Cette exposition est tout simplement fascinante. Fascinante de par les secrets culturels millénaires qu'elle dévoile au public, secrets qui semblent éternels, tout en nous avertissant de leur fragilité grandissante face au réchauffement climatique.
En parcourant les couloirs de l'exposition Arctic: culture and climate au British Museum, les visiteurs découvrent un nombre incroyable de traditions, d'objets, et de noms. On apprend ce qu'est du muktuk. On admire les costumes traditionnels du peuple du nord de la Scandinavie, les Sámi. On s'interroge face à l'épaisseur du manteau d'hiver des Nenets, confectionné à partir de peau de caribou de fin d'automne, quand elle est la plus isolante. Mais comment peuvent-ils bien se déplacer avec ce vêtement qui paraît si lourd ? On est étonné de la quantité d'objets que les peuples de l'Arctique peuvent fabriquer à partir d'un simple caribou. Un tambour, un pantalon, une ligne de pêche, des mitaines, ...et je vous épargne les dizaines d'autres items que comporte la liste, de peur que vous ne me croyiez pas. Vous irez voir par vous-mêmes. On sourit face à la version Inupiat, peuple du nord de l'Alaska, du réfrigérateur, stockant les morceaux de baleine. On est impressionné par l'ingéniosité des chasseurs de l'Arctique, ayant inventé des techniques imparables afin de se rapprocher d'une proie, sans qu'elle détecte leur présence. On se demande ce que donnerait le meilleur sportif français au WEIO, World Eskimo-Indian Olympics, concourant à l'épreuve phare du One-foot-high-Kick. On se pose encore de nombreuses questions, mais ce serait idiot de vous révéler toutes les surprises qui vous attendent au British Museum.
Les peuples de l'Arctique sont particulièrement inspirants dans leur façon de respecter les animaux. Quel fossé éthique entre ces populations qui ont la tradition de ne gâcher aucune partie de l'animal une fois tué, et notre façon de consommer de la viande de manière complètement irraisonnée, excessive, en ne portant aucune attention à la manière dont l'animal a été abattu. Les parties de l'animal n'étant pas utilisées pour se nourrir, se vêtir, pour répondre à des besoins primaires en général, servent à nourrir la créativité des habitants de l'Arctique. Ils confectionnent à partir de celles-ci des objets d'art, et des objets pratiques afin de faciliter leur vie quotidienne. Les animaux sont honorés au cours de différentes cérémonies spirituelles, pendant lesquelles les peuples originaires du territoire le plus au nord du globe, peuvent leur exprimer leur reconnaissance. L'artiste Simon Tookoome, originaire de la région du Nunavut au Canada, a vécu la période de famine en Arctique dans les années 1950, quand les caribous avaient disparu. Il écrit : "Beaucoup d'entre nous sont morts de faim. Ma famille survivait grâce à la pêche. Je suis sorti de l'igloo, je me suis agenouillé et j'ai prié… Puis cinq caribous en bonne santé sont apparus sur la glace et j'ai pu les tuer facilement. J'étais tellement reconnaissant, que j'ai serré leurs sabots comme un signe de gratitude car ils s'étaient sacrifiés afin que je puisse me nourrir. J'ai fait fondre de la glace dans ma bouche et leur ait donné à chacun à boire. C'est la façon traditionnelle de les remercier."
On découvre tous ces incroyables savoirs et traditions, mais aussi à quel point ils sont connectés au climat. Les façons de se loger, de s'habiller, les activités quotidiennes, et les cérémonies spirituelles varient selon les saisons. La pêche, la chasse ou l'élevage ne peuvent pas être pratiqués à n'importe quel moment de l'année. Des conditions climatiques particulières sont requises. Or, ces dernières sont de plus en plus perturbées par les bouleversements climatiques actuels. L'Arctique se réchauffe deux fois plus vite que dans n'importe quel territoire du monde. Les huit millions de personnes vivant dans les huit nations arctiques, dont 400 000 autochtones, ont déjà eu à s'adapter à des variations climatiques durant leurs 30 000 années de vie sur ces territoires. Mais jamais le climat n'a évolué de manière si brutale et si rapide. Ces peuples n'ont tout simplement pas le temps de s'armer pour y faire face. Les techniques de conservation de nourriture, d'alimentation, de logement, élaborées et perfectionnées sur des milliers d'années, n'ont pas le temps d'être modifiées afin de résister aux nouvelles conditions climatiques. Les dieux du climat honorés pendant les cérémonies traditionnelles en Arctique, se révèlent impuissants face aux dégâts environnementaux causés par les dieux de la déforestation, des énergies fossiles, des industries polluantes, de la surconsommation d'électricité, de charbon, de plastique, de transports, des forages pétroliers, de l'élevage intensif, et bien d'autres, vénérés par nous tous.
Alors éduquons-nous ! Apprenons, grâce à des expositions comme celle-ci, quel impact à notre comportement de consommateur sur les conditions de vie des Sámi, des Nenets, des Yupiit et des Inupiat, qui nous semblent pourtant si éloignées des nôtres. Cette exposition nous apprend au contraire qu'elles ne le sont pas tant, et que nous avons ce devoir quotidien de consommer d'une façon qui ne menace pas la survie des populations de l'Arctique, et de leurs traditions ancestrales. Pas de panique : nous en avons le pouvoir.
Exposition Arctic: culture and climate jusqu'au 21 février 2021 au British museum.
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