Marion Aubert est la cofondatrice de WeeFin, à la tête d’un réseau de plus de 40 client, représentant 6 900 milliards d’euros d’actifs. Elle est aussi l’une des voix féminines fortes d’un secteur encore largement masculinisé. Reconnue par Forbes dans les 30 Under 30, elle partage un parcours marqué par l’ambition et l’humain : “Pouvoir représenter des femmes qui entreprennent dans la finance et la tech est super important ; il faut montrer que ça existe, que c'est possible.”


Parlez-nous de vous, qu’est-ce qui vous a poussé vers l’entrepreneuriat ?
J’ai rejoint WeeFin en 2018, après des études en Australie où j’ai découvert l’entrepreneuriat à impact. En rentrant en France, je cherchais un projet avec de vraies convictions et j’ai rencontré Grégoire, mon futur associé. J’ai commencé en alternance, nous n’étions que trois, puis je suis devenue cofondatrice en 2020.
Ce qui m’attire dans l’entrepreneuriat, c'est de partir de zéro. J’aime arriver, avoir une feuille blanche et me dire : “Ok, que fait-on maintenant ?”. On ne retrouve pas ça dans un grand groupe. J’aime aussi l’agilité que cela demande : tester, se remettre en question, apprendre sans cesse. Quand nous avons lancé WeeFin, par exemple, l’IA était encore anecdotique ; aujourd’hui, c’est une branche entière de notre activité. Cette curiosité permanente me motive car on ne s’ennuie jamais.

Quel a été le déclic pour fonder la startup ?
WeeFin est né de l’expérience de Grégoire, mon cofondateur, lorsqu’il travaillait chez BNP. Il voyait bien que les institutions financières étaient perdues sur les questions de durabilité : réglementations complexes, données difficiles à exploiter, et aucun outil adapté pour mesurer ou piloter leur impact. C’est ce constat qui a donné le positionnement de WeeFin.
De mon côté, ce qui m’attirait vraiment, c’était la partie technologique. Je suis rapidement devenue responsable de la plateforme. Je n’avais ni formation en finance ni background technique, donc j’ai dû apprendre énormément, m’appuyer sur les réseaux, aller rencontrer d’autres entrepreneurs. Cette curiosité et cette énergie nous ont permis de développer notre produit, de le lancer, et de convaincre des clients. La preuve : nous avons réalisé une levée de fonds de 25 millions d’euros pour accélérer.
La fintech, kesako ?
La fintech, contraction de financial technology, c’est tout simplement l’utilisation de la technologie pour améliorer ou inventer de nouveaux services financiers. L’idée est de rendre ces services plus simples, plus rapides et souvent moins chers que les méthodes classiques. D’ailleurs, la fintech recouvre beaucoup d’éléments : le paiement avec son téléphone, les applis de banque en ligne, les plateformes d’investissement, ou encore les outils liés à la blockchain comme les cryptomonnaies. Bref, elle touche tout ce qui change la façon dont on gère notre argent au quotidien.
Justement, pourquoi se positionner sur la finance durable ?
Au début, nous accompagnions surtout les acteurs afin qu’ils comprennent mieux les réglementations et les données liées à la durabilité. C’est un sujet tellement complexe qu’il y avait une grosse phase de pédagogie. Ensuite, nous avons pu transformer ça en solution technologique.
Avec notre plateforme, nous voulons avant tout faciliter la collaboration entre les équipes, car la durabilité concerne tout le monde. Jusqu’ici, beaucoup utilisaient encore des fichiers Excel dispersés, sans vraie traçabilité, ce qui n’était plus viable. Dans un contexte marqué par les accusations de greenwashing, les acteurs financiers doivent pouvoir mesurer leurs engagements, prouver leurs trajectoires, par exemple vers le net zéro en 2050. Il faut pouvoir expliquer clairement ses résultats et c’est exactement ce que nous leur permettons de faire.
Comment vous êtes-vous retrouvée à Londres ?
Pour nous, c’était clairement le moment idéal pour s’implanter et saisir l’opportunité.”
Après cette levée, nous voulions devenir la référence de fintech durable à l’échelle européenne. Le meilleur hub financier est Londres, donc nous avons décidé d’y ouvrir une filiale. Je suis partie, et c’était un moment clé car j’adore l’Angleterre, j’y ai de la famille, et le défi était énorme. Nous n’étions pas connus, il fallait créer une équipe, se faire un nom. J’ai tout de suite perçu que le secteur financier est en ébullition permanente. Être sur place, c’est aussi entrer en contact direct avec des investisseurs venus des pays nordiques, des Pays-Bas, d’Allemagne car Londres est un carrefour pour la finance, particulièrement pour la finance durable.
Le timing était parfait : le Royaume-Uni a adopté de nouvelles réglementations, comme la Sustainable Disclosure Regulation (SDR), et les acteurs financiers doivent désormais industrialiser leurs processus et mieux gérer leurs données de durabilité. Pour nous, c’était clairement le moment idéal pour s’implanter et saisir l’opportunité.

