Édition internationale

INTERVIEW – Fréderic Maligne, portraitiste de stars

Philippe Maligne a tiré le portrait aux célébrités les plus secrètes, à celles qui, de coutume, se défilent devant l'objectif. Quel est son secret ? L'artiste, qui expose à partir de demain à l'Alliance Française, a accepté de nous révéler quelques unes de ses recettes

(Photo Frédéric Maligne)
Lepetijournal.com : Comment avez-vous réussi à développer votre activité de photographe de stars ?
Frédéric Maligne : A 18 ans, je travaillais sur les chantiers, par nécessité. J'ai repris mes études sur le tard? J'ai beaucoup réfléchi à la psychologie humaine. Mon travail photographique va dans le sens de cette réflexion.
En fait, je suis parti du principe suivant : si je voulais faire connaître mon travail, j'avais tout intérêt à effectuer mes portraits sur des personnalités. Toutes les explorations que je pouvais faire sur la lumière et sur la psychologie des personnes que je photographiais, auraient tout de suite beaucoup plus de retombées. Je me suis donc créé un réseau, me permettant de mener à bien ce projet.

Concrètement, comment avez-vous fait ?
Je me suis organisé pour m'informer sur les opportunités de reportage. Vivant dans le sud ouest de la France, je portais une grande attention à la venue dans ma région d'acteurs en tournée de promotion, ou encore aux concerts qui y étaient tenus par des stars. Mon but était de jouer l'intermédiaire entre un magazine ou un quotidien et la maison de production qui gérait les tournées de ces artistes. Si je réussissais à faire correspondre les attentes des uns et des autres, alors le tour était joué. Il m'a fallu cinq ou six ans pour me constituer un véritable réseau efficace.

Comment se passent les séances de portrait ?
Tout dépend des personnes à qui j'ai à faire, mais aussi de l'état d'esprit dans lequel elles se trouvent au moment de la séance de portraits. A vrai dire, tout dépend également de l'état d'esprit dans lequel je me trouve moi aussi.
Par exemple, dans le cas d'Emmanuelle Béart, j'ai été le seul à être autorisé par elle à réaliser son portrait. Elle avait refusé tous les autres photographes. Je crois que son agent lui avait parlé de mon travail. Le fait que je n'ai pas une attitude agressive, ni de flash, a aussi dû jouer en ma faveur.
En fait on me demande souvent si je suis une sorte de paparazzi. Mais mon travail est bien différent, c'est un véritable effort d'aller vers les gens afin de percer leur psychologie que j'essaye de mener.
Je me rends compte qu'un portrait réussi tient à peu de choses. Lorsqu'on réalise un portrait, on est constamment entre un point d'équilibre et un point de rupture : sur le fil.

Avez-vous des souvenirs particuliers d'une séance de pose ?
Une des photos qui sera exposée à l'Alliance Française est un portrait que j'ai fait de Jorge Semprún, à l'occasion de Cinespaña à Toulouse. Pour moi c'était un personnage très important, pour qui j'avais énormément d'estime. Il s'est avéré être une personne très simple, pas compliquée du tout au moment de la prise de photo. Nous avons travaillé un moment sur son portrait, mais je me rendais compte que je n'arrivais pas à obtenir ce que je voulais. Lorsqu'il est parti, je savais que le résultat ne correspondait pas à mes attentes. Je n'osais pas le rattraper. Puis je me suis dit : "S'il est encore derrière la porte, je lui demande de revenir". Je suis sorti et il était effectivement encore derrière la porte. Je lui ai demandé s'il pouvait se plier à nouveau à la séance de pose et il a accepté. Cette fois là était la bonne.

Parlez nous de cette photo.
J'ai travaillé sur un portrait où Semprún apparaît tout petit, dans la pénombre. On voit surtout ses mains et son visage. Dans la diagonale au fond, un lampadaire et au-dessus, très présent, le ciel bleu obscur. Je voulais marquer sa spiritualité et sa personnalité brillante, mais aussi rappeler sa vie clandestine.

Quelle est votre position vis-à-vis des nouvelles techniques et technologies dans le monde de la photo ?
Je fais partie des personnes qui, lorsque le numérique est arrivé, n'ont eu de cesse de critiquer cette technologie. Puis je me suis rendu compte que pour véritablement exercer un art, quel qu'il soit, il faut appliquer des principes classiques, même si l'on veut développer son propre langage. C'est notamment ce que je fais avec la lumière. Pour ma part, je travaille avec du tungstène et des lampes Fresnel. Cela permet d'éclater la lumière et de travailler dans les dégradés. Par ailleurs, je refuse que Photoshop soit la solution à tout : lorsqu'on a raté l'émotion sur une photo, on peut la retoucher autant que l'on veut, cela restera toujours une photo ratée.
Pour en revenir au numérique, je crois que c'est un formidable apport, dans la mesure où, contrairement à ce que l'on pourrait croire, cette technologie permet de mieux défendre les droits d'auteur. Les photographes restent toujours détenteurs des fichiers source, tandis qu'avant, ils devaient les remettre aux personnes qui les exploitaient.

Propos recueillis par Vincent Garnier (www.lepetitjournal.com) mercredi 22 avril 2009


Plus d'informations sur Frédéric Maligne : http://www.fredericmaligne.com

Frédéric Maligne expose ses photos à l'Alliance Française de Madrid, à partir du jeudi 23 avril 2009.
Inauguration de l'exposition jeudi 23 avril à 19h30.
Alliance Française de Madrid, Cuesta de Santo Domingo 13
Tel : 91 435 15 32
www.alliancefrancaisemadrid.net