Qu’ont en commun des podcasts pour les enfants, un journaliste éclairé, des paysages durables, du tourisme équitable ou encore de la finance responsable ? Les Trophées des Français du Royaume-Uni bien sûr ! Découvrez les parcours incroyables des lauréats de la troisième édition des Trophées des Français du Royaume-Uni qui font rayonner la France outre-Manche. Leurs parcours ont été mis à l’honneur ce 25 septembre 2025 à l’Institut Français, en présence de Catherine Sagnelonge, Consule générale adjointe à Londres et le député Vincent Caure.


Vous êtes tous ici, à votre manière, des ambassadeurs de notre pays, que vous défendiez sa langue, sa culture ou encore son histoire. Vous êtes surtout des ponts entre la France et le Royaume-Uni, deux pays qui ont célébré il y a encore quelques mois l’anniversaire de leur entente cordiale.
Damien Bouhours, directeur éditorial associé pour lepetitjournal.com

Zakia Moulaoui Guery, Fondatrice d’Invisible Cities (Aberdeen)
Trophée Social et Humanitaire, remis par la Caisse des Français de l'étranger (CFE)
Zakia Moulaoui Guery a toujours cru que chaque personne mérite une seconde chance et parfois, un micro, un plan de ville, et un public. Originaire de Saint-Étienne, elle s’est installée à Édimbourg en 2008, avec la volonté de s’investir dans des causes humaines. Après plusieurs années à œuvrer pour des organisations internationales, dont la Coupe du Monde des sans-abris, elle fonde en 2015 Invisible Cities, une initiative solidaire hors du commun : former d’anciens sans-abris pour en faire des guides urbains dans les villes britanniques.
Depuis près de dix ans, Zakia continue de miser sur l’énergie, l’authenticité et la connaissance du terrain de ces personnes en situation de précarité, pour leur offrir une nouvelle voie professionnelle. À travers des formations rigoureuses mêlant expression orale, histoire locale et développement personnel, elle accompagne chaque participant avec bienveillance, sans jamais imposer un parcours figé. “Tous ne deviennent pas guides, mais tous ressortent avec une nouvelle perspective sur leurs compétences et leur potentiel”, précise-t-elle.
Cette Française forme des anciens sans-abris pour devenir guides urbains outre-Manche
Aujourd’hui, Invisible Cities est présent dans plusieurs grandes villes du Royaume-Uni – Édimbourg, Manchester, Glasgow, York, Cardiff et Aberdeen et continue de se développer. L’objectif : atteindre douze villes dans les prochaines années, avec des projets à l’international en ligne de mire. Un pari audacieux, mais déjà couronné de succès : récemment, l’un des guides d’Aberdeen, vivant dans la rue il y a quelques années, a même fait visiter sa ville au prince William, en personne.
Pour Zakia, il ne s’agit pas simplement de créer des circuits touristiques alternatifs. Il s’agit de redonner une voix, une dignité et un rôle actif à ceux que la société a trop longtemps ignorés. “Ils connaissent mieux la ville que quiconque. Pas parce qu’ils l’ont apprise dans les livres, mais parce qu’ils l’ont arpentée dans ses recoins les plus invisibles.” Grâce à ce projet, plus de 150 personnes ont été formées en dix ans, certaines devenant guides, d’autres retrouvant un emploi, un logement, ou une stabilité perdue. Invisible Cities défend un modèle où le tourisme devient solidaire, inclusif, et profondément humain.
Zakia en est la force motrice, transformant chaque obstacle : santé, marginalité, isolement en une reconstruction collective. “Quand on a traversé la rue, on ne voit plus la ville de la même façon. Et quand on l’a racontée à d’autres, on se l’approprie enfin.”

Pierre Antoine Denis, Journaliste et reporter à la BBC (Londres)
Prix du Public, remis par la Banque Transatlantique
À 29 ans, Pierre-Antoine Denis a bâti sa vie à Londres. Douze ans après avoir quitté Nice, juste après son bac, il est devenu une figure incontournable de la BBC, où il officie comme producteur et reporter. Son parcours l'a mené de l'université de Westminster à City University, puis à des rédactions de renom comme l'AFP et Perform Media Group, avant de poser ses valises à la BBC en 2018. “J’ai d’abord travaillé au service francophone axé sur l’Afrique et c’est ce qui m’a permis de rejoindre la chaîne d’information en continu”, c’est dans ce cadre que son expertise sur l'actualité française est particulièrement prisée. C'est en plateau ou à travers des reportages qu'il décrypte la politique d'Emmanuel Macron, tant la relation franco-britannique fascine outre-Manche.
"À la BBC la pluralité de la rédaction fait la pluralité de l'information"
Si un léger accent français persiste, Pierre Antoine en joue, conscient que c'est parfois un atout pour décrypter la France à la BBC, même s'il prendra, plus tard, des cours avec des collègues de la chaîne britannique pour "rendre mon accent moins prononcé" et ne pas être cantonné aux sujets français.
Son quotidien à la BBC démarre à 7h, plongé dans la presse britannique et les matinales. Les conférences de rédaction suivent, axées sur la réactivité à l'actualité, la couverture des événements en direct, et l'anticipation. En régie, il est "dans l'oreille" de la présentatrice, il la guide à travers les trois heures de direct, entre invités, programmes et événements.
Il apprécie la culture du travail à la BBC pour sa "fausse politesse" et sa bureaucratie, mais surtout pour sa propension à "laisser sa chance" si la personne "vaut le coup", loin de l'élitisme du diplôme français. Il souligne la valeur de la diversité au sein des équipes : "La pluralité de la rédaction fait la pluralité de l'information".
Douze ans passés à Londres, soit "presque la moitié de ma vie", l'ont conduit à obtenir la nationalité britannique l'année dernière, un "moment important" qui officialise son appartenance. Il se sent "londonien" et "britannique", même si cela lui fait "bizarre de le dire". Londres est devenue sa "maison", et un retour définitif n'est pas d'actualité. Son conseil aux aspirants expatriés est une invitation à l'audace : "tentez et allez voir ce qui est faisable", car selon lui "quitter sa zone de confort et s'immerger totalement dans un autre pays est essentiel pour grandir d'un point de vue humain.”

