C’est une des solutions les plus prometteuses pour lutter contre le Covid-19 : la recherche et le développement d’un vaccin fait figure de priorité pour de nombreux Etats à travers le monde, qui se livrent à une véritable « course au remède ».
Les laboratoires français Sanofi et britannique GSK ont trouvé un accord avec le gouvernement du Royaume-Uni afin de leur délivrer 60 millions de doses de leur potentiel vaccin contre le Covid-19. Un accord conclu « sous réserve de la signature d’un contrat définitif » comme précisé par les deux laboratoires, qui affirment que leur vaccin pourrait être diffusé à partir du premier semestre de l’année 2021. Un accord ambitieux et qui est loin d’être isolé pour le Royaume-Uni, qui a déjà sécurisé des stocks de vaccins chez trois autres groupes pharmaceutiques : AstraZeneca, Valneva et BioNTech/Pfizer. C’est en tout pas moins de 250 millions de doses de potentiels futurs vaccins qui ont été négociées par l’Etat britannique !
Une stratégie prévisionnelle essentielle pour le gouvernement Johnson, pour qui il est « important d’accéder rapidement à un large éventail de candidats vaccins prometteurs », comme l’a confirmé Alok Sharma, Secrétaire d’Etat aux Affaires, à l’Energie et à la Stratégie industrielle. Et ce, malgré le fait qu’il « n’y ait aucune garantie » que ces vaccins se révèlent un jour efficaces. Cette course effrénée aux vaccins donne lieu à une véritable guerre entre les Etats, tant sur le plan scientifique que financier. Les Etats-Unis ont par exemple passé une commande initiale de presque 2 milliards de dollars afin de sécuriser 100 millions de doses dans un premier temps, puis 500 millions de doses par la suite ! Des chiffres hallucinants qui révèlent toute l’ampleur que prend cette compétition planétaire pour l’accumulation de potentiels vaccins.
Où en est la recherche d’un remède contre le Covid-19 ?
Dans son dernier rapport en date, publié le 24 juillet, l’Organisation Mondiale de la Santé faisait état de 25 « candidats vaccins » soumis à des essais cliniques sur l’homme dans plusieurs pays. Ces essais en sont à une phase avancée de tests et se sont avérés particulièrement prometteurs. Plus généralement, on dénombre en tout pas moins de 139 projets de vaccins en phase d’élaboration. Mais sur l’ensemble de ces projets, à l’heure actuelle seuls quatre ont atteint la phase 3, c’est-à-dire la phase la plus avancée du projet, celle du test à grande échelle. On peut citer par exemple le vaccin de la compagnie américaine Moderna, testé depuis ce lundi sur plus de 30 000 volontaires. Le vaccin chinois Sinopharm qui est testé aux Emirats arabes unis sur 15 000 volontaires, tout comme celui du laboratoire Sinovac, également chinois, qui est actuellement testé sur 9 000 personnes au Brésil. Enfin, l’un des projets les plus prometteurs provient de l’université d’Oxford, dont les tests sont en train d’être réalisés au Royaume-Uni et en Afrique du Sud !
Les résultats préliminaires de ce dernier vaccin, développé en partenariat avec la société AstraZeneca, sont assez encourageants. Le vaccin provoque une forte réponse immunitaire lorsqu’il est administré, d’autant plus qu’il est généralement bien toléré par les patients. Cependant, il est encore trop tôt pour crier victoire. D’une part, on ne sait pas encore si l’immunité générée par le vaccin empêche l’infection des patients par le virus. D’autre part, certaines recherches préliminaires semblent suggérer que cette immunité développée suite à l’inoculation du Covid-19 disparaisse au bout de quelques mois, rendant la perspective d’une solution de long-terme pour le moins abstraite. Dans ces conditions, le facteur clé de la production d’un vaccin efficace et sans danger est le temps. C’est la condition sine qua non pour que le cahier des charges soit respecté en termes de sécurité. Or, dans un contexte d’urgence sanitaire, de nombreuses recherches sont menées plus vite qu’elles ne devraient l’être.
