La deuxième saison du podcast « Le joyeux bazar » s’apprête à démarrer. À l’origine du projet, Alexia Sena, journaliste franco-camerounaise, y aborde le sujet de la double-culture.
Son parcours est semblable à celui de millions d’autres citoyens du monde. Comme eux, Alexia Sena est le fruit de la multi-culturalité. Semblable donc, mais pourtant si singulier. Elle naît à Paris d’une union 100% camerounaise et hérite un peu plus tard de la nationalité française. De sa cinquième à sa quinzième année, elle grandit dans le pays de ses parents, puis revient dans l’Hexagone pour continuer ses études.
J’avais envie de savoir comment les autres géraient leur ''bazar''
Dans la finance pendant une dizaine d'années, elle retourne vivre une année en terre camerounaise, en 2017. Une ''ré-expatriation'' remplie d’émotions. « Beaucoup de choses se sont bousculées dans ma tête, j’avais envie de creuser ces choses, de les partager » confie Alexia. Entre temps, elle se reconvertit en rédactrice. Au Cameroun - et alors qu’elle est bien plus proche de la plume que du micro -, elle se prête au jeu de la chronique radio. « C’est ce qui a ouvert la voie à cette idée de projet sonore, sinon j’aurais plutôt écrit sur un blog ! » lance-t-elle. Au pays des lions indomptables, Alexia Sena se questionne. Beaucoup. Sur sa double-identité, sur le chemin qu’elle a emprunté, sur celui des autres. « Personnellement mon parcours a été très riche, mais aussi très compliqué par moments. J’avais envie et besoin de savoir comment les autres géraient leur ''bazar'' sourit-elle. Ainsi a vu le jour Le joyeux bazar d’Alexia, podcast consacré à la double-culture.
Je me demandais ce que j’allais pouvoir transmettre
Mais les questionnements d’Alexia ne s’arrêtent pas là. Quatre ans avant son installation au Cameroun, elle donne la vie à une petite fille. S’est alors posée la question de la transmission. « J’ai été ''très française'', ''un peu camerounaise" lance la mère de famille, un peu camerounaise parce que cela s’exprimait de façon théorique, plus sous forme de souvenirs et aussi de par la couleur de ma peau bien sur, mais cela restait quelque chose de très abstrait, mes amis disaient d’ailleurs que j’étais camerounaise de façade, cela nous faisait beaucoup rire. » Des rires qui se sont peu à peu effacés au moment de devenir maman, « je me demandais ce que j’allais pouvoir transmettre, au-delà de la mélanine » ironise-t-elle. En emmenant sa fille dans le pays de ses grands-parents, Alexia a – inconsciemment dit-elle – l’idée de l’immerger dans ce quotidien camerounais de manière à lui donner quelques clés de compréhension du monde – ou de ce bazar - qui l’entoure.
Le fameux ''bazar''
Elle s’est imposée le terme dès le départ. Mais n’y voyez surtout rien de péjoratif, « cela correspondait assez bien à ce que je vivais, à ce que je ressentais, assure-t-elle, j’ai en moi cette espèce de schizophrénie qui fait que je ne sais jamais vraiment quelle partie de moi va répondre, en fonction de la question posée, du contexte dans lequel je me trouve. » Le mot ''bazar'' en tête, il ne restait à Alexia qu’à broder autour pour trouver un titre à son projet. Elle en parle alors dans son entourage et notamment à une amie qui finit par joliment lui dire qu’ « en fait, c’est un joyeux bazar ! » Il n’en faudra pas plus à la Franco-Camerounaise pour se décider.
Vers une évolution cosmopolite
Plus qu’accomplie, la première saison se targue de pas moins de 12 épisodes, sans compter les deux hors-série de l’été. Parmi les témoignages, on découvre les parcours atypiques de Fanny, de Calvin ou de Stéphanie. Tous les invités d’Alexia partagent une particularité : leur lien avec la France. Pour ce deuxième volet, elle a envie d’ailleurs. « Explorer d’autres univers, changer de décors, c’est vraiment ce dont j’ai envie pour cette nouvelle année, pour cela, j’aimerais faire intervenir d’autres profils que des ''franco-quelque chose'' » Une évolution géographique donc, mais également technique. « Je pense rester sur de la conversation assez classique pour ce qui est du format, en revanche je compte enrichir mon travail avec d’autres matériaux sonores. »
Je vois dans la double-culture une façon un peu plus large d’appréhender le monde
Au fur-et-à-mesure qu’elle voit défiler ses invités, Alexia Sena parvient à mettre des mots sur ce que peuvent apporter les racines culturelles. « J’ai rencontré des gens traversés par pleins de courants différents et qui étaient eux-mêmes un concentré de complexité. Forcément, je pense que ces gens bénéficient d’un peu plus de facilités face à la difficulté à comprendre le monde » explique-t-elle. L’hôte du podcast insiste sur le mot ''facilité'' et refuse toute idée de vérité générale à propos de la double-culture. « Une facilité certes, mais c’est avant tout une question de volonté : certaines personnes choisissent une seule identité et s’enferment dedans, bien souvent parce que c’est plus facile à gérer ou que cela permet de soulager une souffrance » nuance-t-elle.
Toutefois et sans en faire une généralité, une grande tendance est ressortie de cette première saison : la capacité à comprendre plusieurs mondes et à créer des ponts entre ceux-ci. « Certains me disaient qu’ils arrivaient à faire dialoguer ces ponts, à traduire pour l’un ce que dit l’autre s’enthousiasme Alexia, c’est pour ça que je vois dans la double-culture une façon un peu plus large d’appréhender le monde ! »
Se différencier des autres médias
Dans l’Hexagone, le sujet de la multi-culturalité est souvent abordé de manière binaire. Soit on en évoque les avantages, soit les inconvénients. Rarement les deux en même temps. Une optique à éviter à tout prix pour Alexia. « Je voulais prendre le contre-pied d’autres médias ou podcasts qui souvent, évoquent la question mais en prenant le seul angle de la victimisation ou de la discrimination. Attention, il faut absolument en parler, c’est primordial ! Mais c’était important pour moi de parler des deux » affirme-t-elle. Une manière également de souligner l’importance du terme ''joyeux'', indispensable à la bonne lecture de l’œuvre.
La large cible du Joyeux Bazar
La journaliste en est consciente, la majorité des personnes qui écoute son travail est issue de la double-culture. Alexia identifie une autre catégorie d’auditeurs qui sont ''comme elle'' : c’est-à-dire qui ont deux parents qui viennent du même endroit mais qui sont fortement imprégnés d’une différente culture. Pour autant, elle invite toutes les catégories de gens à écouter ses podcasts. « Je pars du principe qu’aujourd’hui, qu’on soit biculturels ou pas, on est tous entourés de parcours métissés et cela, de plus en plus. » C’est d’ailleurs à des personnes issues d’une seule culture qu’Alexia conseillerait l’écoute. « Même s’ils peuvent ne pas sembler faire partie de la cible, au contraire, je pense qu’on a tous à gagner à se sensibiliser en s’ouvrant à ce sujet et à essayer de comprendre le vécu des autres. »
Si comme Alexia vous souhaitez dépasser les frontières et explorer d’autres horizons, rendez-vous sur joyeuxbazarpodcast.com.