Romain Bardin, ingénieur paysagiste (Norfolk)
Trophée Culture et Art de Vivre, remis par Act'In Theatre
Discrètement installé entre Norfolk et Suffolk, au Royaume-Uni, Romain Bardin s’est forgé une réputation internationale dans l’architecture paysagère. Ingénieur paysagiste diplômé de l’Institut Agro d’Angers en 2013, il conçoit, depuis plus de dix ans, des projets où écologie, biodiversité et respect de l’environnement sont au cœur de chaque réalisation. “Mon but n’est pas d’imposer sa patte sur chaque projet, mais d’intégrer la nature et l’humain dans un équilibre durable”, souligne-t-il.
Romain Bardin : un ingénieur paysagiste à succès, soucieux de la biodiversité
Son parcours débute avec une première reconnaissance au Festival International des Jardins de Chaumont-sur-Loire, où il signe en 2014 un jardin qui lance sa carrière. Rapidement, il choisit le Royaume-Uni, où le rôle des paysagistes est très important au sein des espaces urbains et naturels. C’est dans ce contexte qu’il affine sa pratique entre conception et construction, multipliant les projets : des jardins privés haut de gamme à des domaines de 60 hectares.
La biodiversité est au cœur de chacun de ses projets. Lors de stages à Durham, il explore les Green Burial Grounds, cimetières écologiques, où la nature reprend ses droits. Plus tard, il collabore avec Green Fingers Charity pour concevoir un jardin boisé et accessible au sein d’un hospice pour enfants. “Un projet qui allie esthétique, moralité et expérience émotionnelle”, selon lui, révélant son attachement à des créations à impact social autant qu’environnemental.
Lauréat des mythiques Forbes “30 under 30” en 2018 et 2021, il s’est imposé comme une figure montante du landscaping. Membre agréé du Landscape Institute (CMLI), Chartered Environmentalist (CEnv) et Chartered Horticulturist (CHort), il veut incarner une nouvelle génération de concepteurs engagés pour un urbanisme durable et respectueux du vivant.
Au quotidien, Romain gère plusieurs projets en parallèle. De l’esquisse au détail constructif, chaque étape de son travail intègre des contraintes législatives, les données écologiques et la dimension esthétique. “Je cherche toujours à intégrer écologie, biodiversité et respect de l’environnement dans mon travail”, affirme-t-il.
Avec des aspirations tournées vers la transmission et l’héritage paysager, Romain poursuit son engagement avec en ligne de mire, l’objectif de rejoindre la Royal Society of the Arts (FRSA) et contribuer à des projets patrimoniaux, en continuant de faire du paysage un vecteur de biodiversité, de lien social et de transformation culturelle.

