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La série Industry : la City sous son plus mauvais jour

La City de Londres est un haut lieu de la finance mondialeLa City de Londres est un haut lieu de la finance mondiale
Joao barbosa - unsplash
Écrit par Clara Grouzis
Publié le 19 avril 2021, mis à jour le 19 avril 2021

Nous en viendrions presque à ne pas y croire. Cette série, dont nous vous avions parlé en novembre dernier, propose une retranscription du milieu de la finance tel un monde de véritables détraqués. Sexe, drogue et coups bas sont poussés à l’extrême. Qu’en est-il de l’authenticité du décor présenté ?

 

Tout est excessif. Les quatre premiers épisodes d’Industry contiennent plus de scènes de sexe que de scènes au “desk”, les jeunes diplômés n’hésitant pas à assouvir leur désir de se réaliser grâce à des parties de jambes en l’air fugaces. Certaines scènes peuvent même paraître un peu trash : à quoi bon ?

Dans cette série produite par HBO en collaboration avec la BBC, quatre jeunes diplômés destinés à devenir des requins de la finance débarquent dans la grande banque d’investissement Pierpoint & Co. Les places y sont chères et la direction ne fait pour ainsi dire aucun cadeau. Jusque là, rien de bien surprenant. Mais les jeunes, en proie à des addictions, apparaissent très vite comme des personnages complexes auxquels il est difficile de s’identifier. Tous se droguent régulièrement, tandis que leur désir sexuel est rendu très visible à l’écran. Une série de débauchés ?

 

Il est certain que le monde de la finance, comme l’ont décrit d’autres films et séries avant Industry, parait obscur pour ne pas dire douteux. Des heures de travail qui ne se comptent pas pour des gains monétaires que le commun des mortels ne saurait imaginer. Un milieu au sein duquel les jeunes doivent se faire une place, envers et quasiment contre tout, et où les femmes sont encore relativement rares. De plus, Industry a été imaginée par deux anciens salesmen, qui avaient à cœur de raconter leur expérience apparemment douloureuse à la City. Loin de moi, pour autant, l’idée de douter de leur représentation du métier. Les scènes dans la salle de marché semblent tout à fait réalistes mais dieu que le jargon financier me laisse perplexe.

J’ai dénoté un manque de nuance tout au long de la première saison. L’intrigue tarde à se développer : il m’a fallu attendre le septième épisode (sur huit) pour en déceler le vrai démarrage. Les scénaristes Mickey Down et Konrad Kay semblent vouloir absolument démontrer que, dans ce type d’institution, tout est instrumentalisé pour gagner de l’argent, depuis le harcèlement sexuel jusqu’aux soirées débauchées avec les clients. Pour gravir les échelons, mieux vaut ne pas craindre les coups bas car seuls l’argent et le pouvoir sont aux commandes.

Mais il reste difficile, quoi que le monde de la finance puisse évoquer à chacun, de s’identifier aux jeunes diplômés. Le travail sur la psychologie des personnages les rend inaccessibles, tant ils sont envahis par des émotions contradictoires Comment un jeune quand bien même fraîchement diplômé qui se projetterait dans le milieu financier et ne craindrait pas le pouvoir de l’argent, pourrait-il potentiellement s’y reconnaître ? Ou alors l’objectif de la série ne fait aucun doute : dissuader les “graduates” de s’aventurer dans ce milieu impitoyable.

 

Difficile de s’imaginer que cela plaide en faveur de la série. Dans l’incapacité de s’identifier aux personnages, nous nous en retrouvons automatiquement moins captivés par l’histoire. Ajoutez à cela le manque d’intrigue et les trop nombreuses scènes de sexe, qui ne semblent pas avoir de raison d’être. Au bout du troisième épisode, tellement ces scènes sont présentées comme partie intégrante du quotidien de la City, vous en devenez craintifs qu’elles ne surgissent à n’importe quel moment, n’importe où. La récurrence enlève à ces moments toute l’excitation qu’ils pourraient générer, laissant le spectateur en proie à la surprise et l’incompréhension.

Pourtant, ces scènes, loin d’être pornographiques, offrent une représentation nouvelle, et parfois plus réaliste de la sexualité, laissant une grande place au plaisir féminin. Le désir sexuel est décrit de la même façon, qu’il soit féminin, masculin, hétérosexuel ou homosexuel. Une idée féministe qui est reprise dans l’environnement de travail. Le sexisme y bat son plein alors que certaines femmes tentent, parfois en vain, de lutter contre. Pour une fois, tout le monde ne trouve pas normal que la finance soit traditionnellement un monde d’hommes.

 

Ainsi, je ne saurai douter ni de la connaissance des auteurs, ni de la compétence cinématographique de la productrice et réalisatrice Lena Dunham. Cependant, il est indéniable que la série romance la vie dans la City londonienne pour n’en présenter que sa pire facette, amplifiée comme il se doit sous l’effet des projecteurs. Il semblerait que le scénariste Konrad Kay admette avoir fondé son œuvre davantage sur le récit et les personnages que sur une représentation fidèle de la réalité. Drogue et scènes de sexe présentent donc le milieu de la finance sous son plus mauvais jour. A vous de vous faire une idée !

 

 

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