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Jakarta - Incendie au Musée National Indonésien (MNI), les dernières nouvelles

Michel Larue, ingénieur à l'IRD (Institut de Recherche pour le Développement) à la retraite et guide francophone au musée revient sur l'incendie et nous informe sur les actions en cours.

Copie de 2022 - Format UNE - 745 x 465Copie de 2022 - Format UNE - 745 x 465
Écrit par Michel Larue
Publié le 3 octobre 2023, mis à jour le 12 octobre 2023

Retour sur l'incendie du 16 septembre 2023

Samedi 16 septembre, à environ 20h, un incendie s'est déclaré dans le Musée National Indonésien (MNI) de Jakarta, ravivant pour les français résidents le souvenir douloureux de l’incendie de Notre Dame. La situation a été maîtrisée grâce à l'intervention rapide des pompiers, de la police et des équipes du Musée et l'incendie a été stoppé à 22h40.

Le ministre de l'Éducation, de la Culture, de la Recherche et de la Technologie (Mendikbudristek), Nadiem Anwar Makarim, a fait un communiqué de presse depuis le lieu de l'incendie pour préciser qu’aucune victime n’était à déplorer, le musée étant vide à cette heure à l’exception des agents de sécurité qui ont donné l’alerte rapidement. Cette alerte rapide a permis que les dégâts, bien qu'importants, aient été néanmoins limités. 

Le Musée National comporte trois bâtiments. Les dégâts ne concernent que le bâtiment A, le plus ancien, qui a récemment fait l’objet de rénovation. Si les causes précises ne sont pas encore connues, c’est la présence de restes du chantier qui fait privilégier l’hypothèse d’un accident lié à un court-circuit.

Dans ce bâtiment, ce sont six salles qui ont été atteintes. Les quinze autres sont intactes de même que les deux autres bâtiments B et C. Ces salles contenaient des objets de différentes natures : ethniques, poteries, bronzes, textiles, objets préhistoriques, musulmans, etc. Un premier inventaire avait fait avancer le chiffre de plus de 800 objets détruits ou mis en sécurité. Une évaluation ultérieure a revu ce chiffre à la baisse et on parle désormais de 243 objets affectés par l’incendie. 

 

En jaune, les salles du musée touchées par l'incendie
En jaune, les salles du musée touchées par l'incendie

Les dégâts ont été occasionnés tout d’abord par le feu lui-même, puis par l’eau des pompiers, puis la charpente et le toit qui se sont effondrés, et enfin certains murs qui sont tombés. 

 

Bilan des pertes et des actions menées

L’importance qualitative des pertes doit prendre en compte la nature différente des objets. Le Musée National est dépositaire d’objets uniques irremplaçables et par conséquent inestimables. En revanche, certains autres objets ne sont que des répliques. Le musée, étant aussi un instrument d’éducation au bénéfice de la population indonésienne et surtout des élèves, certains des objets exposés ont été parfois fabriqués à la demande du musée. Ces derniers pourront être remplacés. D’autres enfin, bien qu’individuellement uniques, existent en nombre suffisant pour qu’un autre objet semblable puisse remplacer celui qui aura été détruit. 

Après l’incendie, différentes actions vont se succéder. Cela concerne d’abord les objets eux-mêmes : leur mise en sécurité, leur identification, leur réhabilitation, leur réparation si nécessaire. Parallèlement, le bâtiment incendié va devoir être protégé, une couverture provisoire devant être installée alors que la saison des pluies s’annonce. Il devra ensuite être reconstruit. L’examen de l’ensemble du bâtiment et sa mise en sécurité seront ensuite réalisés. Une fois l’analyse de l’incendie conduite pour comprendre son déclenchement, sa propagation, le fonctionnement ou non des systèmes de sécurité et leur efficacité, des améliorations devront être effectuées dans le reste des bâtiments. Par exemple, un système d’arrosage anti-feu automatique semblait exister, mais il était dirigé vers les objets donc vers le bas alors que l’incendie semble avoir démarré dans la charpente, au-dessus de ces systèmes, les rendant inefficaces. 

La complexité de ces actions rend le délai avant la réouverture totale du musée impossible à prévoir à l’heure actuelle. Les autorités parlent d’une fermeture d’un an. Toutefois, compte tenu que deux bâtiments sur trois n’ont pas été touchés, on peut espérer une réouverture partielle moins lointaine.

Les autorités ont rassuré sur le fait que les objets récemment rapatriés des Pays-Bas et stockés en sécurité n’avaient pas été impactés par l’incendie. C’est notamment le cas du Kris du prince Diponegoro, rendu il y a quelques années. 

Si, grâce au jour et l’heure où l’incendie s’est produit il n’y a pas eu de victime, il est aisé d’imaginer ce qui aurait pu se passer s’il avait eu lieu un jour d’affluence. Cette remarque invite les autorités à revoir complètement les règles de sécurité et particulièrement les conditions d’évacuation et les issues de secours. De même, les autorités vont engager un audit sur la sécurité des autres musées du pays. 

 

Le Musée National, une mémoire collective de plus de 200 ans

Le retentissement de cet accident sur la population a été significatif. En témoigne la discussion publique sous le titre, "ce musée est important", organisée par l’association des archéologues indonésiens, IAAI. Cette discussion a donné l’opportunité à l’invité officiel, Drs Fitra Arda, secrétaire général du directorat de la culture du ministère de l'Éducation, de la Culture, de la Recherche et de la Technologie, d’apporter les informations de première main concernant l’état du musée et des collections. Les membres de l’IAAI ont exprimé à la fois leur émotion face à ce qui est vécu comme un drame et leur attachement au musée.

 

Ainsi Junus Satrio Armodjo, archéologue principal a exprimé sa tristesse et sa colère : « Colère que cela se soit produit dans notre propre maison car pour un archéologue, le musée est notre maison. Comment restaurer notre fierté et l’exprimer au public ? Comment récupérer les collections et les bâtiments qui existent depuis environ 200 ans ? Le musée est notre mémoire collective ». 

Le Musée National d’Indonésie n’est pas seulement le plus important, le plus grand, le plus riche du pays avec ses quelque 190 000 objets dont une petite partie seulement est exposée, il a été le premier en Asie du Sud-Est et demeure l’un des plus prestigieux de la région. Il exprime avec fierté la richesse historique et culturelle du pays. 

M. Ahmad Mahendra, directeur par intérim de l'Agence de service public pour les musées et le patrimoine culturel, a déclaré que l'équipe de gestion du musée national avait communiqué avec diverses parties en Indonésie ainsi qu’avec des partenaires étrangers, notamment la France, les Pays-Bas et le Japon pour discuter des questions relatives à la restauration du musée.

On peut remarquer que dans le cas du Musée National d’Indonésie comme dans celui de Notre Dame, les accidents ont eu lieu lors de travaux ou de rénovation. Dans ces circonstances, il s'agira de vérifier si les entreprises extérieures appliquent les règles de sécurité imposées par les institutions dans lesquelles elles interviennent. 

Les membres de la communauté francophone impliqués dans les actions de l’Indonesian Heritage Society, expriment leur espoir que le Musée puisse rouvrir bientôt afin de reprendre leurs activités de guide.

 

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