Véronique Trang, Fondatrice de Telmi (Londres)
Trophée Innovation, remis par le lycée international de Londres Winston Churchill
Ayant grandi dans une famille où : "La culture familiale n’était pas orientée vers la discussion," Véronique a eu beaucoup de mal à parler en public, plus jeune. Au Royaume-Uni, on parle ici de “Shy learners”. Des enfants capables sur le plan scolaire, mais trop réservés pour organiser leurs idées et les exprimer. Une réalité qui deviendra le moteur de Telmi.
Confinée pendant le Covid, Véronique quitte Unilever pour s’occuper de sa famille. Sa fille a 5 ans et son deuxième fils naît avec une surdité partielle. Très vite, une question s’impose : comment aider son petit garçon à s’exprimer dès le plus jeune âge ? “À travers mes recherches, j’ai réalisé que la parole est un muscle : plus on la pratique dans un cadre bienveillant, plus elle devient fluide et naturelle.” Une quête qui résonne avec son histoire personnelle : Académiquement, j’étais réservée. Comme je ne parlais pas, je ne progressais pas. Lorsqu’il fallait prendre la parole devant la classe, j’avais du mal à organiser mes idées et je préférais me taire.”
Telmi : et si les enfants prenaient enfin la parole ?
Le confinement devient alors un terrain d’expérimentation familiale : “Ma fille commence à écouter des livres audio et des podcasts. Très vite, elle veut en créer.” Armée d’un simple téléphone, la fillette s’improvise conteuse : “Salut! Moi, c’est A…, j’ai 5 ans et aujourd’hui je vais vous raconter l’histoire de… I hope you enjoyed my story !” Véronique remarque alors que sa fille pense déjà à une audience : “Ce n’était pas juste un vocal pour ses parents, elle imaginait des gens qui allaient l’écouter.”
En 2022, Véronique obtient une subvention d’Innovate UK pour concevoir le prototype d’une application mobile permettant aux enfants de créer leur podcast de manière sécurisée. Parallèlement, elle échange avec des centaines d’orthophonistes, parents et enfants aux États-Unis, en France et au Royaume-Uni, pour affiner l’aspect pédagogique et ludique de l’application. Début 2023, Telmi prend vie : “J’ai moi-même mis 25 ans à trouver ma voix. Mais j’ai vu avec mon fils et ma fille la force immense qu’un enfant ressent quand il découvre sa voix, prend la parole et se sent écouté.”
L’idée est donc simple : “Un enfant crée un podcast de 2-3 minutes sur un sujet donné.” La fondatrice de l’app précise : “Dans une de nos écoles pilotes dans le Kent (Bromstone Primary School), des enfants en difficulté scolaire et notamment à l’écrit ont travaillé sur le même sujet que leurs camarades, mais à l’oral. Sur le thème de l’Amazonie, ils ont préparé leurs idées, écrit des mots-clés, puis enregistré un podcast en s’interviewant.” Et si le directeur adjoint confie qu’il entendit leurs voix pour la première fois ; ces enfants silencieux, ou en difficulté, ont pu montrer leurs connaissances. L’écrit n’a pas été supprimé, mais renforcé. D’ailleurs, 75 % des enfants se sentent plus confiants après avoir créé un seul podcast.
Véronique se dit honorée d’avoir été récompensée pour le Trophée Innovation, remis par le Lycée International Winston Churchill. Jusqu’ici, Telmi n’a pas encore travaillé avec des écoles françaises : “C’est donc très émouvant pour moi que le projet soit reconnu par une école francaise des plus prestigieuses à Londres. Cela montre que notre mission, aider chaque enfant à trouver sa voix et à s’exprimer avec confiance, résonne jusque dans une institution qui incarne l’excellence académique et l’ouverture internationale. Même si je vis au Royaume-Uni depuis presque 20 ans, je reste bien sûr française! Cette reconnaissance me touche particulièrement.”

Marion Aubert, Co-fondatrice de WeeFin (Londres)
Trophée Entrepreneur, remis par EDHEC Business School
Marion Aubert est la cofondatrice de WeeFin, une fintech dédiée à la finance durable. Elle accompagne au quotidien plus de 40 clients représentant 6 900 milliards d’euros d’actifs. Perçue comme une figure féminine importante dans un domaine où les femmes sont encore peu nombreuses, elle met en avant une approche centrée sur l’humain et insiste sur l’importance d’incarner un exemple : “Pouvoir représenter des femmes qui entreprennent dans la finance et la tech est super important ; il faut montrer que ça existe, que c’est possible.”
Marion rejoint WeeFin en 2018, alors que la startup n’est encore qu’une équipe de trois personnes. En 2020, elle en devient cofondatrice et se donne pour mission de bâtir, aux côtés de son associé Grégoire Hug, une fintech capable de transformer la finance durable à l’échelle européenne. Sans formation initiale en finance, ou en technologie, elle s’immerge dans l’univers, apprend sur le terrain et s’impose rapidement comme la cheffe d’orchestre du développement produit.
Sous l’impulsion du duo fondateur, WeeFin conçoit une plateforme nouvelle en son genre. Aujourd’hui utilisée par de grands acteurs internationaux, elle permet aux institutions financières de mesurer et piloter leur performance ESG (environnementale, sociale et de gouvernance), un positionnement stratégique qui a convaincu les investisseurs et conduit à une levée de fonds de 25 millions d’euros.
Marion Aubert, voix féminine de la finance durable chez WeeFin
Depuis l’ouverture de la filiale à Londres, Marion supervise une équipe de huit personnes et coordonne le développement international. Pourtant, son constat reste le même, au cœur d’un secteur ultra-digitalisé et en proie aux avancées de l'IA: “Ce qui fonctionne le mieux, ce sont toujours les liens humains.”
Au-delà de son rôle de dirigeante, elle se distingue par sa capacité à anticiper les grandes mutations du secteur et à ce titre, son parcours l’a menée jusqu’au classement Forbes 30 Under 30, reconnaissance qui souligne son rôle de figure féminine montante dans la finance et la tech. Marion s’en sert aujourd’hui pour promouvoir l’entraide et encourager d’autres femmes à oser se lancer : “Il ne faut pas hésiter à aller discuter avec d’autres femmes. Oser poser des questions, échanger et créer des liens permet de démystifier le rôle et de se lancer avec confiance.”
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