Si vous avez le virus… de la curiosité, il est temps pour vous de découvrir la fabuleuse histoire du cristal et celle d'une région où l'art verrier s'est développé comme nul par ailleurs : la Lorraine.
Il est important de reproduire le récit bien connu, mais si contestable, de Pline sur la façon dont fut découverte la fabrication du cristal. L’auteur et naturaliste romain raconte que des marchands de nitre, arrêtés en Phénicie, sur les bords du fleuve Belen, pour y faire leur cuisine et manquant de pierres, se servirent de morceaux de nitre ; ceux-ci, sous l'action du feu, fondirent et en se mélangeant avec du sable, donnèrent du verre grossier.
L’historien romain Tacite présente le fait d'une manière plus simple et surtout plus croyable : il dit que l'on trouve sur les bords du Belen du sable, qui, mélangé avec du nitre, donne du verre. Son homologue juif Josèphe prétend que des enfants d'Israël ayant mis le feu à une forêt, l'incendie fut si grand et la température si élevée qu'il fondit le nitre et le sable et qu'on vit couler le verre le long des montagnes.
Alors, à qui attribuer la découverte du verre ?
Il est donc difficile de savoir à quel peuple attribuer la gloire de cette découverte. Ce qu'il y a de certain, par contre, c'est bien à la haute antiquité que remonte la fabrication du verre. En France, une région en a fait sa spécialité : la Lorraine. Riche d'immenses forêts nécessaires à l'alimentation des fours gourmands en combustible, on atteste la création des premières verreries au XVe siècle.
Le métier de verrier n'était pas grandement différent de ce qu'il est aujourd'hui. Les outils n'ont presque pas changé à l'instar de la mailloche, ustensile de bois permettant de donner forme au verre en fusion.
Par contre, la production était d'une tout autre qualité. Le verre était de couleur verdâtre, appelé « verre de forêt » du fait de sa composition et de nombreux problèmes de fusion. Il était impératif d'atteindre un niveau de fusion optimal afin d'avoir un verre de qualité, critère difficilement atteignable avec une alimentation en bois.
Parlons du bois justement, et des forêts…
Nos verriers lorrains en ont grandement profité, et à moindre coût, c'est peu dire. En 1448, Jean de Calabre, alors gouverneur de Lorraine, octroie aux verriers le statut de gentilshommes verriers. Cette décision stratégique avait pour but de favoriser le développement de l'industrie verrière en Lorraine. Ainsi, les verriers pouvaient défricher les forêts à leur guise et à titre gratuit. C'était très mal vu par la population qui s'insurgeait contre ces « bouches à feu », laissant des terrains complètement asséchés. Au Moyen Age, les verriers étaient nomades : ils voyageaient au gré des ressources. Ainsi, ils établissaient leur campement pour une durée de 6 à 12 mois, puis, une fois la ressource en bois épuisée, ce dernier étant trop coûteux à transporter, ils déménageaient dans une nouvelle forêt.
Où se trouvent les plus grandes cristalleries ?
Aujourd'hui, c'est en Lorraine que nous retrouvons les plus grandes cristalleries, à l'instar de Baccarat, Daum, Lalique, Saint-Louis, mais également de jeunes créateurs qui travaillent en étroite collaboration avec des verriers locaux, mais également internationaux.
L'un d'eux s'est spécialisé dans le bracelet, porte-drapeau de l'art verrier : Michaël Vessière. On y retrouve des collections tout public. Les créateurs travaillent le sablage de leurs cristaux, une spécialité, mais également le verre au chalumeau, une technique créative sans limite : la dernière collection de bracelet « Cocktails » est étonnante de réalisme. Cette passion pour l'art verrier leur vient tout droit de leur histoire.
Vessière : une tradition familiale depuis 1882
Justin Vessière était un graveur émérite aux côtés du grand Maître Simon de Baccarat, célèbre pour sa paire de vase présentée à l'Exposition universelle de Paris en 1967 et récompensé d'une médaille ! Ces deux vases d'un rouge rubis sont gravés à la roue. Allégorie de l'eau et de la terre, cet exploit de gravure a fait sa renommé mondiale.
Après avoir fait le tour du monde en présentant leurs créations, Justin Vessière et son frère s'installèrent à Nancy, capitale de l'Est. Nous sommes en 1901, quelques années après l’annexion de l'Alsace-Lorraine qui a permis à Nancy d’accueillir une main d'œuvre qualifiée et des capitaux en grand nombre. Une chance ! C'est ainsi que la célèbre manufacture Daum est issue des « optants » comme on les appelle. Justin Vessière se fournissait en blanc directement chez Daum Nancy, et effectuait les décors à chaud et à froid dans son atelier. La production de vases, coupes, verreries de table, sous les rivages de l'Art nouveau, a rencontré un vif succès. Le chef de file de ce mouvement n'était autre que le grand Émile Gallé, un verrier légendaire, mais également scientifique, membre de la société des horticulteurs et botanistes de Nancy.
Un déménagement à Baccarat, la cité du cristal
Suite au succès grandissant de la verrerie d'art en Lorraine, les frères Vessière migrent à Baccarat, la cité du cristal. En 1910, ils ouvrent le premier dépôt des cristaux, l'unique point de vente pour acquérir le célèbre cristal de Baccarat, le cristal des rois. À cette époque, la ville de Baccarat est un point de repère des plus grands collectionneurs au monde. Peu à peu, la cité se développe et le nombre de cristalleries augmente en flèche. On y découvre le cristal Baccarat, mais également celui des petits artisans locaux.
Au fil des années, Vessière Cristaux s'imposera comme une référence. La quatrième génération s'agrandit en offrant le cristal Daum, Lalique et Swarovski à ses clients. En 2020, la marque Saint-Louis rejoint l'aventure. Aujourd’hui, c'est plus de 3 000 références qui sont proposées en ligne, offrant un véritable tour du monde du cristal : de la France à la Bohême, en passant par le verre de la Sérénissime.
Pour en savoir plus sur la ville de Baccarat, découvrez notre article rédigé par LePetitJournal.com de New York.