Romain est ingénieur paysagiste installé au Royaume-Uni dans un coin niché entre Norfolk et Suffolk, où il exerce depuis plusieurs années un métier unique. Il a développé une carrière mêlant conception, construction et projets de grande envergure. Son expertise lui a valu d’être lauréat des trophées “30 under 30” de Pro Landscaper mais aussi d’être nominé au trophée des Français du Royaume-Uni dans la catégorie Culture et Art de vivre : “Je cherche toujours à intégrer écologie, biodiversité, et respect de l’environnement dans mon travail.”


Comment se nomme votre activité ?
Mon activité principale, c'est du landscape design. Il s’agit d’une branche de l'architecture paysagère. L'équivalent en France, est le paysagiste-concepteur. Je suis diplômé depuis 2013 et suis sorti de l’Institut Agro, à Angers, en tant qu'ingénieur paysagiste, donc ça va faire 12 ans que je pratique maintenant.
Parlez-nous de votre parcours
Après l’obtention de mon diplôme, je me suis mis à mon compte et j'ai créé avec une collaboratrice de mon école une association pour pouvoir participer au Festival International des Jardins de Chaumont-sur-Loire. Cela a été la première plateforme pour mettre quelque chose sur mon CV. En 2013, nous avons fait candidature, et en 2014, nous avons réalisé le jardin. De la construction au déplacement sur site, nous avons tout réalisé, aidés par notre école.

En 2014, j'ai eu ma première expérience dans une entreprise de paysages dans le sud de la France. Elle m’a permis de voir ce que je voulais faire, et ce que je ne voulais pas faire. Peu après, j'ai recontacté un maître de stage que j’avais rencontré dans mon cursus en 2012, car dans mon master, nous étions obligés de faire un stage à l’étranger. Ainsi, j'avais fait un mois avec un garden designer et un mois avec une collectivité territoriale à Dereham, en Norfolk.
Les différences entre un “paysagiste” et un “landscape designer”
La grande différence selon Romain est la législation. Celles-ci sont complètement différentes entre les deux pays, ainsi la demande pour des paysagistes en Angleterre est très souvent plus importante. En France, beaucoup de projets vont devenir une partie du domaine des architectes. D’ailleurs, la raison pour laquelle Romain s’est installé en Angleterre est qu'à l'époque, il y avait beaucoup plus d'opportunités pour des paysagistes en Grande-Bretagne qu'en France, ou le côté ‘paysage’ est nécessaire uniquement dans certains types de projets. En Angleterre, de nombreux projets nécessitent d'avoir un paysagiste dans l'équipe de conception.
Vous avez donc commencé en tant que garden designer ?
Oui, le premier stage était avec un garden designer qui était aussi conseiller municipal dans la ville d’East Dereham, en Norfolk. Ils voulaient étendre leur cimetière et m'avaient demandé d’étudier les Green Burial Grounds (cimetières écologiques, ndlr) pour les aider à re-designer une parcelle qu'ils avaient achetée.
Le deuxième stage d'un mois était avec Timothy Garden Design. Je l'ai recontacté plus tard et il m'a offert ma première opportunité professionnelle en Angleterre.
Comment décririez-vous votre activité au Royaume-Uni ?
Il y a malgré tout beaucoup de similitudes avec ce qui se fait en France, notamment sur la composition des équipes qui travaillent sur les projets. Il y a l'architecte et tous les consultants autour : landscape architect, ingénieur civil, ingénieur voirie… La structure de l'équipe reste la même. Pour les clients, comme outre-Manche ils sont soit publics, soit privés. Au départ, je faisais plus de conception de jardins pour des particuliers, haut de gamme, parfois des jardins privés à Londres, parfois des domaines complets de 60 hectares.
Votre métier unique et vos prouesses vous ont amené jusqu’à devenir lauréat des “30 under 30” de Pro Landscaper, en 2018 et 2021 ?
C'était une expérience assez unique. Une collègue m'a parrainé pour que je fasse la demande, et en 2021, j'ai sponsorisé un autre landscape architect pour qu'il participe et il a aussi gagné. L'expérience était très intéressante car souvent le monde de la conception est un peu conflictuel avec celui de la construction, donc j’étais ravi d’être nominé.

