En passant dans ce qui pourrait sembler un tunnel routier, près de Lambeth, vous serez sûrement surpris de voir beaucoup de couleurs. Leake Street Arches, un des tunnels les plus réputés au monde pour les amateurs de street art, vous ouvre ses portes, en compagnie de Mark Craig, artiste graffeur et Sam Kidby, responsable commercial et marketing du site.
Leake Street, c’est ce qui tend à n’être plus. Dans un tunnel de Lambeth, pas moins de 300 mètres de long de graffitis défilent devant nos yeux. Le graffiti, pourtant contraire à la loi britannique, est légal dans ce tunnel ; il y est même encouragé.
Comment définir Leake Street Arches ? Pour Sam Kidby, responsable marketing du site, il s'agit : “d'une galerie d’art ouverte, permettant à tout le monde de venir marquer son empreinte. Une galerie où tout change, chaque jour”. Dans cet endroit, novices comme artistes ne font qu’un. Les 300 mètres de murs sont une toile qui tend à être recouverte, et ce, chaque jour, comme le souligne Sian Evens, directrice de gestion d'actifs pour LCR, en charge du tunnel : “Je suis toujours étonnée de voir qu’une réelle mixité se crée ici. Les publics se confondent : des touristes, locaux aux artistes. C’est très divers, à cause de la nature artistique du tunnel et de son accessibilité.”
Mais alors quel est le but de ce projet ? “L’idée est d’introduire les gens aux graffitis, qu’ils comprennent comment l’art fonctionne ici, notamment par l’idée que l’art est en mouvement et tend à disparaître. Quand vous marchez, vous voyez de tout : des œuvres anti-sociales aux véritables œuvres d’art,” répond Sam. Ainsi, les œuvres taguées ne durent jamais. Le jeune homme poursuit : “N’importe quelle œuvre sur ces murs sera partie la semaine prochaine. Cela laisse place à autre chose, de plus frais. Aujourd’hui, nous sommes dans un lieu où des personnes ont peint, repeint et continuent de peindre sans véritable but final, tout le contraire d’une toile classique.”
Le graffiti à Leake Street Arches : l’art par et pour tous
Ce qui fait la force de la galerie est sans doute son côté universel. Pour Sian Evens, il est important que le tunnel conserve cette ouverture au monde : “Les plus novices viennent et sont une inspiration pour les artistes accomplis. Vous ne trouverez pas d’endroits comme celui-ci dans le monde entier, où vous pouvez venir regarder les artistes s’exprimer, discuter avec eux, voire en devenir un.”
En effet, les artistes puisent dans cette inépuisable fraîcheur. Mark Craig, graffeur réputé au sein de Leake Street Arches, le met en évidence : “Ce que j’apprécie ici, est qu’il n'y a plus de hiérarchie concrète. Les théories et les règles prétendant que "pour graffer, un artiste doit créer une œuvre égale ou supérieure à la précédente" sont révolues. Une œuvre à moi est là depuis 2019, j’aimerais qu’elle soit remplacée.” Plus qu’une influence ou une inspiration, l’artiste parle de travail collaboratif entre chaque personne utilisant une bombe de peinture : “La collaboration revient à s’appuyer sur le travail d’autrui. À la base, j’ai une idée, et je vais la développer grâce à ce travail collaboratif. Il s’agit d’une notion essentielle pour nous.”
L’important est encore de mettre son égo de côté si vous travaillez à Leake Street Arches : “J’ai fait des œuvres qui m’ont pris énormément de temps et qui ont été recouvertes, l'heure d’après, voilà ce qu’est Leakes Street Arches. Cela nous apprend l’humilité. Essayer de contrôler l’art ne sert à rien”. Selon lui, l'art est tellement libre qu’il serait impossible à dompter, d’autant plus quand il se situe sur les murs de Leake Street Arches.
Un tunnel chargé de tags et d’histoire
Dès votre première visite à la galerie, vous serez immédiatement immergé dans son histoire. La présence de Banksy y est si marquante que la galerie est surnommée "le Tunnel Banksy". En mai 2008, ce dernier a subi une transformation spectaculaire lorsque Banksy a décidé de l'utiliser comme lieu pour le festival "Cans". Pendant cet événement, des artistes de rue ont investi le monde sombre et mystérieux du tunnel. En un temps record, le tunnel, autrefois sombre et sale, est devenu un véritable festival de couleurs. Cette transformation a été les prémices d'une galerie qui est maintenant vibrante et éclatante.
Cette dernière a d’ailleurs une relation étroite avec la France et elle attire chaque année des milliers de visiteurs français. En ce qui concerne les artistes, plusieurs Français ont laissé leur empreinte, tels que Blek le Rat, qui a récemment exposé ses œuvres dans une partie protégée du tunnel. De plus, il n'est pas rare de voir des drapeaux bleu-blanc-rouge ou d'autres symboles affichés sur les murs, témoignant ainsi d'une entente artistique à l'échelle internationale.