« Au-delà de la vitesse de la lumière » : de l’espionnage à la course aux vaccins
« Warp Speed » : c’est le nom du programme mis en place par les Etats-Unis de Donald Trump afin d’accélérer la recherche et le développement d’un vaccin contre le coronavirus, sur le sol américain et destiné en priorité à la population américaine. Le gouvernement n’a pas hésité à investir des milliards de dollars dans ce projet, qui a donné naissance au projet Moderna, dont le candidat vaccin fait actuellement partie des 4 projets ayant atteint la phase 3.
En réalité, cette course au vaccin prend des allures de véritable compétition internationale. Le cas de la Russie est particulièrement significatif à cet égard, Moscou souhaitant devenir la première puissance à commercialiser un vaccin contre le Covid-19. Le vaccin russe, développé en très peu de temps, est prévu pour être disponible à partir du 10 août ! Moscou a comparé la production de ce vaccin éclair à un « moment Spoutnik », en référence au premier satellite lancé dans l’espace, le 4 octobre 1957, par l’Union Soviétique. Une comparaison aussi symbolique qu’inappropriée. Car au regard des délais incroyablement courts déterminés par l’administration de Vladimir Poutine, couplés aux nombreuses accusations d’espionnage et de cyber espionnage russe au Royaume-Uni, au Canada et aux Etats-Unis ; on est en droit de douter de la fiabilité d’un tel remède, sauf miracle de la part des scientifiques russes.
Quand peut-on espérer la diffusion à grande échelle d’un vaccin, et dans quelles conditions ?
Car le problème central de la conception et de la diffusion d’un vaccin gravite toujours autour de la temporalité de ce projet. Il faut en moyenne 18 mois pour mettre au point un vaccin fiable. Cependant, de part le contexte de crise, il y a fort à parier que ces délais seront raccourcis au maximum. Pour l’infectiologue Odile Launay, directrice du centre d’investigation clinique à Paris, nous pourrons au mieux disposer d’un vaccin à partir de septembre 2021.
Toutefois, même si une avancée majeure est faite dans le domaine et qu’un vaccin est finalement généralisé, la question de sa diffusion et de l’échelle de sa commercialisation se pose. L’opinion des Nations Unies à cet égard est claire, puisque pour son secrétaire général, Antonio Guerres « un vaccin contre le Covid-19 doit être vu comme un bien public mondial, un vaccin pour les peuples ». Toutefois, la stratégie d’accumulation de stocks de candidats vaccins des acteurs internationaux ne laisse pas présager d’une entente commune. Pour rappel, Sanofi avait d’ailleurs fait polémique en déclarant mi-mai que l’entreprise pourrait réserver aux Etats-Unis la primeur de son vaccin. Le projet américain Warp Speed est d’ailleurs destiné à servir en priorité les citoyens américains. De plus, les accords bilatéraux comme évoqués au début de cet article se multiplient en Europe, notamment avec la France et l’Allemagne qui se sont alignés sur la politique d’accumulation britannique. Et ce malgré les déclarations d’Emmanuel Macron, qui avait soutenu le président chinois Xi Jinping lors de son plaidoyer pour un vaccin libre d’accès à tous les peuples.
Finalement, si la recherche d’un virus s’internationalise de plus en plus, elle fait également l’objet d’une concurrence accrue, aux conséquences parfois hasardeuses comme peut le suggérer le cas de la Russie. Si le temps est un enjeu clef de voûte dans le développement d’une solution efficace et durable au Covid-19, c’est précisément la donnée qui manque le plus à l’heure d’une hypothétique seconde vague en Europe. Si la recherche fait tout son possible, et les progrès européens en la matière sont sans le moindre doute source d’espoir pour bon nombre d’entre nous, la question de la diffusion et de l’accessibilité pour tous à ce remède reste d’une importance cardinale, au cœur d’une compétition internationale pharmaceutique d’une ampleur jusqu’alors inégalée.
Pour ne rien perdre de l'actu londonienne, abonnez-vous à notre newsletter en deux clics !