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Carrie Lam ne renouvellera pas son mandat à la tête de Hong Kong

carrie lamcarrie lam
@Hong Kong Government
Écrit par Didier Pujol
Publié le 4 avril 2022, mis à jour le 5 avril 2022

Après avoir laissé entendre au dernier trimestre 2021 qu’elle briguerait un second terme, la Chief Executive de Hong Kong Carrie Lam a finalement indiqué ce lundi qu’elle renonçait « pour raisons familiales » à poursuivre sa carrière à la tête de Hong Kong. Cette décision intervient alors que les mauvais résultats économiques liés à l’application stricte d’une politique d’isolement, étaient publiquement dénoncés par une partie de ses proches conseillers.

Un mandat marqué par les troubles sociaux à Hong Kong

Lors de la désignation de Carrie Lam comme Chief Executive, son objectif déclaré était “d’unir la ville de Hong Kong”. Pourtant, malgré deux premières années du mandat relativement calmes et caractérisées par une relation cordiale entre les camps pro-Pékin et d'opposition, son bilan reste loin de son objectif d’unité. Les 5 ans de son mandat, la Chief Executive de Hong Kong auront en effet été marqués par les troubles sociaux initiés au début 2019 avec l’annonce d’un projet de loi sur l’extradition des justiciables vers la Chine continentale. Les violentes manifestations qui ont suivis cette initiative ont eu pour conséquence, outre 10250 arrestations d’opposants, l’application de sanctions des Etats Unis qui ont finalement retiré à Hong Kong les avantages fiscaux dont le territoire bénéficiait pour ses échanges internationaux. Sur le plan juridique, la reprise en main par le gouvernement central a conduit à la mise en place de lois particulièrement répressives dites de Sécurité Nationale, punissant de l’emprisonnement à vie les crimes de secession, subversion, terrorisme et collusion avec l’étranger. Nombreux ont été alors les départs vers le Royaume Uni des familles de Hongkongais bénéficiant de la double nationalité via les passeports BNO octroyés dans les dernières années de la colonisation britannique. Ils étaient 158.000 en 2020 selon le Foreign Office qui prévoyait un demi-million de Hongkongais pour 2021.

Le changement du système électoral à Hong Kong

Faisant suite à la répression de la contestation par le pouvoir local, Pékin a imposé à Hong Kong une réforme électorale retirant toute possibilité aux partis traditionnels d’opposition d’exercer une influence décisive sur les décisions au Parlement. En effet, depuis mars 2021, seuls les « patriotes » ou jugés comme tels par un comité électoral largement constitué de personnalités pro-establishment ont désormais la possibilité de se présenter aux élections législatives. Quant à la désignation de la Chief Executive, la commission électorale a vu ses sièges passer de 1200 à 1500, et sa composition largement redessinée. Une cinquième section a été introduite pour autoriser davantage de membres des principaux organes législatifs et consultatifs politiques de Chine, tandis que 117 sièges autrefois attribués aux conseils de district ont été complètement remplacés. Les électeurs du comité électoral sont donc désormais pour la plupart des personnalités ou des élites désignées par le gouvernement qui n'ont pas été installées par des élections directes. Ainsi, ce 8 mai c’est un corps composé de 1 462 membres qui désignera le futur dirigeant de Hong Kong dont la prise de fonctions est prévue le 30 juin.

Une gestion de la pandémie déconnectée des réalités à Hong Kong

Au-delà de la reprise en main du système hongkongais guidée par Pékin, c’est probablement la gestion dogmatique de la stratégie chinoise du « zero-covid » qui a achevé de décrédibiliser la Chief Executive Carrie Lam auprès des entrepreneurs et cercles économiques de la ville. En maintenant pendant 18 mois une fermeture des frontières et une quarantaine de 3 semaines empêchant les échanges de personnes à partir de ce qui était l’un des premiers hubs commerciaux en Asie, le gouvernement de Hong Kong a donné un coup d’arrêt au développement de nombreux groupes internationaux et chinois opérant à Hong Kong. Dernièrement, le conseiller et homme d’affaire Allan Zeman tirait la sonnette d’alarme, indiquant publiquement que le point de non-retour risquait d’être atteint si l’on s’entêtait encore à Hong Kong à pratiquer les interdictions de vols en provenance de plusieurs pays dont la France, les Etats Unis et la Grande Bretagne alors que l’ensemble des pays de la zone Asie ouvraient largement leurs frontières et supprimait les quarantaines sous réserve de tests et de certificats de vaccination. C’est finalement sous la pression des milieux d’affaires qu’ont été abandonnés les programmes de mises à l’isolement massifs de tous les cas positifs et de test généralisé de la population. Dans le même temps, les medias locaux et internationaux s’indignaient de ce que Hong Kong avait le plus fort taux de mortalité au Covid du fait du retard pris dans la vaccination des personnes âgées.

A quoi s’attendre pour la suite à Hong Kong?

Les candidats au poste de Chief Executive ont jusqu’au 16 avril pour se faire connaître. Sans que les candidatures ne soient à ce stade officielles ni que comme l’indiquait lundi Carrie Lam « des membres du gouvernement n’aient démissionné pour pouvoir se présenter ». Parmi les noms évoqués, celui de Paul Chan  secrétaire à l’économie, de l’ancien Chief Executive C Y Leung mis en difficulté par la révolte des parapluies en 2014 ou encore de la députée du district de Hong Kong Regina Ip. Pourtant c’est John Lee, actuel Chief Secretary, qui semble le mieux placé, cet ancien policier s’étant illustré lors des manifestations de 2019 en tant que secretaire pour la sécurité et ayant été promu récemment, ce qui indiquerait qu’il ait aujourd’hui les faveurs de Pékin. Parmi les défis qui attendent le successeur ou la successeuse de Carrie Lam à partir du 30 juin 2022 figurent au premier chef de retrouver la confiance des milieux d’affaires et boursiers à l’heure où le rôle financier de Hong Kong pourrait bien s’avérer prépondérant, tandis que le rôle international du yuan se trouve renforcé par la crise ukrainienne et que l’intégration de la ville dans la Grand Baie est attendue par tous. Sur ce plan, l’annonce de la Métropole du Nord, censée relier Hong Kong à Shenzhen dans un ensemble homogène pourrait bien être suivie d’effet par la nouvelle équipe tandis que l’arlésienne du projet Lantau Tomorrow Vision supposé créer une île artificielle géante au large de Lantau à des fins immobilières ne répond plus aux priorités dans une ville dont le solde migratoire est désormais abonné aux chiffres négatifs.

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