À quoi ressemble une journée type pour Marion Aubert ?
Ce que je constate, c’est que ce qui fonctionne le mieux, ce sont toujours les liens humains.”
S’il en existe une ! Les journées sont très variées, mais l'essentiel est de rester en contact permanent avec les clients. Je passe énormément de temps à rencontrer des acteurs du marché, à prendre des cafés avec eux, à discuter avec des prospects ou des partenaires potentiels. Il s’agit, pour moi, de la partie la plus importante, dans une époque extrêmement digitalisée, où nous pensons que tout peut être automatisé par l’intelligence artificielle. Ce que je constate, c’est que ce qui fonctionne le mieux, ce sont toujours les liens humains.
Donc de nombreux rendez-vous avec des clients, des prospects et aussi des partenaires. À Londres, il existe énormément de solutions destinées aux acteurs financiers, et nous collaborons avec beaucoup d’entre elles. Nous travaillons étroitement avec les fournisseurs de données du marché. Enfin, une autre dimension importante de mon quotidien, c’est le recrutement, car l’équipe est en pleine croissance !
Combien avez-vous d’équipiers à Londres ?
Nous sommes huit aujourd’hui à Londres. J’ai recruté sept personnes en moins d’un an, et nous continuons à grandir. Nous avons d’ailleurs encore des postes ouverts, notamment sur des fonctions commerciales (sales, pre-sales) et sur des rôles d’accompagnement client !
Quelques chiffres pour comprendre l’évolution de WeeFin :
- En moins de 2 ans, revenus récurrents annuels multipliés par 5
- En moins de 2 ans toujours : de 0% à 30% du chiffre d’affaires réalisé à l’international
- Plus de 40 clients gérant 6 900 milliards d’euros d’actifs (nombre multiplié par 10 depuis 2023)
Vous avez également été classée dans le Forbes 30 under 30. Qu’est-ce que cette reconnaissance a changé pour vous ?
Il s’agit d’une très belle reconnaissance, surtout pour moi en tant que femme entrepreneure. Il y a encore trop peu de femmes dans ce domaine : j’ai lu récemment une étude sur les FinTech et les néo banques qui montrait que, même dans ces secteurs innovants, les femmes représentent moins de 30 % des effectifs. Pouvoir représenter des femmes qui entreprennent dans ces domaines est très important : il faut montrer que ça existe, que c’est possible.
Personnellement, je trouve ça aussi très motivant, car ce classement regroupe des profils très diversifiés : il y a quelqu’un qui a créé une solution pour aider les femmes pendant la ménopause, Léna Situations, Léon Marchand… C’est extrêmement varié, et ça montre qu’il y a plein de personnes qui font bouger les choses en France. Il s’agit aussi d’un réseau précieux car nous avons accès à tous les autres Forbes 30 under 30, y compris ceux des promotions précédentes. Certains sont déjà passés par des étapes comme l’implantation au Royaume-Uni, pouvoir échanger avec eux est très utile pour un entrepreneur…

Vous avez remporté le Trophée Entrepreneur des Trophées des Français du Royaume-Uni, remis par EDHEC Business School. Qu’est-ce que cela représente pour vous ?
C’est aussi une très belle reconnaissance, d’autant plus que tout est arrivé rapidement : nous avons lancé notre activité en Angleterre il y a environ un an seulement. J’en suis ravie. Et puis, dans le secteur de la finance à Londres, il y a beaucoup de Français. Il s’agit d’une belle visibilité pour WeeFin, ce qui est précieux.
Il ne faut pas hésiter à aller discuter avec d’autres femmes.”
Quel message aimeriez-vous faire passer aux jeunes femmes qui hésitent à se lancer dans la tech ou la finance ?
Je dirais qu’il ne faut pas hésiter à aller discuter avec d’autres femmes. Nous oublions parfois, mais il faut oser contacter les personnes directement, par exemple sur LinkedIn. À titre personnel, quand WeeFin n’était pas encore connu, j’ai écrit à une dizaine de femmes que je ne connaissais pas. Je leur ai proposé d’aller prendre un café pour que je leur pose mes questions et toutes étaient très contentes de partager leur expérience.
Je pense que cela peut vraiment démystifier le rôle, et permettre de bénéficier de conseils concrets sur comment se lancer. Si nous arrivons à créer ce mouvement d’entraide, il y aura plus de femmes qui oseront se lancer, ce sera moins intimidant, et nous pourrons vraiment nous aider mutuellement.
Marion Aubert, lauréate du Trophée Entrepreneur (EDHEC) lors des Trophées des Français du Royaume-Uni
Marion Aubert a reçu le Trophée Entrepreneur, sponsorisé par l'EDHEC Business School, remis par Camille Van Seymortier. Lors de la cérémonie, elle explique : "Dans un contexte marqué par le greenwashing, il faut pouvoir mesurer ses engagements et expliquer clairement ses résultats. C’est exactement ce que nous permettons aux entreprises." Ravie de cette "très belle reconnaissance", elle se projette déjà à l’international : "Nous avons lancé notre activité au Royaume-Uni il y a à peine un an, et nous visons désormais les États-Unis, Singapour et l’Allemagne." Elle souligne aussi l’échange avec les autres lauréats : "Nous partageons tous cette conviction de changer les choses, dans la culture, l’éducation ou l’inclusion."
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