Une journée dans la peau de Romain Bardin ressemble à quoi ?
Je suis en télétravail, à 100 %. Je fais beaucoup de dessin informatique, donc je rencontre moins de clients. En moyenne, j'ai cinq projets en cours, subdivisés en phases : stages 2, 3 et 4.
-Stage 2 : sketch / concept, mettre sur papier la stratégie du paysage.
-Stage 3 : préparation du projet pour permis d'aménager ou permis de construire, en lien avec la législation et les politiques d'aménagement, qui nous donnent des contraintes et des opportunités.
-Stage 4 : détail technique pour budgétisation et construction.
Je travaille sur base de plans fournis par les architectes, de relevés topographiques, de données des arboriculteurs et écologistes, et j'ajoute ma créativité pour produire les plans soumis. Je cherche à comprendre ce que les gens veulent ou ont besoin et à le retranscrire dans le design. Le but n’est pas d’imposer sa patte, mais d’intégrer écologie, biodiversité et respect de l’environnement.
Vous avez géré des projets RIBA 1-7, de quoi s’agit-il ?
Le RIBA est un organisme professionnel regroupant principalement des architectes britanniques, mais également internationaux. Les différentes phases (stages en anglais) de projets sont définies par le Royal Institute of British Architects :
- Stage 1 : brief / faisabilité
- Stage 2 : concept
- Stage 3 : projet développé / developed design, soumis pour planning application (permis de construire ou d'aménager)
- Stage 4 : discharge of planning conditions et tender (incluant des détails techniques)
- Stage 5 : construction
Quels sont les projets dont vous êtes le plus fier ?
Certainement le projet avec Greenfingers Charity. L’équipe de Thomas Hoblyn Garden Design a conçu un jardin boisé pour un hospice destiné aux enfants. Ce jardin accessible dans la forêt, est très inclusif. C’est un projet qui allie esthétique, moralité et expérience émotionnelle. J’ai aussi participé au Chelsea Flower Show avec quelques jardins, mais le Greenfingers Charity reste le plus touchant car il implique un impact social direct.
Vous êtes d’ailleurs membre agréé du Landscape Institute (CMLI), Chartered Environmentalist (CEnv) et Chartered Horticulturist (CHort) ?
Effectivement, le CMLI est une référence incontournable, gage de compétence et de professionnalisme. Il a nécessité deux ans et demi d’études parallèles et inclut business, droit, contrats, assurances.
Le CEnv atteste de ma capacité à intégrer le développement durable dans mes projets, enfin, le CHort est une reconnaissance de mes connaissances en horticulture, botanique et thèmes liés au végétal.
Quelles sont vos aspirations pour l’avenir ?
Je travaille sur mon troisième projet pour devenir Full Member of the Society of Garden + Landscape Designers (MSGLD). J’espère aussi rejoindre la Royal Society of the Arts (FRSA) et m’impliquer dans des projets d’héritage bâti et paysager.
Vous avez reçu le Trophée Culture/Art de Vivre des trophées du Royaume-Uni. Qu’est-ce que ça vous fait ?
Ça fait plaisir. Je ne vis pas à Londres, mais entre Norfolk et Suffolk. Je n’ai pas de contact direct avec des Français, mais me dire que je suis quelque part rattaché à la France et que je ne suis pas tout seul perdu dans mon coin de Norfolk est agréable.
La catégorie Culture et Art de vivre me ravit, car mon sponsor (Act-In Theatre) crée un lien avec mon métier. Cela montre que, comme un réalisateur ou metteur en scène, le projet ne se limite pas à ce qu’on voit sur scène : tout ce qui se passe autour compte. Alors, le projet devient interactif, prend vie, et les gens peuvent expérimenter ce que l’on a créé.
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