Tandis qu'à Paris le collectif Jeudi Noir squatte depuis vendredi un immeuble proche de l'Elysée ; à Highgate, un quartier huppé du nord de Londres, 30 jeunes ont investi le 26 décembre dernier une maison estimée à 10 millions de livres. Même combat, même délit ? Non. Si en France le squat est interdit, il est en revanche légal sur le sol anglais
[crédits photo: Normandie Hoche]
Il suffit de se rendre à Highgate, dans la demeure victorienne de l'homme d'affaires Albert Abela pour s'en rendre compte : sur la porte d'entrée une note rappelle que les occupants sans titre sont dans leur bon droit. Selon la loi anglaise, quiconque s'installe dans un endroit inhabité en devient l'occupant régulier ; dès lors, impossible de déloger le nouvel arrivant : toute personne faisant intrusion dans l'espace se trouvant alors en infraction, y compris le propriétaire !
La cour, seul recours des propriétaires
"On peut par exemple découvrir à son retour de vacances qu'un intrus a pris possession de son appartement sans pouvoir, ni y pénétrer, ni recourir à la force" explique Daniel Dovar, avocat londonien spécialisé dans ce genre d'affaires. "S'il souhaite déloger les occupants, le propriétaire des lieux n'a d'autre choix que de prévenir la police ou de faire convoquer les intrus devant la Cour". Pour éviter cela, certains propriétaires confient leurs biens vacants à des individus censés occuper le terrain le temps de leur absence. "Parfois la convocation à la cour ne suffit pas à faire partir les squatteurs, explique Me Dovar, mais généralement les occupants cèdent à la visite des huissiers. Il existe aussi une procédure accélérée, l'interim possession order, qui exige des squatteurs qu'ils quittent les lieux dans les 24 heures sans quoi ils sont considérés comme criminels."
Des installations éphémères
Mais la plupart des affaires prennent toujours un peu de temps. C'est ce temps que met à
profit Jason Ruddick, un jeune letton, instigateur du squat d'Highgate pour trouver de nouveaux espaces : "Je suis venu ici parce que je n'avais pas d'argent et nulle part où aller. Depuis un an j'ai déjà habité dans une dizaine d'endroits". Pourtant les autres habitants de la maison considèrent les squats comme un mode de vie temporaire. Car on squatte rarement pour le plaisir. Beaucoup d'entre eux cherchent du travail. Témoin cette jeune française qui vient de trouver un emploi et ne souhaite pas s'éterniser dans le squat. Un autre a commencé ses études d'architecture en Roumanie et attend de collecter assez d'argent pour pouvoir rentrer chez lui. "Le problème c'est que les squatteurs sont stigmatisés et souvent tenus pour responsables de dégâts dont ils ne sont pas les auteurs. Mais il arrive aussi que des squatteurs qui ont retapé une habitation trouvent un accord avec le propriétaire pour rester dans les lieux, c'est le meilleur scénario" affirme une jeune anglaise. D'ailleurs la loi stipule que si une personne a vécu 10 ans dans un endroit et si le propriétaire est d'accord, il peut en devenir le possesseur.Vendredi dernier, les squatteurs d'Highgate ont quitté la maison d'Albert Abela à la demande des huissiers qui se sont rendus sur place. Le squat demeure légal en Angleterre mais le Ministère du logement souhaite un durcissement de la loi pour que les propriétaires soient mieux protégés...
Normandie Hoche (www.lepetitjournal.com/londres) mardi 18 janvier 2011
[crédits photo: Normandie Hoche]