Cinq mois à peine après son arrivée à Downing Street, Keir Starmer tente un coup de poker. Le Premier ministre travailliste a présenté ce jeudi un ambitieux “plan pour le changement”, espérant redonner de l’élan à un gouvernement embourbé dans les polémiques. Sa mission ? Convaincre des Britanniques de plus en plus sceptiques que le Labour est capable de tenir ses promesses.
Six priorités pour redonner espoir
Keir Starmer a choisi les mythiques studios de Pinewood, célèbres pour les tournages des James Bond, pour présenter “son plan pour le changement”. L’objectif est clair : s’attaquer aux défis quotidiens des Britanniques avec six mesures phares.
Parmi elles, la construction de 1,5 million de logements d’ici 2030, le recrutement de 13 000 policiers pour renforcer la sécurité de proximité, et la réduction des délais d’attente dans le système de santé public (NHS) à moins de 18 semaines pour 92 % des patients.
Starmer a aussi promis une électricité décarbonée à 95 % d’ici six ans et un relèvement durable du niveau de vie à travers le pays.
Ce plan est le plus ambitieux et honnête depuis une génération
Des mots forts, mais qui laissent certains sceptiques. Pour beaucoup, ces promesses, bien que chiffrées, ressemblent à des paris risqués face à la réalité d’un Royaume-Uni en crise.
NHS, logement, sécurité : des chantiers colossaux
Avec des hôpitaux débordés et des temps d’attente interminables, le NHS est au bord du gouffre. Starmer veut inverser la tendance en revenant à des délais d’attente de 18 semaines, une ambition qui rappelle les promesses de Tony Blair en 2004 mais qui, depuis 2016, n’ont plus été tenues. Les responsables du NHS appellent à une “dose de réalisme”, soulignant que le financement et les ressources humaines manquent cruellement.
Sur le logement, Starmer promet de résoudre une crise qui dure depuis des décennies avec 1,5 million de nouvelles habitations. Mais les obstacles sont nombreux, qu’il s’agisse de financements ou d’infrastructures. Quant à la sécurité, l’idée de 13 000 policiers supplémentaires est bien accueillie, mais son coût soulève des questions, surtout dans un contexte budgétaire serré.
Polémiques et faux pas : un mandat déjà sous pression
Keir Starmer arrive à ce tournant après un début de mandat chaotique. Polémiques sur des cadeaux reçus par des ministres, démissions dans son équipe et réformes impopulaires ont marqué ses cinq premiers mois à Downing Street. La suppression des aides énergétiques pour 11 millions de retraités et les hausses d’impôts massives ont particulièrement terni son image, suscitant colère et frustration chez une grande partie de l’électorat.
Un sondage Ipsos publié cette semaine montre que 53 % des Britanniques sont déçus de l’action du gouvernement. Cette désillusion place Starmer dans une position délicate : il doit montrer rapidement des résultats concrets pour éviter que son mandat ne s’enlise davantage.
Un pari politique pour redorer l’image du Labour
Avec ce plan, Keir Starmer joue gros. Fixer des objectifs chiffrés lui permet de clarifier sa vision, mais le place aussi sous la menace d’échecs très visibles. Cette approche rappelle les slogans ambitieux de ses prédécesseurs, comme le fameux "Get Brexit Done" de Boris Johnson, ou les "5 priorités clés" de Rishi Sunak, souvent perçues comme des promesses non tenues. Le choix de Starmer de ne pas fixer d’objectifs sur des sujets sensibles, comme l’immigration, suscite également des critiques, tout comme l’assouplissement de son engagement sur la décarbonation, désormais limité à 95 % d’électricité propre au lieu des 100 % promis initialement.
Pour Starmer, ce plan pourrait être l’occasion de transformer un début de mandat hésitant en une histoire de redressement politique. Mais la tâche est immense. Le Royaume-Uni traverse une stagnation économique, des services publics en crise, et une polarisation politique grandissante. Avec les prochaines élections prévues en 2029, Starmer et le Labour doivent convaincre qu’ils peuvent agir efficacement sur le long terme. Ce plan est-il un tournant pour le pays, ou un simple artifice politique ? Les Britanniques attendent des résultats, et le temps presse pour Keir Starmer.