Pour vacciner plus de monde plus rapidement et atteindre les objectifs fixés par Boris Johnson afin de mettre fin au troisième confinement en Angleterre, les autorités sanitaires britanniques privilégient la première dose du vaccin contre le Covid-19 et décalent dans le temps la deuxième.
Une mesure à contre-courant. Depuis plus d’une semaine, le pari du gouvernement britannique de retarder la deuxième injection du vaccin contre le Covid-19 afin de maximiser le nombre de personnes recevant la première dose fait couler beaucoup d’encre. Les médecins en chef du Royaume-Uni ont défendu cette décision dans une lettre publique adressée au personnel médical le 30 décembre dernier.
Les autorités estiment que ce changement de stratégie constitue “un équilibre entre risques et avantages”. Le gouvernement souhaite que le plus grand nombre de personnes puissent être protégées contre le coronavirus tout en palliant les potentiels problèmes de disponibilité du sésame. La deuxième injection optimise la durabilité contre la maladie tandis que la première procure une efficacité immédiate.
Ce positionnement s’appuie aussi sur un examen des données scientifiques par le Comité mixte sur la vaccination et l’immunisation (JCVI), qui conseille les services de santé britanniques. L’institution a publié une déclaration le 31 décembre dernier en formulant la conclusion ci-après : “étant donné le niveau élevé de protection offert par la première dose, les modèles suggèrent que vacciner initialement un plus grand nombre de personnes avec une seule dose évitera plus de décès et d'hospitalisations que de vacciner un plus petit nombre de personnes avec deux doses”.
Une décision dont les preuves scientifiques ne font pas l’unanimité
Toutefois, les réactions se sont multipliées au sein de la sphère scientifique ces derniers jours. L’Organisation mondiale de la santé (OMS) a expliqué que l’injection de la deuxième dose pouvait être retardée “dans des circonstances exceptionnelles de contextes épidémiologiques et de contraintes d'approvisionnement", mais délimite un délai de 6 semaines à ne pas dépasser. Le Royaume-Uni propose quant à lui un intervalle de 12 semaines.
Le laboratoire allemand BioNTech critique même ouvertement cette décision estimant que “l’efficacité et la sécurité du vaccin n’ont pas été évaluées pour d’autres calendriers de dosage”. La société AstraZeneca et l’université d’Oxford, ayant fabriqué le deuxième vaccin utilisé au Royaume-Uni, ne semblent pour l’instant pas avoir publiquement commenté cette mesure.
Le British Medical Journal (BMJ), l’une des revues médicales les plus lues au monde, a quant à lui publié le mercredi 6 janvier un article intitulé : “Vaccination Covid-19: quelles sont les preuves de l'allongement de l'intervalle de dosage ?”. Ce document nous apprend notamment que dans le cadre des recherches pour le vaccin Oxford/AstraZeneca des essais avaient été réalisés avec un intervalle plus long entre les deux injections, de 9 à 12 semaines. Dans ces cas-là, la réponse immunitaire des patients était plus élevée, mais le nombre de participants avait été jugé trop faible pour appuyer ces données.
Le professeur Stephen Evans, expert en pharmaco épidémiologie à la London School of Hygiene and Tropical Medicine, explique aussi dans la revue : “Lorsque les ressources en doses et en nombre de personnes à vacciner sont limitées, la vaccination d'un plus grand nombre de personnes avec potentiellement moins d'efficacité est manifestement meilleure qu'une plus grande efficacité auprès de la moitié seulement”.
Pour bien résumer, l’efficacité de la protection contre le Covid-19 dès la première dose du vaccin est avérée. Mais dans le cadre de l’utilisation des produits Pfizer/BioNTech et Oxford/AstraZeneca les informations viennent à manquer quant aux effets en cas de retard entre les deux injections. Le gouvernement entérine donc bien une stratégie entre “entre risques et avantages” pour mettre fin au plus vite à la pandémie de coronavirus. D’autres pays ne manquent pas d’étudier à leur tour pareille approche. Malheureusement, seul le temps nous permettra de savoir si les blessures ont pu être pansées. À suivre.
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