut que l'Europe continue à briller dans le monde : c'est une des meilleures cartes dont nous disposons, face aux géants technologiques que sont le Japon ou les USA".
Exception culturelle vs révolution numérique
Les différents outils mis en place à la fin du 20e siècle, pour défendre l'exception culturelle, fut elle française ou européenne, ont été bousculés par la révolution numérique. D'où la nécessité de refonder ce principe de défense d'une production artistique propre, insoumise aux seules lois du marché, en l'adaptant au nouvel environnement qui est aujourd'hui le sien. En excluant, à l'initiative de la France, la culture des accords de libre échange avec les Etats-Unis, l'Europe a montré l'importance accordée à cette vision. Reste à mettre des mécanismes en place, permettant d'assurer que les bénéfices dégagés par la production artistique soient répartis de façon plus équitable. "Les usagers sont de moins en moins disposés à payer pour des contenus dont le caractère immatériel donne l'illusion de gratuité. Parallèlement, les dépenses pour les équipements technologiques sont à leurs yeux toujours plus justifiés : on est prêt à s'offrir le smartphone dernier cri pour 500 euros, pas de dépenser 5? par mois pour un abonnement permettant d'accéder à des contenus artistiques".
Lutter contre les plateformes de piratage, maintenir la réponse graduée
Le rapport Lescure propose plusieurs pistes pour assurer une politique culturelle française, voire européenne, de qualité. "Il faut améliorer l'offre légale en ligne et l'accès des publics à cette offre", en détaille l'auteur. "s'assurer que les oeuvres soient le plus largement exploitées, en modernisant la chronologie des medias et détournant ainsi les publics du piratage". Comprenez : exhorter simplement les publics à la patience, c'est creer de la frustration, c'est les pousser vers le piratage. Plus d'oeuvres accessibles donc, plus vite et plus longtemps. Certes. Mais il faut aussi "adapter et protéger la propriété intelectuelle", via "une lutte contre les plateformes de piratage, souvent proches de la criminalité organisée", en entreprenant des actions conjointes entre hébergeurs, moteurs de recherche, producteurs etc. à l'encontre des sites de streaming et de téléchargement direct. Quid de l'Internaute qui utilise leurs services ? "Je suis en faveur de maintenir la réponse graduée", explique Pierre Lescure. "L'envoi de messages d'avertissement a montré son efficacité pédagogique", estime-t-il.
Taxe sur les objets connectés
Enfin, et c'est certainement le point crucial auquel devront s'atteler les politiques, il s'agit de renouer les liens entre la création, et le financement de cette création. Tandis que les acteurs "over the top" (opérateurs, fournisseurs de service et les équipementiers de télécommunications) voient leurs bénéfices croître, les créateurs voient les leurs fondre. Il faut établir des modalités de calcul telles que les opérateurs qui vivent de mieux en mieux de la création artistique participent de plus en plus dans le financement de cette dernière. "Je propose de consolider la rémunération pour copie privée", explique Lescure, "à travers un véritable pacte de coopération". Et une proposition concrète : "Il faut établir une taxe sur les objets connectés".
"L'Europe a besoin de créateurs"
"Sous des dehors très français, le concept d'exception culturelle, si souvent mal compris, jugé parfois prétentieux, est avant tout un enjeu européen", a conclu Pierre Lescure.
Vincent GARNIER (www.lepetitjournal.com - Espagne) Lundi 14 octobre 2013
Écrit par Lepetitjournal Valence
Publié le 1 janvier 1970, mis à jour le 6 janvier 2018
Publié le 13 octobre 2013, mis à jour le 6 janvier 2018
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